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Les débats et les enjeux sociaux de la protection environnementale et forestière

1.7/ Des enjeux de la protection des paysages forestiers dans le cadre de la fonction sociale

1.7.2/ Les débats et les enjeux sociaux de la protection environnementale et forestière

L'environnement et les forêts bénéficient de mesures de protection, mais les cadres législatifs et administratifs de cette préservation ne peuvent pas être totalement déconnectés de l'environnement

18 Muséum national d'Histoire naturelle [Ed]. 2003-2013. Inventaire national du Patrimoine naturel, site Web :

http://inpn.mnhn.fr. Le 24 mai 2013

social. Les forêts sont une partie intégrante des territoires, les décisions relatives à leur conservation et à leur gestion ne peuvent donc pas être réservées aux forestiers et aux gestionnaires. Les débats entre les forestiers et les usagers représentent des enjeux variés notamment en matière de fabrication du paysage et de développement durable (Badré, Décamps, 2005 ; Buttoud, 2003 ; Bertrand, 1980). Les thèmes des controverses plus ou moins récurrentes concernent notamment la gestion des peuplements forestiers, la pollution et la résilience face aux dégâts climatiques.

Des années quatre-vingt aux années 2000, l'importante dégradation de certains espaces forestiers à cause des pluies acides a été au centre de polémiques initiées par des environnementalistes qui ont alerté l'opinion sur les conséquences de la pollution atmosphérique. Les usagers et une partie de la population se sont inquiétés tandis que l es forestiers ont été impliqués dans un débat sociétal qu'ils n'avaient pas anticipé (Arnould et al., 1997 ; INRA, Bonneau, 2007). Selon des points de vue pessimistes, le dépérissement des forêts allait continuer, car la dispersion de ce phénomène atmosphérique pouvait fragiliser l'ensemble des zones boisées dans les secteurs soumis à la pollution. Rapidement des recherches ont été lancées et il est apparu que le dépérissement des forêts avait plusieurs causes : la sécheresse, des sols pauvres et des pluies acides qui aggravaient de mauvaises conditions locales. Aujourd'hui, le problème des pluies acides n'a pas totalement disparu. Il est devenu moins prégnant et les rejets atmosphériques sont beaucoup plus surveillés qu'avant.

Au-delà de la pollution, les débats relatifs aux pluies acides ont généré un enchainement de conséquences socio-environnementales qui ont participé à l'évolution de la gestion des forêts. Des environnementalistes ont lancé l'alerte d'une façon peut-être excessive, mais la polémique a contribué à la mobilisation des moyens qui ont été donnés aux chercheurs pour comprendre et solutionner le problème (Arnould et al., 1997 ; INRA, Bonneau, 2007). Aujourd'hui, dans le cadre du développement durable, de nombreux spécialistes de la forêt, de l'environnement et des relations sociales, pensent que la gestion de la forêt ne peut plus être l'apanage des forestiers. Le débat sociétal consécutif à la problématique des pluies acides, a donc été un révélateur du besoin et de l'intérêt d'une gouvernance élargie pour la forêt (Buttoud, 2003).

La gestion, la protection et l'avenir des forêts sont des thèmes qui intéressent particulièrement les usagers impliqués dans les débats environnementaux (Barthod et al., 2003). Parmi les controverses, les discussions sur l'importance à accorder aux résineux ou aux feuillus sont illustratives des rapports entre les forestiers, les visiteurs et les populations riveraines.

Les essences résineuses sont généralement plantées en alignement dans des pinèdes trop souvent dépourvues de sous-bois, et les usagers apprécient assez peu ces plantations régulières et uniformes

(Moriniaux, 1997 ; Sargos, Petit, 2008). A l'opposé du point de vue des visiteurs, les forestiers et les professionnels de la filière bois soulignent souvent l'importance et le besoin de résineux pour de nombreux secteurs d'activités créateurs d'emplois et de richesse. Ponctuellement, les débats peuvent donc être vifs car une partie du public s'investit pour protéger les espaces boisés feuillus, tandis que les forestiers se retranchent derrière leurs connaissances et leurs expériences. Cette opposition feuillus/résineux est un thème de débat récurent qui n'est pas spécifique à la France. Au Royaume- Uni, les usagers et les forestiers ont des points de vue assez similaires à leurs homologues français (Carter et al., 2009 ; Lawrence et al., 2009). Dans ce pays aussi, les usagers déclarent très souvent préférer les forêts feuillues car les plantations serrées de conifères sont sombres et peu attractives. Les controverses sur la nature des peuplements forestiers et la protection des milieux naturels sont donc un sujet d'intérêt et de débats pour les chercheurs et les gestionnaires territoriaux en charge des risques et de la prévoyance sanitaire. Les scientifiques savent que les excès en enrésinnement peuvent induire des problèmes parasitaires et des risques d'incendie qui ne sont pas toujours connus ni bien pris en compte par les usagers et les forestiers (Buttoud, 2003).

