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Chapitre 3 – L'évaluation des fréquentations récréatives des forêts

3.5/ Des contextes nationaux divers mais des thèmes communs

3.5.2/ Des programmes internationaux de coopération et de recherche

La coopération internationale peut être institutionnalisée ou organisée par des associations et des organismes non-gouvernementaux. Les agences internationales onusiennes et européennes telles que la FAO ou l'Agence européenne de l'environnement38 (AEE) organisent et financent des travaux

qui comportent des axes de recherches sur l'environnement, sur la foresterie périurbaine et ses conséquences sociales.

Dans le cadre des coopérations internationales, tous les aspects de la multifonctionnalité des forêts sont étudiés. Dans ces travaux, la fonction sociale n'est pas toujours centrale même si elle est toujours conçue comme importante, voire déterminante. Ainsi, les fonctions productives et

37 En Grande-Bretagne, l'administration des forêts (Forestry Commission) est aussi en charge de la recherche forestière. Le Groupe de recherches économiques et sociales (SERG) s'occupe des recherches en Sciences sociales et humaines relatives à la forêt

38 Cette agence publie parfois des travaux uniquement en langue anglaise, elle est alors identifiée comme l'European Environment Agency (EEA)

environnementales sont au centre de nombreuses recherches dont les annexes sont sociales.

Le 11ème Congrès international de la FAO sur la foresterie qui s'est tenu en 1997 à Antalya, a porté une attention spécifique sur la foresterie urbaine et péri-urbaine. Les interrelations entre les citadins et les espaces verts et boisés ont été étudiés à travers leurs aspects spécifiques qui concernent la gestion du cycle complet de vie des arbres dans le cadre d'une fonction qui est l'agrément ou le loisir (Nilsson, Randrup, 1997). Cette foresterie utilisée à l'échelle d'une ville peut lui assurer un aspect toujours vert et propice à la récupération et à la restauration des capacités de chacun.

Lors de ce congrès, il est apparu que la foresterie urbaine doit tenir compte de la présence des populations humaines qui induit souvent d'importants niveaux de stress pour les végétaux. L'un des principaux déterminants de cette nouvelle foresterie est donc la participation des citadins à l'ensemble du processus depuis la conception jusqu'à la réalisation des boisements avec les loisirs comme objectifs. La culture des végétaux en ville peut toutefois poser quelques problèmes aux sociétés humaines. Les plantes adventices, les pesticides et les intrants divers peuvent porter préjudice aux citadins. La foresterie urbaine doit tenir compte des espèces végétales, de leurs sensibilités aux parasites et aux pollutions urbaines, mais aussi des populations humaines parfois sensibles à la qualité des plantes et au pouvoir allergisant de leurs pollens.

En 2002, lors d'une conférence intitulée Forestry Serving Urbanised Societies39, organisée à

Copenhague par l'Union internationale des instituts de recherche forestière (IUFRO), l'Institut Forestier Européen (EFI) et par le Danish Centre for Forest, Landscape and Planning40 (DCFLP),

des chercheurs ont pu montrer le rôle et l'importance des bénéfices sanitaires de la foresterie urbaine. L'insertion des espaces arborés en ville peut apporter des avantages multiples à la société moderne. Ils permettent de faire de l'exercice physique pour lutter contre le stress (Kaplan, 2002), et la fonction de ces espaces est aussi esthétique car ils créent un cadre de vie agréable et pourvoyeur de bien-être (Konijnendijk et al., 2002).

Parmi tous les programmes auxquels la France et donc l'ONF ont participé, le programme franco- suédois LIFE « Urban Woods for People », est l'un de ceux qui a eu le plus d'impact sur l'aménagement et l'accueil des usagers dans les forêts périurbaines. En France comme en Suède, les spécialistes de la fonction sociale ont remarqué le manque de documentation relative aux interactions sociales dans le cadre de la gestion forestière. Des travaux de recherches et d'enquêtes ont donc été entrepris afin d'élaborer une meilleure gestion de l'accueil pour satisfaire les besoins et les attentes des usagers dans le cadre de leurs loisirs en forêt (Urban Woods for People, 2002). Ce

