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Chapitre 3 – L'évaluation des fréquentations récréatives des forêts

3.5/ Des contextes nationaux divers mais des thèmes communs

3.5.1/ Des recherches et des enquêtes dans des pays voisins de la France

En Hollande, dès le début du XXe siècle, les préoccupations sociales et environnementales étaient intégrées aux politiques d'aménagement local. Ainsi, le projet de création d'un espace vert et boisé de plusieurs centaines d'hectares, dans le tissu urbain d'Amsterdam, a été lancé à la fin des années 1920, et il devait s'intégrer dans la trame d'espaces de loisirs qui existait déjà à l'époque (Linden, Kerjean, 1969). Au Pays-Bas, dans les années trente, les espaces verts et boisés urbains et périurbains ont été conçus comme des espaces multifonctionnels destinés à protéger la ressource en eau tout en fournissant des espaces de loisirs aux usagers.

Aujourd'hui, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, les forêts occupent proportionnellement peu de surface mais elles sont parfois très bien intégrées dans la vie sociale. Une gouvernance forestière est active depuis longtemps et les populations participent souvent aux choix de gestion (Konijnendijk, 1997 ; Lawrence, et al., 2009 ; WIAT, 2010).

En Suisse, la majorité de la population est urbaine et les aspirations récréatives des citadins en matière d'espaces verts et boisés sont en forte augmentation. Les spécialistes des sciences sociales se sont donc intéressés aux loisirs en forêt et de nombreuses enquêtes ont été menées à ce sujet (Schmithüsen et al, 1997). En 1999, réalisée pour le compte de l'Office fédéral de l’environnement, des forêts et du paysage (OFEFP), la forêt est d'abord associée à des mots tel « l'air » ou « l'air frais » ou encore « le bon air ». Les personnes interviewées au téléphone ont répondu à plus de 50 % qu'elles étaient allées en forêt la semaine qui précédait l'interview. Au-delà de ces chiffres qui semblent traduire une très importante fréquentation, nous remarquons la précision des réponses apportées par les Suisses : 2 % des visites ont duré au maximum 10 minutes, 6 % entre 11 et 20 minutes, 13 % entre 21 et 30 minutes, etc. Les principales activités en forêt, sont la promenade pour 40 % des usagers, puis la détente (20 %) et une catégorie intitulée « marche/sport/santé » qui concerne aussi 20 % des personnes interrogées. Selon la population suisse, la principale fonction des forêts serait « la production d'oxygène », et dans ce pays la notion « de poumon vert » est une constante réaffirmée au fil des années et des enquêtes.

En 2007, près de Berne, une forêt devait être en partie défrichée pour laisser sa place à une usine d'incinération. En Suisse, les conflits avec les usagers sont pris très au sérieux, dans le cadre de la gouvernance ils sont souvent traités en amont. Des enquêtes ont donc été faites et les aménagements ont été le sujet de débats. Les spécialistes de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) travaillent

depuis longtemps en relation avec la population, des consensus ont donc été trouvés. L'usine a été construite et des espaces plus favorables aux usagers ont été aménagés (Baumgartner, 2007a). En parallèle à ces travaux de concertation et d'information du public, des experts suisses se sont inspirés des recherches européennes et japonaises pour affirmer que le secteur médical et la sylviculture devraient collaborer davantage pour le bien de tous (Baumgartner (3), 2007).

En 2005, une recherche a été faite dans une série d'espaces verts de plus de un hectare à Sheffield en Angleterre (Fuller et al., 2007). Ces espaces ont été étudiés sous deux aspects. La première étape a consisté à faire un inventaire de la biodiversité notamment à travers la surveillance des papillons qui sont de bons marqueurs des milieux et de la diversité. Dans un deuxième temps, des entretiens semi directifs ont été menés auprès des usagers de ces espaces pour évaluer leurs niveaux de bien-être et leurs représentations de la richesse faunistique et floristique de ces espaces. Les résultats ont montré que la perception de la biodiversité varie selon les possibilités et les facilités d'observation. L'enquête révèle aussi que les usagers ne sont pas répartis équitablement ou au hasard dans les espaces verts. La raison précise des choix est difficile à cerner parce que les rapports aux espaces verts sont variables, mais le bien-être perçu est clairement un motif de ces choix. Le niveau de richesse biologique est aussi l'un des déterminants des choix à travers une sorte de mécanisme psychologique. Une mosaïque de milieux dans les espaces verts augmente la biodiversité, mais aussi la satisfaction et le nombre des usagers. Plus les possibilités d'entrer en contact avec la biodiversité sont nombreuses, plus les bénéfices psychologiques peuvent être importants, augmentant ainsi le nombre de visiteurs.

En Angleterre, en 2009, les résultats d'une grande enquête nationale ont été publiés. Ils concernent les différences de perceptions entre les forêts privées et les forêts publiques (Lawrence et al., 2009). L'un des objectifs de cette enquête était d'évaluer le rôle à long terme des forêts publiques à travers trois grandes questions : quelles études peuvent aider à comprendre les perceptions des forêts par la population ? Que pensent les individus des différents types de forêts selon leurs catégories foncières ? Quelles sont les différences de perceptions entre les groupes de population et d'usagers ? L'enquête comporte un aspect quantitatif et un volet qualitatif. En 2009, en Angleterre, 57 % des personnes interrogées déclarent être allées en forêt au cours de l'année précédente, mais 40 % d'entre elles ignorent qui est le propriétaire de cet espace. Les groupes de discussions ont permis de creuser les perceptions des usagers et il est apparu que 70 % des participants peuvent indiquer des avantages en faveur de la propriété publique des forêts contre seulement 55 % pour les forêts privées. Les populations préfèrent les forêts publiques notamment à cause de l'entretien des sentiers et de la présence des toilettes et des cafés. Les forêts du domaine public sont réputées plus efficaces

pour le maintien de la biodiversité, pour l'éducation des populations et l'implication des communautés dans la gouvernance. Des mécontentements ont parfois été exprimés à l'égard des forêts de résineux, mais ces points de vue peuvent être contrebalancés par des critères d'accessibilité, par la qualité des sentiers et des paysages

En 2010, la Forestry Commission37 a publié un bilan des 10 ans d'activités du Social and Economic

Research Group (SERG). Ce groupe de recherches est composé par des spécialistes de diverses disciplines qui travaillent sur des sujets tels que les loisirs, l'éducation, l'intégration sociale, le bien- être et la santé humaine (Forestry Commission, 2010b). Les diverses enquêtes qu'ils ont menées montrent qu'en Grande-Bretagne, l'intégration sociale par la récréation et le travail est efficace avec les scolaires, avec les immigrés mais aussi avec les délinquants en ré-insertion. La prise de conscience des enjeux climatiques contribue à des décisions en matière d'investissements qui sont réalisés dans le cadre de la gouvernance. Depuis de nombreuses années, de nouveaux espaces boisés aux vocations récréatives et environnementales sont donc régulièrement créés dans les villes britanniques et sur leurs périphéries.

La présentation de ces enquêtes faites dans des pays voisins de la France montre que les activités récréatives des usagers se ressemblent, même si les contextes nationaux varient, notamment en matière de gouvernance. Des recherches sociologiques sont menées dans tous les pays et certaines méthodes et objectifs sont originaux. Ces travaux révèlent indirectement qu'en Europe, il existe une tendance favorable à la création et au développement des espaces boisés à vocation sociale et récréative (EEA, 2013).

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