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Deuxième partie Les activités récréatives dans les forêts périurbaines d'Alençon, de Blois et du Mans

Chapitre 4 – Les espaces de la recherche

4.4/ L'aire urbaine du Mans

4.4.5/ La forêt domaniale de Bercé

Au sud-est de l'aire urbaine du Mans, la forêt domaniale de Bercé est un fleuron de la foresterie française. L'histoire des hommes et celle des peuplements forestiers ont toujours été en interaction étroite à Bercé.

Le massif forestier a globalement la forme d'un fer à cheval (carte n° 15, page 169). La forêt la plus ancienne est à l'Est tandis qu'à l'Ouest, les terres ont été boisées relativement récemment. Les 5 379 hectares de peuplements forestiers sont traités en futaie régulière. A l'est de la forêt, ce sont les essences feuillues qui dominent et la futaie est à révolution très longue, de 210 à 240 ans. Dans la partie ouest de la forêt, 1 200 hectares ont été achetés au XVIIIe siècle. Quand ils furent acquis, ces terrains n'étaient qu'une lande sur des sols constitués de sables grossiers et de conglomérats. Aujourd'hui, les boisements résineux sont majoritaires dans ces parcelles.

Carte n°15 – La forêt de Bercé

Les usagers fréquentent surtout la partie centrale, et l'est du massif forestier, là où les essences sont majoritairement feuillues. Les parcelles les plus à l'ouest sont davantage plantées en résineux. Elles sont aussi moins agréables aux usages récréatifs parce que le système routier est plus envahissant.

La forêt domaniale de Bercé est connue depuis longtemps pour la qualité de ses chênes. En 1904, certains arbres étaient si beaux que les forestiers ont obtenu la mise en réserve de 8 hectares d'une futaie plantée en 1647. Pour les forestiers et les visiteurs actuels, elle symbolise la réforme de la sylviculture voulue par Colbert. Aujourd'hui, ces arbres sont âgés de plus de 350 ans et ils rendent compte des différences d'échelles de temps entre l'Homme et la forêt. La Futaie des Clos est l'une des plus vieilles et des plus belles parcelles de ce type en Europe (Ballu, 2006). C'est donc l'une des principales attractions de la forêt de Bercé.

La forêt de Bercé est concernée par le périmètre de cinq ZNIEFF relatives à divers milieux humides et forestiers. De son propre chef, l'ONF a réservé un ilot de 7,5 ha à la sénescence qui s'apparente à une réserve car aucune action sylvicole n'est entreprise, mais cet espace sera reboisé quand cela s'avèrera nécessaire. La forêt devait entrer dans le périmètre de deux sites Natura 2000. Mais, en 2011, l'ONF ne souhaitait pas ratifier ces conventions. Les responsables de l'ONF estiment que l'avantage fiscal accordé n'est pas en rapport avec la limitation de la production de bois que le classement entrainera.

La protection de la forêt, de son milieu et de ses espèces animales a été largement médiatisée entre 1996 et 2002. A cette époque, le chantier de construction de l'autoroute entre Le Mans et Tours a été bloqué à cause du pique-prune (Osmoderma eremita). L'autoroute devait traverser et amputer l'habitat de ce scarabée xylophage qui est strictement protégé par le droit européen (Soulis, 2005 ; Vignon, 2006). L'association des Amis de Bercé et son Président, Christian Damenstein65, ont mené

un combat contre le tracé de l'autoroute, pour préserver le pique-prune. L'affaire était d'importance nationale car des enjeux économiques et financiers étaient engagés et le chantier a été bloqué. L'affaire a été jugée plusieurs fois au niveau national et il a fallu un arrangement international pour régler le problème administratif. Aujourd'hui, l'autoroute passe sur le coté de la forêt, quelques arbres ont été déplacés. Le pique-prune n'intéresse plus vraiment le public local mais les cicatrices des défenseurs de l'environnement ne sont pas toutes refermées.

Généralement, les usagers apprécient cette forêt mais parfois ils en critiquent la gestion. Dans le même registre que les critiques émises par C.Damenstein (Czerwinski, 2010), le Président de l'association « Les Semelles de Bercé » a déclaré qu'il n’apprécie pas complètement l'état d'entretien de cette forêt qu'il considère par ailleurs comme un joyau local (Pineau, 2010).

A coté des usagers passionnés et critiques, de nombreux visiteurs s'intéressent surtout aux lieux emblématiques de cette forêt. Des endroits touristiques ont été spécialement aménagés à l'intention

65 Entretien du 7 décembre 2011. Le président de cette association, Christian Damenstein, est naturaliste, chasseur à courre et écologiste. Il occupe aussi plusieurs fonctions dans le monde associatif local.

des visiteurs occasionnels et des petits parkings ont été créés pour ces usagers qui ont besoin de places pour leurs voitures. Dans les endroits comme la futaie des Clos, les sources de l'Hermitière et la Fontaine de la Coudre, les aires de repos sont prisées par les visiteurs qui apprécient particulièrement les tables de pique nique et les abris rustiques.

La présence des usagers peut toutefois créer une gêne pour les forestiers et les divers intervenants (pompiers, secouristes) qui sont potentiellement amenés à entrer en forêt. Les agents de l'ONF sont sensibles aux questions de stationnement, car des usagers garent mal leurs voitures et obstruent partiellement des voies déjà étroites. Les visiteurs voient une belle forêt et ils n'imaginent pas qu'ils peuvent gêner le passage des véhicules de secours tels que les camions de pompiers. Les interfaces entre les usagers et le monde de la forêt sont donc souvent réévaluées pour adapter l'espace ou/et l'information des usagers, des forestiers et des autres intervenants.

