• Aucun résultat trouvé

1.7/ Des enjeux de la protection des paysages forestiers dans le cadre de la fonction sociale

1.7.1/ Les cadres de la protection des forêts

Les cadres de la préservation du milieu naturel comportent trois niveaux. Le premier est celui de la protection forte qui induit des restrictions d'usage ou d'accès prises par une autorité de tutelle. Le deuxième niveau de la préservation est organisé autour de contrats de gestion adoptés après une concertation. Le troisième niveau n'induit pas de restriction d'accès ou d'usage, les espaces désignés étant inventoriés et/ou labellisés, leurs objectifs sont la connaissance et l'information préventive du public, des propriétaires et des gestionnaires du patrimoine naturel local.

Les statuts officiels de la protection forte du milieu naturel sont parfois anciens et peu connus (encadré n° 5, page, 38), d'autres ont été adoptés dans les années cinquante avec la création des Réserves naturelles (RN). Dans ce cadre, la protection environnementale a été conçue comme une mise en défens d'espaces sensibles, et dans certaines réserves intégrales, seules quelques activités scientifiques sont autorisées (Cans, Reille, 1997 ; Therville et al., 2012). Toutes les RN ne sont pas intégrales, et compte tenu de la diversité environnementale et foncière, certains travaux de foresterie ou de pâturage peuvent être autorisés dans ces espaces sous le contrôle des autorités de tutelle. Dans les départements, les préfets peuvent prendre des arrêtés de protection de biotope qui permettent de protéger un milieu ou une espèce remarquable. Il s'agit alors d'une mesure de protection forte mais ce type de statut concerne peu d'espaces.

A coté des mesures de protection nationales, régionales et départementales, des initiatives ont été prises par des gestionnaires ou des propriétaires privés qui peuvent mettre tout ou partie de leur bien en réserve. Dans les forêts domaniales dont il a la charge, l'ONF a ainsi créé des réserves de biodiversité qui sont intégrales (RBI) ou dirigées (RBD). Dans ses réserves intégrales, l'ONF s'interdit toute action forestière, alors que dans les RBD, des mesures de précautions particulières sont prises lors des travaux forestiers.

Des collectivités territoriales et des propriétaires privés prennent aussi des initiatives quant à la mise en réserve de certains Espaces naturels sensibles (ENS) ou remarquables. Ainsi, dans l'aire urbaine de Blois, des propriétaires privés sont associés à une initiative du Conservatoire régional pour mettre en réserve volontaire l'espace naturel de l'Île de la folie à Chaumont-sur- Loire (cf. chapitre 4.3.1).

La conservation du milieu organisée autour de contrats de gestion adoptés après concertation est le deuxième niveau de préservation qui concerne de vastes espaces ruraux et forestiers.

En 1967, un décret a institué les Parcs naturels régionaux (PNR). Avec la création de ce type de parc, la notion de protection a glissé d'une protection forte vers la conservation des milieux naturels et anthropisés. Dans les espaces à dominante rurale des PNR, c'est le cadre traditionnel de la vie des hommes en osmose avec l'environnement qui est ciblé par une préservation concertée entre les collectivités locales et divers organismes. Dans les années quatre-vingt, la législation et les objectifs environnementaux des PNR ont évolué, et un décret de 1988 leur a officiellement reconnu l'objectif de la protection du patrimoine naturel et culturel. Les PNR sont classés par l’État. Ils sont régis par une charte signée par des collectivités locales. Ils associent aussi de nombreux partenaires locaux autour de projets cohérents. Les PNR sont impliqués dans la gestion des paysages forestiers qui représentent en moyenne 37 % de leur surface. Les Parcs naturels régionaux sont donc des acteurs quant à la fonction sociale des forêts, car ils sont impliqués dans la politique d'accueil des touristes et des populations locales.

En 1992, le réseau européen Natura 2000 a été créé à partir de deux types de sites qui existaient

Le statut spécifique des forêts de protection

Au delà des mesures de protection de l'environnement qui concernent les forêts présentées dans cette recherche, il existe d'autres cadres législatifs et réglementaires spécifiques aux espaces boisés. Parmi ceux-ci, le statut de « forêt de protection » était réservé aux espaces soumis à l'érosion et aux risques naturels, mais il peut maintenant être accordé à une forêt périurbaine. Il s'agit d'un statut de protection officialisé par un décret du Conseil d’État qui empêche toute modification importante du boisement. En France moins de 1 % de la forêt relève de ce statut qui est rarement demandé, car il est contraignant. En 1993, la forêt périurbaine du Rouvray en Seine- Maritime, a été classée en forêt de protection. Pour une majorité des usagers et des aménageurs il convenait de stopper le morcellement et les atteintes à cette forêt périurbaine. En Meurthe et Moselle, la forêt de Haye près de Nancy fait l'objet d'un projet de classement. Des développements scientifiques récents semblent montrer l'intérêt d'un tel classement, mais les négociations entre les défenseurs de l'environnement et les collectivités locales sont ardues (Husson, 2009).

précédemment : les Zones de protections spéciales (ZPS) et les Zones spéciales de conservation (ZSC). Ce nouveau réseau d'espaces classés s'inscrit dans le cadre du développement durable et il vise à préserver les milieux naturels fragiles dans lesquels ou auprès desquels, vivent et travaillent les hommes. Aujourd'hui, le réseau Natura 2000 constitue le plus vaste ensemble d'espaces protégés en Europe. Au début de l'année 2012, selon le ministère de l’Écologie et du Développement durable, 1 753 sites français étaient inscrits ou en voie d'inscription dans ce réseau qui concerne 12,55 % du territoire national. Près de 9 000 communes ont au moins 5 % de leur surface territoriale classée Natura 2000. Les espaces concernés correspondent à tous les milieux naturels, et de nombreux espaces boisés sont donc inscrits dans ce réseau dont le plus vaste site classé couvre une grande partie de la Sologne.