39 La foresterie servant les sociétés urbanisées

projet LIFE comportait un volet sociologique et un volet forestier. L'objectif sociologique était d'évaluer et de connaître les usagers avec leurs besoins et leurs attentes. L'objectif forestier consistait à élaborer des plans de gestion destinés à magnifier les forêts périurbaines, à préserver et améliorer leur naturalité, tout en guidant les flux de visiteurs pour en faciliter l'accueil. Au plan sociétal, la démarche devait conduire à développer la gouvernance des forêts et à responsabiliser les usagers. Pour réaliser l'ensemble de ces objectifs, des forêts pilotes ont été choisies en France et en Suède. Ces forêts ont servi à l'évaluation des techniques de gestion et d'accueil des usagers, qui ont été élaborées et testées grandeur nature grâce à des enquêtes de fréquentation et d'opinion. En France, les forêts tests ont été choisies en région parisienne, à Sénart et dans les Hauts-de-Seine. En Suède, les forêts expérimentales étaient situées à proximité de Stockholm.

Des milliers de personnes ont été interrogées sur leurs activités récréatives et leurs perceptions, alors que l'aménagement et les équipements qui étaient à leur disposition étaient aux centres des attentions et des réflexions des forestiers. Les avancées techniques et psychologiques ont montré que les anciens équipements inadaptés ou copiés sur ceux des villes pouvaient induire des représentations erronées sur le milieu forestier. Maintenant, les nouveaux équipements respectent la naturalité des espaces boisés tout en marquant des différences avec les milieux environnants. Des équipements adaptés sensibilisent mieux les usagers qui peuvent profiter des possibilités nouvelles qui leurs sont offertes. Les parkings et les barrières ont été réorganisées pour séparer les espaces artificialisés des espaces naturels. Des sentiers périphériques en boucle ont été balisés et ils sont aisément accessibles depuis les parkings. Par contre, les cœurs de forêts et les zones de silence se méritent, car elles ne sont plus accessibles aux voitures. D'une manière générale, tous les équipements ont été repensés pour valoriser le milieu forestier (Moigneu, 2005).

La recherche et les méta-enquêtes qui ont été menées dans le cadre de ce projet franco-suédois ont permis de préciser l'état des connaissances et des pratiques sur la fonction sociale. Il a été établi que les forêts rendent de très grands services à leurs usagers, mais qu'elles peuvent aussi présenter des inconvénients pour leurs usagers et leurs riverains. Elles cachent le soleil en hiver, elles produisent et laissent stagner l'ozone en période cyclonique et les animaux qu'elles abritent occasionnent parfois des dégâts. Dans les forêts ou à leur proximité, les êtres humains contractent parfois des maladies spécifiquement liées au milieu naturel comme l'ecchinococose alvéolaire ou la maladie de Lyme. De leur coté les riverains et les usagers peuvent aussi créer des problèmes quant à la pérennité de certaines forêts. Ainsi, les niveaux de fréquentations peuvent atteindre les limites de la capacité d'accueil dans certains sites. Des usagers trop invasifs et leurs animaux en liberté nuisent aussi à la nidification des oiseaux et à la tranquillité des mammifères.

comme largement positifs pour les usagers mais aussi pour les forestiers (Moigneu, 2005 ; Urban Woods for People, 2002).

Parmi les nombreuses autres recherches internationales menées ces dernières années, un programme de coopération inter-régionale « Interreg » de l'UE a été développé pour aider à la sauvegarde de deux forêts remarquables qui attirent des millions de visiteurs : la New Forest en Angleterre et la forêt de Fontainebleau en France41. Le projet, d'une durée de cinq ans (2003 – 2008), a été cofinancé

par la Forestry Commission, par Natural England, par le Comité départemental du tourisme de Seine-et-Marne, par l'ONF et par Alterra qui est un Institut de recherche des Pays-Bas. Les techniques de gestion des flux de visiteurs et de diffusion de l'information ont été concernées par ce projet qui visait à mettre en place une politique d'accueil globale dans des milieux forestiers fragiles et pourtant très fréquentés.

