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Chapitre III : Aspects de la culture italienne en France en France

A. Une langue à promouvoir

2. Le recrutement des enseignants

Certes, il ne faut pas se méprendre sur les objectifs. Si les autorités françaises se veulent exemplaires sur la question de l’enseignement de l’italien, c’est qu’elles attendent un retour équivalent en Italie, à un moment où les positions de la langue française dans la Péninsule apparaissent menacées par la pénétration grandissante de l’anglais605

. Il n’en demeure pas moins qu’un tel volontarisme contribue à former de mieux en mieux, et de plus en plus nombreux, des étudiants susceptibles de diffuser ensuite dans l’enseignement secondaire la langue italienne.

2. Le recrutement des enseignants

En 1961, Jean-René Vieillefond, conseiller culturel au palais Farnèse observe les progrès accomplis au cours des quarante années précédentes au regard de l’évolution du nombre d’enseignants d’italien dans l’enseignement secondaire. Il écrit :

« En 1920, il n’y avait qu’un seul titulaire d’italien pour l’ensemble des lycées. À présent, on dénombre 600 chaires d’italien pour le second degré. »606

Il semble donc qu’ait été menée au cours de cette période une vaste politique de recrutement. Le mouvement se poursuit au cours des années soixante puisqu’entre 1959 et

pratiques)et qui, d’autre part, soit en offrant sa collaboration aux diverses institutions locales, soit en prenant directement des initiatives, contribue à la diffusion de la langue et de la culture de notre pays ». (CAD, Rome Quirinal, service culturel, vol. 304 : compte rendu du IVe Congrès des lecteurs d’italien en France, 2-3 juin 1960)

602 Cf. annexe III. 1. 1.

603 CAD, Rome Quirinal, service culturel, vol. 305 : procès-verbal de la commission mixte chargée de l’application de l’accord culturel franco-italien, 22 mars 1961.

604 AMAE, série Z Europe, Italie 1944-1970, vol. 363 : note de la Direction générale des Relations culturelles n°38 RC/DG, Paris, 11 janvier 1969.

605 Cf. chapitre VIII (I.B.1).

1969, ce sont 552 professeurs d’italien qui sont recrutés par concours (331 certifiés et 221 agrégés).

Figure 18. Recrutement des enseignants d’italien (CAPES et agrégation) en 1959 et 1969

Source : Information statistique du ministère de l’Éducation nationale

Le nombre de postes mis au concours chaque année est fluctuant. Le nombre de recrues au CAPES connaît des variations de forte amplitude avec un minimum de seize en 1966 et un maximum de quarante-quatre en 1969. Le nombre de postes mis au concours de l’agrégation est traditionnellement plus stable, entre seize en 1965 et vingt-huit en 1969. Ces oscillations s’inscrivent dans le mouvement plus large de la politique de recrutement des enseignants du second degré menée par le ministère de l’Éducation nationale et définie en fonction de l’évolution des effectifs scolaires et des impératifs budgétaires. En outre, la répartition des postes entre les différentes langues vivantes, compte tenu du choix qui est offert aux élèves, révèle une hiérarchisation des idiomes dans une perspective utilitaire. Les Instructions officielles du 1er

juin 1958, adressées aux enseignants des collèges, sont très claires sur ce point :

« L’ambition du linguiste dans un Cours élémentaire est moins d’initier ses élèves aux particularités d’une langue considérée comme un ornement de l’esprit que de leur fournir un instrument de travail dont ils pourront se servir plus tard avec profit dans la carrière qu’ils auront choisie. »607

L’examen de l’évolution relative du recrutement des professeurs d’italien permet de prendre la mesure de l’intérêt porté à cette langue comme vecteur d’échange fructueux pour l’avenir de la France et des Français.