Les espaces Natura 2000 sont définis comme des Sites d'intérêt communautaire (SIC), et ils sont gérés dans le cadre d'un document d'objectifs (DOCOB) par une collectivité ou une communauté territoriale. Malgré les avantages fiscaux octroyés aux propriétaires des espaces inscrits dans ce réseau, les inconvénients induits par les nouveaux documents d'objectifs ne semblent pas toujours bien compensés. L'ONF a ainsi signé de nombreuses chartes d'adhésion au réseau Natura 2000, mais pour différents sites, tel celui de la vallée du Dinan en forêt de Bercé, l'ONF a renâclé devant des contraintes jugées excessives.

Dans le cadre de la protection des milieux, les départements peuvent acquérir des Espaces naturels sensibles (ENS) grâce à la Taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS). Ces espaces sont ensuite gérés par des structures choisies par les Conseils généraux qui supervisent l'ensemble des opérations d'acquisition et de gestion. Selon les environnements et les objectifs des acquéreurs, ces espaces peuvent être destinés à préserver les sites et les paysages pour y maintenir des milieux traditionnels gérés dans le cadre de contrats passés avec des agriculteurs ou des forestiers. Les ENS peuvent être ouverts au public de façons plus ou moins régulières et organisées en fonction de leurs vocations et de leurs utilisations.

Le troisième niveau de la préservation du milieu naturel est celui des labels et des inventaires du milieu naturel. Dans le cadre de cette recherche, il s'agit essentiellement du classement en Zone naturelle d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF), et de la labellisation du Programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC17).

Les inventaires de la biodiversité ont permis de distinguer des ZNIEFF qui délimitent des secteurs d'un grand intérêt biologique ou écologique dans lesquels se maintiennent des espèces rares ou menacées à l'échelle locale. Les ZNIEFF ont un rôle informatif et rarement contraignant même si elles sont obligatoirement inscrites dans les plans d'occupation des sols (POS) ou les plans locaux

d'urbanisme (PLU). Aujourd'hui, il existe des ZNIEFF dans toutes les régions et elles constituent une base référentielle détaillée sur la qualité et la richesse des milieux naturels. En France métropolitaine, près de 18 000 ZNIEFF ont été inventoriées par le Muséum national d'Histoire naturelle (MNHN). Elles représentent plus de 15 millions d'hectares, soit 27 % du territoire national18. Les ZNIEFF

concernent tous les types d'espace naturel et notamment les forêts où les usagers ont l'habitude de se récréer. Certaines études tendent à montrer que le public est très peu informé de l'existence de ces zones, alors qu'elles sont une base de connaissances qui pourrait contribuer à une plus-value touristique (Cormier, 2011). Dans le cadre d'une recherche sur les usages récréatifs, les ZNIEFF sont remarquées, car leur connaissance peut révéler le niveau d'intérêt des individus pour la nature et les structures de protection du milieu naturel dans lequel ils se récréent.

Depuis quelques années, pour répondre à une demande sociale tout en préservant les forêts, l'ONF et les propriétaires fonciers se sont inscrits dans une démarche de labellisation de leurs activités. En France, le label PEFC a été adopté par un grand nombre d'intervenants de la filière forêt/bois (Tsayem Demaze, 2008). Au début de l'année 2012, 78 % des forêts publiques et 14 % des forêts privées19 étaient labellisées PEFC. A l'instar de la plupart des autres labels forestiers

internationalement reconnus, le label PEFC signifie que les milieux naturels sont gérés dans l'optique de la durabilité et qu'ils sont relativement protégés tout en étant exploités. Aujourd'hui, de nombreux forestiers privés en quête de reconnaissance, tels ceux de l'association Pro-silva, posent parfois des panneaux « PEFC » en lisière des forêts. La protection des forêts exploitées fait ainsi l'objet d'une communication organisée, les gestionnaires et les propriétaires protègent leur image et leurs biens en anticipant d'éventuelles critiques.

Au-delà des classements destinés à préserver certains espaces spécifiques, le Grenelle de l'environnement a initié la mise en place de la Trame verte et bleue (TVB) qui est un vaste programme dont l'objectif est de créer une continuité entre l'ensemble des types d'espaces naturels (Cormier, 2011 ; P.N.R. Normandie-Maine et al., 2009). Ce projet vise donc à préserver l'environnement mais il s'agit plutôt d'un cadre pour l'aménagement territorial, que d'un nouveau programme de protection (cf. chapitre 2.4)

Outline

Documents relatifs