Conclusion du chapitre

En France, les grandes enquêtes quantitatives réalisées depuis une quarantaine d'années, rendent compte d'une réalité globale. L'analyse comparative de leurs résultats avec ceux de diverses recherches réalisées avec d'autres méthodes ou à différentes échelles montre qu'il n'est pas possible de déduire les niveaux locaux de fréquentations à partir des données globales. Les enquêtes quantitatives lissent souvent des fréquentations qui ne sont pas homogènes entre les régions, les forêts et les différents faciès forestiers. Ainsi, en Île-de-France, la forêt de Fontainebleau a accueilli 17 millions d'usagers en 2001, mais les usagers préfèrent certaines zones bien connues, alors que d'autres sont beaucoup moins fréquentées (Arnould, Cieslak, 2004 ; Décourt, Souchon, 1975).

A l'échelle nationale, selon de nombreuses enquêtes, la promenade est l'activité la plus populaire avant le sport qui apparaît souvent comme la deuxième pratique récréative. Par contre, les autres activités sont diversement évaluées par des enquêtes aux méthodes et aux questions variables. Ainsi, la proportion de visiteurs intéressés par l'observation de la nature, par les cueillettes ou par les pique-niques, varient très sensiblement entre les enquêtes focalisées sur la région parisienne ou sur la France entière (Berger, Peyron, 2005 ; Maresca, 2000 ; ONF, 2012a).

Si différents types de forêts étaient plus souvent pris en compte, les résultats et les écarts de certaines enquêtes pourraient peut-être s'expliquer d'une autre façon qu'une simple opposition entre régions ou entre Paris et la province. Ainsi, la présentation de plusieurs enquêtes a clairement montré l'importance des écarts entre les activités pratiquées dans les parcs boisés suburbains et les forêts plus éloignées des villes (Aubépart, 1996, Boutefeu, 2008 ; CERFISE, 1979).

41 http://www.onf.fr/projets_europeens/sommaire/projets_acheves/interreg_progress/progress/20080111-152556- 97840/@@index.html

En parallèle aux enquêtes quantitatives, les recherches qualitatives réalisées à des échelles fines révèlent un excellent potentiel pour l'appréhension de phénomènes nouveaux avec la mise en évidence de perceptions originales (Boutefeu B., 2007 ; CERFISE, 1979). Les enquêtes qualitatives réalisées à échelle locale sont donc de véritables outils qui permettent aux gestionnaires, aux scientifiques et aux édiles de connaître les usagers, leurs perceptions et leur état d'esprit pour, parfois, proposer de nouveaux aménagements (PNR et al., 2009).

Au-delà des résultats des différentes enquêtes, la diversité des recherches révèle la multiplication des variables explicatives des sorties en forêt et des perceptions des usagers. Les raisons qui expliquent l'augmentation et la diversification des activités récréatives dans les espaces boisés périurbains sont notamment liées à l'augmentation de la population (Maresca, 2000), à la modification de sa répartition spatiale (cf. chapitre 2) et au développement des modes de vie stressants qui induisent au moins en partie celui des activités de loisirs (Betolaud, 1968). Au cours des dernières années, la détermination des activités récréatives en fonction des données socio- professionnelles ne sont plus apparues aussi prégnantes qu'elles ont pu l'être par le passé, même si certaines évolutions démographiques semblent particulièrement sensibles. Maintenant, les retraités sont beaucoup plus nombreux et probablement plus valides qu'au début des années soixante-dix (Ballion, 1975) et leur présence dans les espaces boisés est évaluée (Dufour, 1997) à défaut d'être précisément étudiée.

A travers les recherches et des enquêtes présentées, il apparaît qu'à l'échelle européenne et nationale, la majorité des usagers ont une bonne opinion des forêts, même s'ils critiquent certains aspects de leur gestion ou de leur entretien. De nombreux usagers apprécient les forêts tout en ayant des demandes ambigües. Ils disent préférer les forêts et les espaces naturels pourtant ils souhaitent qu'elles soient entretenues et adaptées aux usages récréatifs (Lawrence, Carter, 2009 ; ONF, 2011b ; Schmithüzen et al., 1999).

