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Chapitre 2 – Les espaces périurbains et leurs forêts

2.2/ La diversité des espaces périurbains et de leurs populations

La taille et l'emprise des villes sur leurs espaces périphériques sont principalement évaluées selon des critères spatiaux et démographiques. Les populations interagissent avec les territoires qu'elles se sont créés (Berque, 1990 ; Simmel, 1999). Mais qui sont les habitants de ces espaces ? Combien sont-ils ? Comment sont-ils polarisés ?

Pour cerner l’évolution de l’espace urbain et de sa zone d’influence, l’INSEE a créé la notion d’aire urbaine. Le zonage en aires urbaines s'appuie sur la notion de pôle urbain qui est une unité urbaine d'au moins 1 500 emplois24. Une aire urbaine est définie comme un pôle urbain

qui est le plus souvent, entouré d'une couronne. Dans cette couronne, au moins 40 % de la population active résidente, travaille dans le pôle. L'INSEE distingue différentes tailles d'aires urbaines. Celles qui sont basées sur des pôles de plus de 10 000 emplois sont considérées comme de grandes aires urbaines (INSEE, 2011b).

L'avantage géographique et sociologique de travailler à l'échelle des aires urbaines est induit par l'aspect concret des relations qu'entretiennent les populations avec la ville centre ; ces ensembles traduisent bien la notion d'espace périurbain dans le contexte actuel (Mathieu-Huber, 2007). Toutefois, les périmètres de ces aires ne correspondent avec aucune collectivité spécifique, car ils décrivent un instantané des relations entre les villes et les périphéries. Selon les années, dans chacune des communes de ces aires urbaines, le nombre et les proportions d'actifs peuvent varier. D'une façon générale et depuis plusieurs années, les actifs quittent les villes centres, et s'installent dans les périphéries. Cette évolution est clairement exposée dans les travaux de l'INSEE qui montrent des aires urbaines en progression plus ou moins rapide mais quasi-généralisée. En 2011, l'espace des grandes aires urbaines (carte n° 2, page 58) représentait plus de 46 % du territoire national (INSEE, 2011a)25.

24 www.insee.fr

25 http://www.observatoire-des-territoires.gouv.fr/observatoire-des-territoires/fr/insee-premi-re-n-1375-octobre-2011- le-nouveau-zonage-en-aires-urbaines-de-2010-poursuite-de-la-p-riu

Carte n°2 – Les aires urbaines françaises en 2010

Source : http://www.populationdata.net/indexcarte.php?option=article&origine=accueil&aid=921&article=2011-10-19- France-:-mise-a-jour-des-aires-urbaines&mid=2915&nom=france-aires-urbaines-2008

Cette carte de l'INSEE montre que les aires urbaines sont largement répandues sur tout le territoire national même s'il existe des disparités entre les régions très urbanisées (la région parisienne, le Nord, la vallée du Rhône, le littoral PACA) et d'autres qui le sont beaucoup moins (le sud-ouest du Massif central, les Alpes du sud). Les aires urbaines sont relativement nombreuses dans le sud-ouest du Bassin parisien, mais elles ne semblent pas trop denses comparativement aux régions très peuplées du Nord, de l'Est et du Sud-Est du territoire national.

Selon leurs situations et les caractéristiques de leurs communes, les élus et les habitants des espaces périurbains souhaitent un statut-quo ou une évolution positive de la population locale pour préserver ou améliorer leur cadre de vie dans ces territoires (De Félice, 2005 ; Fleury, 2005). Cette diversité de souhaits et d'opinions apparaît en diverses occasions, notamment lors de la mise en place d'une concertation qui est parfois requise pour l'élaboration des SCOT, de la trame verte et bleue et des Agendas 21 locaux.

Dans le cadre de cette évolution et des nouveaux rapports de force ou d'influence, au sein des territoires périurbains, il existe quelquefois des frictions entre les nouveaux habitants qui sont sous influence urbaine alors que d'anciens habitants travaillent encore dans ces espaces d'apparence parfois rurale. Les nouveaux habitants des espaces périurbains ont souvent une vision récréative et esthétique de la campagne, et ils méconnaissent l'agriculture et ses caractéristiques sociales et paysagères (Cormier, 2011).

Ces évolutions socio-spatiales peuvent aussi faire émerger de nouvelles formes de citoyenneté et de gouvernance. Des associations paysannes sont parfois créées pour défendre les terres et le maintien d'une agriculture proche de la ville (Duyck, Regoin, 2004). Cependant, ces organisations semblent avoir moins de poids et d'influence que les initiatives liées à la défense de l’environnement puisque les nouveaux arrivants sont nombreux et ont souvent en commun de s'approprier le paysage naturel comme lieu de vie (Cormier, 2011 ; Fleury, 2005).