Selon le responsable départemental de l'ONF66, la forêt de Bercé accueille environ 50 000 visiteurs

par an, et des évolutions territoriales semblent nécessaires, car l'ONF doit assumer presque seul les responsabilités induites par ces fréquentations récréatives67. Les frais sont importants, concernant

notamment l'entretien des voies forestières, très nombreuses à Bercé. Les collectivités locales pourraient s'impliquer mais elles souhaitent aussi participer aux décisions et aux orientations que l'ONF prend au sujet de la forêt. En parallèle à la réalisation de l'autoroute, la création du musée Carnuta68 à Jupilles confirme l'envie des territoires locaux de s'investir dans des projets tels que

celui du label « Forêt d'exception » qui se met en place.

En 2007, l'idée de la création d'un label pour les forêts d'exception a été bien accueillie. Ce label est destiné au fleuron des forêts françaises qui combinent d'importants aspects forestiers avec l'histoire et la culture des populations locales. Son objectif est de créer une dynamique et un réseau pour développer et faire connaître ces espaces emblématiques. Les collectivités territoriales et un ensemble d'acteurs ont été invités à se réunir autour de l'ONF pour créer une synergie et mobiliser des financements variés, afin de mettre en œuvre une politique concertée de développement durable. Cette opportunité de développement de l'écotourisme pourrait être saisie par les collectivités et les professionnels du secteur. Une dynamique est en marche, la notoriété de la forêt de Bercé est importante, mais elle évolue encore positivement lorsque son nom est accolée à des expressions telles que forêt d'exception ou fleuron des forêts françaises.

66 Entretien du 2 décembre 2011, Sylvain Haye est ingénieur forestier et il est le responsable de l'ONF dans la Sarthe. 67 Le Conseil Général de la Sarthe subventionne la fonction récréative, mais 60 000 euros ne sont pas suffisants pour

couvrir l'ensemble des frais et des investissements engagés dans les forêts domaniales du département.

68 En référence à la forêt des Carnutes qui étaient un peuple gaulois. Aujourd'hui le musée est bien connu pour son architecture entièrement recouverte par des panneaux de châtaignier. Il s'étend sur 500 m², et il présente des animations interactives, des collections permanentes et des expositions temporaires.

Conclusion du chapitre

Les trois aires urbaines choisies pour cette recherche ont des particularités, mais aussi des ressemblances spatiales et territoriales. Certaines de leurs forêts ont des caractéristiques communes qui permettent de les apparier pour constituer deux espaces laboratoires.

Dans l'aire urbaine d'Alençon, le PNR Normandie-Maine et sa charte forestière marquent le paysage socio-environnemental dans lequel s'organisent les fréquentations récréatives liées aux espaces boisés. Deux forêts domaniales marquent particulièrement le paysage périurbain et attirent les usagers en quête d'espace calme et préservé, tandis que les usagers préférant des espaces moins isolés fréquentent le parc Jean Mantelet et les espaces boisés suburbains de la Fuie des vignes. Dans l'aire urbaine de Blois, il n'y a pas d'unité environnementale ni de structure territoriale qui organise les usages récréatifs en forêt. A coté des forêts domaniales, des espaces naturels protégés pour leur naturalité (Réserve Grand-Pierre et Vitain ; Île de la folie) valorisent le patrimoine environnemental de la région, mais ces différentes forêts n'ont pas les mêmes fonctions sociales. Dans l'aire urbaine de Blois, des forêts très différentes sont accessibles aux usagers, mais les fréquentations du milieu naturel boisé s'organisent spontanément d'une façon assez classique entre les parcs suburbains et les forêts domaniales. De très nombreux usagers fréquentent le parc des Mées et les espaces boisés près du fleuve, qui sont très accessibles depuis l'agglomération. D'autres usagers préfèrent les grandes forêts domaniales qui sont souvent moins accessibles depuis la ville et qui nécessitent généralement des déplacements plus importants.

Dans l'aire urbaine du Mans, le Boulevard nature est un projet structurant qui modifiera l'offre d'accès aux espaces naturels boisés périurbains. Aujourd'hui, dans cette aire urbaine, à coté des forêts publiques très fréquentées, les forêts privées ont la particularité d'être souvent accessibles aux usagers mais l'évolution des pratiques conduit parfois les propriétaires et les gestionnaires d'espace naturel à en restreindre l'accès. Dans l'aire urbaine du Mans, les usagers en quête d'espaces naturels de loisirs fréquentent donc l'Arche de la nature qui leur est spécialement destinée, mais de nombreux usagers se déplacent jusqu'en forêt de Bercé qui reste un pôle d'attraction important à l'échelle locale.

Il apparaît donc que dans les trois aires urbaines, les forêts qui combinent une naturalité plaisante et accessible se divisent en deux grands ensembles d'espaces publics. D'un coté, les forêts domaniales d'Écouves, de Perseigne, de Blois, de Russy, de Boulogne et de Bercé présentent une certaine unité. Elles sont gérées de la même façon par l'ONF qui en assure l'accessibilité et l'entretien. De l'autre coté, il y a des parcs et des espaces boisés situés au contact des villes au centre des aires urbaines. Ces espaces naturels désignés comme des parcs suburbains représentent des enjeux d'aménagement

destinés à satisfaire la population.

Chacun de ces types de forêts correspond à un choix de fréquentation : les parcs suburbains sont des espaces de proximité très fréquentés et ils constituent une alternative aux déplacements vers des forêts domaniales traditionnellement plus éloignées des bassins de vie des populations urbaines. Les fréquentations dans ces deux ensembles distincts de forêts sont donc parfaitement adaptées aux objectifs de la recherche : inventorier et décrire les activités et les perceptions des usagers en fonction de la proximité des espaces de loisirs par rapport à la ville.

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