Les enquêtes relatives à la fonction sociale des forêts montrent des évolutions quant aux interactions entre les usagers et les espaces boisés. Elles traduisent aussi, en partie, les changements sociaux qui modifient la société et son territoire. Cette portée épistémologique des recherches relatives aux fréquentations récréatives en forêt est attestée par les méta-enquêtes qui analysent les données en même temps que les façons dont la société s'interroge dans sa relation à la connaissance et aux espaces boisés en particulier.

Conclusion de la première partie

En France, les forêts métropolitaines ont des caractéristiques environnementales et sociales assez différentes. La présentation à différentes échelles des forêts périurbaines a montré l'importance des orientations productives, environnementales et sociales initiées par leurs gestionnaires publics ou privés pour créer des ambiances plus ou moins accueillantes aux usages récréatifs. Cependant, quels que soient ces choix, les forêts s'inscrivent dans les paysages et elles contribuent au bien-être d'une grande partie de la population.

Dans le cadre d'une approche sociale des loisirs en forêt, les caractéristiques les plus importantes pour susciter ou limiter les fréquentations et les activités, sont apparemment liées à leur accessibilité et à leur éloignement avant leur naturalité (Urban Woods for People, 2002 ; Moigneu, 2005). La dynamique induite par la périurbanisation pourrait toutefois perturber ce rapport des usagers à l'espace, car l'étalement urbain modifie la répartition spatiale des populations, en même temps qu'il contribue à l'intégration de nouvelles forêts aux zones sous influence urbaine.

Les dispositions légales relatives au Grenelle de l'environnement, en particulier la création d'une trame verte et bleue, sont aussi de nature à modifier les rapports des usagers aux espaces naturels de loisirs en créant des continuums d'espaces naturels publics et privés le long de voies vertes ou de chemins ruraux. La prise de conscience de la perte de biodiversité, et les diverses mesures de protection et de mise en réseau des espaces naturels, peuvent donc avoir des conséquences positives pour les activités de loisirs dans les nouveaux corridors écologiques qui s'ouvrent aux usagers. Au-delà de leurs objectifs respectifs, les fonctions environnementales et sociales ont donc des enjeux communs en matière de développement territorial et d'aménagement des loisirs et du tourisme (Cormier, 2011).

Malgré les incertitudes sur la répartition actuelle du nombre de visites entre les différentes forêts périurbaines, la présentation d'un corpus d'enquêtes sociologiques a montré le développement de la fonction sociale, attesté par les chiffres de la fréquentation qui sont devenus très importants. L'ensemble des recherches et des enquêtes sociologiques (ré)affirment aussi de manière indirecte, le rôle positif des espaces boisés qui répondent à des besoins récréatifs induits par des modes de vie de plus en plus sédentaires et stressants (Betolaud, 1968 ; Nilsson, et al., 2007)).

A l'échelle nationale, l'évaluation de la fréquentation des forêts par les usagers révèle des niveaux de visites très élevés puisqu'il s'agit de plusieurs centaines de millions de sorties annuelles. Chaque jour de l'année, de très nombreux usagers vont se détendre, faire une promenade ou du sport en forêt, et compte tenu du coût de l'investissement et de l'entretien de ces espaces, la fonction sociale

des forêts apparaît comme une activité peu couteuse et potentiellement très rentable pour la société (Berger, Peyron, 2005 ; Moigneu, 2005).

Au-delà des connaissances accumulées au cours des décennies précédentes et, compte tenu d'un cadre périurbain en évolution, il apparaît que les enquêtes sociologiques relatives aux forêts doivent être régulièrement refaites à différentes échelles et avec différentes méthodes pour évaluer les tendances et les particularismes locaux. La connaissance des territoires périurbains et des pratiques sociales représente des enjeux environnementaux et sociaux importants. Une recherche focalisée sur différentes aires urbaines afin de contribuer à la connaissance des usagers, de leurs activités et de leurs perceptions, semble donc utile et pertinente.

Deuxième partie - Les activités récréatives dans les forêts périurbaines

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