607 Cité in Langues modernes. Revue et bulletin de l’association des professeurs de langues vivantes de

l’enseignement public, n°4, juillet-août 1964, p. 59.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 Capes Agrégation

Figure 19. Évolution des recrutements des enseignants (CAPES et agrégation) des

principales langues vivantes (1959-1969)

Source : Information statistique du ministère de l’Éducation nationale

0 200 400 600 800 1000 1200 1400 Capes Agrégation Capes Agrégation Capes Agrégation Capes Agrégation Capes Agrégation Capes Agrégation Capes Agrégation CAPES Agrégation CAPES Agrégation Capes Agrégation Capes Agrégation Capes Agrégation 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969

Les enseignants d’italien représentent 5,1 % des professeurs de langues vivantes recrutés par concours entre 1959 et 1969 (3,9 % des certifiés et 9,3 % des agrégés)608

. L’évaluation statistique les situe donc en quatrième position dans l’ordre des recrutements, loin derrière leurs collègues enseignant l’anglais (58 %), l’allemand (22,1 %) mais aussi l’espagnol (14,6 %).

La part relative des recrutements de professeurs d’italien connaît même une franche érosion à partir de l’année 1963 pour le CAPES et de 1965 pour l’agrégation, passant pour ce concours de 13,4 % cette année-là à 7,75 % en 1969 (entre 1959 et 1964, la part relative se situe entre 9,5 et 1 %). Une observation plus attentive des évolutions concernant le concours du CAPES permet de dégager les grandes lignes de la politique de recrutement des professeurs d’italien. On peut ainsi remarquer qu’en dépit d’une baisse de 36,2 % du nombre de recrutement de professeurs en langues vivantes entre 1958 et 1959, la part de l’italien croît de 5 % à 7, 8 %. Et, si l’année suivante le nombre de postes passe de vingt-deux à trente-huit, cette augmentation ne suit en pas proportion la croissance générale et la part relative diminue, atteignant 4,4 %. En revanche, les années 1961 et 1962, marquées par un recul des recrutements en langues vivantes (de 868 en 1960, on passe à 625 et 621 postes), voient la part relative de l’italien se stabiliser autour de 5,5 %, en raison d’une baisse relative moins importantes que celle des autres langues. Cette période, à l’exception de l’année 1960, paraît donc dominée par une volonté du ministère de l’Éducation nationale de défendre les positions de l’italien en matière de recrutement.

Cette tendance s’estompe à partir de 1963, année qui connaît une hausse d’ensemble du nombre de postes alors que le CAPES d’italien offre moins de postes. En 1964, tandis que le nombre de recrutements en langues vivantes est réduit de 20 %, la proportion est proche de 50 % en italien. La part relative est alors au plus bas, avec 2,6 %, se maintenant à ce niveau au cours des deux années suivantes. En dépit d’un effort fourni en 1967, afin de doubler le nombre de recrues (de seize à trente-quatre), la part n’est que de 4,5 %. Les positions de l’italien dans le recrutement des enseignants ne font par la suite que se dégrader. En effet, si l’augmentation des recrutements en italien est de 14,7 % entre 1967 et 1969, elle est au cours de la même période de 76 % pour l’ensemble des langues vivantes. En 1969, les étudiants ayant réussi le concours de CAPES en italien ne représentent que 2,9 % des certifiés en langues vivantes de l’année.

L’approche statistique permet donc de conclure que les recrutements des enseignants d’italien, tout en étant soumis aux fluctuations de l’ensemble des langues vivantes, suivent un rythme propre. Celui-ci met en lumière une tendance générale à l’affaiblissement de la position de l’italien par rapport aux autres langues principales, malgré une résistance au début des années soixante. Le milieu de la décennie consacre définitivement la prépondérance de

l’anglais en matière de recrutement répondant ainsi au mouvement de domination croissant de cette langue dans les relations internationales, notamment dans les affaires. L’italien résiste beaucoup moins bien à cette montée en puissance que l’allemand et l’espagnol. Ces deux derniers idiomes sont en effet toujours l’objet d’une attention particulière de la part du ministère de l’Éducation nationale, l’une en raison de la valeur formatrice qui lui est attribuée, particulièrement en ce qui concerne la culture littéraire, philosophique et scientifique, l’autre en raison de son vaste rayonnement géographique.

En reléguant l’italien en quatrième position, avec une importance relative de plus en plus réduite, la politique de recrutement du ministère de l’Éducation nationale ne répond que très imparfaitement aux déclarations d’intention qui scandent les discussions relatives à la coopération culturelle franco-italienne. D’autre part, elle n’est pas sans incidences sur le choix des élèves, tout en offrant, il est vrai, un reflet de leurs aspirations.