L'évolution sociale des territoires est donc évidente, les perceptions et les représentations des habitants changent tout comme leur façon de faire société (Fourmy et al., 2012). La transformation de l'environnement naturel, l'accroissement de la population, de ses influences sociales et professionnelles ainsi que l'évolution des moyens et des axes de transport font partie des facteurs qui expliquent la diversité des modes de vie et des perceptions des habitants des espaces périurbains (Cormier, 2011 ; Mathieu-Huber, 2007).

Aujourd'hui, dans ces espaces en recomposition, la superposition des situations environnementales et administratives ne reflète pas toujours l’espace vécu ni le sentiment d’appartenance d’une partie de la population à une collectivité plutôt qu'à une autre. L'environnement naturel et social, urbain et périurbain, peut donc être assez paradoxal. Dans les lotissements pavillonnaires assez peuplés des communes périurbaines de deuxième couronne, là où il y a peu d'aménités urbaines, de nombreux habitants estiment vivre dans la banlieue de la ville centre, puisqu’ils y travaillent, qu’ils y font leurs achats et qu’ils y passent la plus grande partie de leur vie sociale. A l'opposé de cette situation socio-spatiale, dans la frange extérieure de l'agglomération centrale, des citadins habitent des environnements calmes et verdoyants, et ils n'ont pas le sentiment d'habiter en ville (Peltier, 2010).

L'évolution et l'arrivée de nouvelles populations entrainent des modifications et des changements progressifs dans les rapports sociaux qui influent ensuite sur les orientations économiques et environnementales. Des problèmes d’organisation et de consommation d’espaces sont aussi induits par la discontinuité de la périurbanisation, car les compétences ne relèvent pas toujours des mêmes structures administratives (Merlin, 2009).

Le manque de concertation à l'échelle des bassins de vie est parfois visible quand les collectivités territoriales aménagent des zones d'activités et proposent des conditions qui concurrencent les territoires voisins. Dans ce bras de fer pour attirer les activités, l'environnement naturel peut jouer un rôle d'appel important, car il représente parfois un cadre agréable ou une qualité de vie. L'avenir de ces espaces peut toutefois devenir paradoxal. Dans les espaces en compétition, la promotion immobilière et commerciale est la bienvenue mais elle est souvent corrélée aux conditions économiques locales plutôt qu'aux caractéristiques environnementales. Les évolutions socio- économiques peuvent donc avoir des conséquences multiples, et l'un des premiers enjeux concerne le coût du foncier bâti ou non bâti.

Dans les espaces périurbains, le prix du foncier est souvent inférieur à celui des grandes agglomérations (Bailly, Bourdeau-Lepage, 2011), et cette caractéristique a des conséquences sur la création de logements et d'infrastructures urbaines qui impactent fortement l'outil de production agricole et forestier (Duyck, Regoin, 2004 ; Léonard, 2005). Dans les périphéries urbaines, la question des terres et de leur affectation est donc l'objet de multiples enjeux pour l'avenir des forêts et de leurs diverses fonctions. Les évolutions périurbaines concernent ainsi le paysage et le cadre de vie de la population locale, des visiteurs de passage et des touristes.

La multiplicité des facteurs économiques, culturels, individuels et sociaux créent une relative hétérogénéité dans la population des espaces périurbains, mais l'apparence de mixité ne gomme pas les héritages et les regroupements liés à des considérations sociales et matérielles (Cailly, Dodier, 2007). Des enquêtes montrent que les habitants des espaces périurbains peu favorisés ne perçoivent pas les environnements naturels de la même manière que les habitants des lotissements cossus de la périphérie urbaine. Ils n'ont pas non plus les mêmes fréquentations, ni les mêmes appréhensions des forêts périurbaines (Maresca, 2000). Les inégalités d’accès aux espaces naturels peuvent même être un indicateur des inégalités environnementales (Emelianoff, 2006).

Dans les espaces périurbains, la constitution des territoires et des populations apparaît donc souvent comme une dynamique hétérogène, générée par des personnes venues de la ville pour s'installer dans la périphérie. L'absence de coordination ou d'évolution territoriale créatrice d'une synergie capable de décloisonner les individualismes pour organiser le vivre ensemble peut-elle être

compensée par la mise en application de certains principes du développement durable ? Le constat de la situation socio-spatiale et environnementale actuelle, au regard d'une analyse basée sur le cadre et les concepts du développement durable, peut contribuer à la compréhension des populations, des usagers des forêts et de leurs pratiques.

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