Hors des aspects polémiques sur l'esthétique et la nature des peuplements forestiers, des éléments scientifiques nouveaux pourraient à terme, modifier les données du débat. Des travaux récents montrent que le mélange de certaines essences arboricoles peut être très favorable à la forêt et aux sols qui la composent. Ainsi, un sous-étage de bouleaux, d'aulnes ou d'alisiers blanc sous des résineux permet de réinjecter dans les sols divers produits nutritifs favorables à la pédologie et à la croissance des arbres (Bonneau, 2005). Aujourd'hui, ces connaissances sont assez peu mises en pratique, et les peuplements de conifères ne présentent pas toujours les aspects visuels riches et variés des futaies à sous-bois qui pourraient davantage séduire les usagers.

A la fin du XXe siècle et au début des années 2000, la question de la place et de l'importance des forêts dans le paysage a évolué. Dans les décennies précédentes, des citadins ont acheté des résidences secondaires dans des régions en déprise rurale, et dans un souci de protection de la nature et de la vie privée, ils ont largement boisé leurs propriétés. En parallèle à cette évolution, des terres agricoles abandonnées ont été reboisées à des fins productives. La valeur esthétique de certains paysages a donc été profondément modifiée, au grand dam des populations locales qui ont subi, puis critiqué cette évolution (Floch, 2003 ; Labrue, 2009). En plusieurs endroits, les scientifiques ont constaté la fermeture des paysages et ses importantes conséquences sur les écosystèmes locaux. Ils sont alors intervenus dans le débat sociétal sur le reboisement massif et son corolaire de déséquilibres20 (Boussin, 2008 ; Sargos, Petit, 2008).

La gestion forestière est une activité complexe. Les forestiers supervisent les multiples fonctions

des espaces dont ils ont la charge, et ils doivent prévoir le futur des demandes économiques et sociales. Cette gestion diachronique est d'autant plus compliquée que les forestiers ne maitrisent pas l'évolution sociale ni la dynamique des cycles naturels dont certains dépassent la durée d'une vie humaine (Buttoud, 2003 ; Léonard, 2003). Alors, pour se prémunir face aux critiques et aux aléas sociaux et environnementaux, un consensus semble s'esquisser entre les forestiers, les chercheurs et les environnementalistes pour associer l'ensemble de la population à une gestion concertée des forêts. La société doit contribuer à la réflexion et à la responsabilité des choix qui sont faits dans le cadre de la gouvernance (Barthod et al., 2003 ; Buttoud, 2003).

Pour répondre aux enjeux globaux notamment en matière de paysage et de protection de l'environnement, les choix politiques sont souvent faits au niveau national ou européen. Toutefois, la gestion de différents types d'espaces est si complexe qu'elle ne peut pas être assurée en direct depuis ces échelons. Le réseau Natura 2000 est un exemple illustratif de cette diversité territoriale organisée, pour résoudre les problèmes spécifiques. Les objectifs sont contractualisés, et c'est la société locale et ses représentants qui permettent la réussite des projets (Barthod, 1996). La gestion des forêts et des espaces naturels est donc de plus en plus organisée au niveau des régions et des territoires. Il semble ainsi, que le niveau local est le plus pertinent pour prendre la mesure des directives prises à des niveaux supérieurs, pour les mettre en pratique dans les territoires.

Une évolution forestière et sociale émerge donc des débats entre les différents acteurs du secteur et les représentants de la société. Les aléas environnementaux et la baisse de la rentabilité productive des forêts obligent les gestionnaires et la société a définir leurs objectifs pour assumer solidairement les conséquences de leurs choix. C'est dans ce contexte d'une plus grande prise en compte de l'environnement et de ces rapports avec les populations riveraines que l'ONF décentralise en partie sa gestion et met en place le label « Forêt d'exception » qui nécessite un partenariat poussé avec les territoires locaux. La gouvernance et la concertation deviennent ainsi des atouts pour permettre la préservation des activités forestières tout en apportant des réponses aux demandes de protection de l'environnement émises par les usagers.

Toutes ces mesures de gestion et de protection des espaces naturels éclairent la capacité des hommes et des sociétés nationales et locales à s'approprier leur destin (Pelt, 2010). Cependant, en parallèle aux débats relatifs à la gestion forestière qui intéresse surtout les passionnés, pour une majorité d'usagers, l'enjeu principal est de pouvoir accéder facilement et en sécurité à des espaces dans lesquels ils peuvent pratiquer leurs activités de loisirs21 (Carter et al., 2009 ; Lawrence et al., 2009)

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