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Chapitre 2 – Les espaces périurbains et leurs forêts

2.6/ Concepts et typologies des forêts périurbaines

2.6.2/ Typologie axée sur la fonction sociale des forêts périurbaines

2.6.2.3/ Des forêts privées d'une grande diversité

Dans les trois couronnes périurbaines, les forêts privées présentent une grande diversité selon des critères sociaux (accessibilité et usages récréatifs très variables) et environnementaux (naturalité plus ou moins importante). Leurs surfaces, leurs boisements et leurs fonctions économiques et sociales varient selon les possibilités et les souhaits de leurs propriétaires. Cette diversité socio-spatiale est d'autant plus grande qu'à l'intérieur d'un massif forestier, des parcelles voisines peuvent être encloses et très diversement gérées. L'accessibilité aux espaces boisés privés n'est pas systématique, mais elle est parfois tolérée par des propriétaires pourtant soucieux de préserver leurs biens.

Les forêts privées sont souvent des éléments de patrimoines familiaux et elles sont parfois liées à l'histoire des grandes familles. Ces propriétés bourgeoises ou nobiliaires sont quelquefois vastes et, elles contribuent à rendre agréables les paysages périurbains de diverses villes de l'Ouest et du Centre (Dufour, 1979). Cependant, dans le cadre de la fonction sociale, elles ont le défaut de n'être pas toujours ouvertes aux usagers (Arnould, 1997 ; Corvol, 2010). Certaines grandes propriétés peuvent toutefois s'ouvrir à un tourisme élitiste, des chambres d'hôtes sont crées dans des relais et châteaux qui réservent alors l'accès de leurs forêts à leurs clients.

Ces propriétés privées interdites d'accès, sont quelquefois longées ou traversées par des chemins ruraux ou par des voies vertes qui peuvent être inclus dans des itinéraires de grandes randonnées (GR) ou dans des parcours locaux tels que celui des Châteaux à vélo dans le Loir-et-Cher (cf. chapitre 4.3). Quelles que soient leurs surfaces et leur accessibilité, les espaces boisés privés qui bordent les chemins sont donc des éléments des paysages qui ont une fonction sociale. Ces forêts peuvent être très agréables, mais quelquefois elles peuvent être clôturées ou grillagées d'une façon ostentatoire qui nuit à la tranquillité des espaces publics environnants (photos n° 5 et n° 6, page 81) .

Des initiatives pour (r)ouvrir les propriétés forestières privées aux usages récréatifs sont régulièrement évoquées (Buttoud, 2003 ; Urban Woods for People, 2005). Mais elles débouchent rarement sur des applications pratiques. Cependant, en région PACA, le projet Forestour a permis aux usagers de pouvoir accéder à des forêts privées tandis que les propriétaires ont été conseillés par le CRPF et aidés financièrement par les collectivités. Il semble toutefois que ce succès régional soit en grande partie dû aux spécificités environnementales de la forêt méditerranéenne et à la présence d'un public nombreux (Desmartin, Duhen, 2008 ; Gourc, Duhen, 2001).

En France, du fait des modes de transmission du patrimoine, les propriétés peuvent être divisées entre les héritiers, d'où un important morcellement. Dans les massifs boisés, si les propriétaires ne sont pas organisés, ou adhérents à un groupement forestier, la gestion des petites parcelles n'est parfois plus assurée, car elle n'est plus rentable. Ces petites propriétés sont quelquefois acquises par des citadins ou des néo-ruraux qui en font des terrains d'agrément à vocation exclusivement privée, et ces petits propriétaires sont souvent enclins à clore leurs parcelles pour en interdire totalement l'accès. Il semble donc que la restriction d'accès aux forêts privée gagne de l'importance. Dans certains espaces périurbains, au milieu ou en lisière des massifs de plusieurs centaines d'hectares, il n'est pas rare de voir de petites parcelles closes, au milieu desquelles des cabanes ou des caravanes tendent à miter les paysages forestiers.

Les petites parcelles boisées n'évoluent pas toutes vers une forme d'artificialisation et d'enclosure, certaines d'entre elles semblent abandonnées par leur(s) propriétaire(s) ou tombées en déshérence. Le rôle social de ces espaces boisés dans le contexte périurbain dépend alors de multiples facteurs.

Photos 5 et 6 – Du désagrément de certaines clôtures et panneaux

(Source : Pascal Papillon - 2009) (Source : Pascal Papillon - 2010)

Ces deux images montrent combien certaines clôtures et panneaux peuvent être désagréables pour la fonction sociale et à l'ambiance forestière des propriétés riveraines qui sont, elles, totalement accessibles .

La photo de gauche (n°5) montre une clôture destinée à protéger une parcelle de pins maritimes. Cet investissement semble réellement excessif en coût et en entretien d'autant plus que le propriétaire à dégagé un espace le long de la clôture à l'intérieur de sa parcelle. Outre le désagrément visuel, il est évident que les mammifères sauvages pâtissent de cette limite artificielle au milieu de leur territoire.

La photo de droite (n°6) révèle l'inquiétude ou la menace qu'un propriétaire fait peser sur les usagers qui s'intéresseraient de trop près à une propriété qui, compte tenu du grillage, ne semble pas très attirante.

Si ces parcelles non-entretenues et non-protégées sont proches des cités et des voies de circulation, leur rôle social peut devenir problématique. Près des villes, les propriétés visiblement abandonnées deviennent parfois des dépotoirs ou des espaces de relégation, des lieux ouverts à la pauvreté, à l'accueil des gens du voyage, aux comportements marginaux et à la prostitution. Par contre, dans les massifs boisés peu accessibles aux usagers, les propriétés non-entretenues peuvent préserver la nature ou parfois créer des déséquilibres environnementaux (Boisson, 2008 ; Léonard, 2003 ; Vallauri, Poncet, 2003). Les espaces boisés non-entretenus peuvent créer des conditions favorables à la biodiversité. L'absence d'intervention humaine sur le milieu permet que la forêt retrouve des états de naturalité parfois très rares ailleurs (Boisson, 2008 ; Vallauri, Poncet, 2003). Certaines de ces parcelles ou forêts sont donc connues des naturalistes pour leur richesse biologique. Cependant, les forêts avec des halliers et beaucoup de bois mort n'attirent généralement que les visiteurs spécifiquement intéressés par la nature sauvage, comme le montre la situation de certaines réserves naturelles (cf. chapitre 4.3.1).

Les propriétés privées ont donc des rôles très variés face à la demande implicite exprimée par la présence et par les activités des populations périurbaines dans les espaces boisés. Quel que soit leur éloignement par rapport à la ville, les forêts privées ont une fonction sociale à travers les paysages dans lesquels elles s'inscrivent. Leur avenir et celui de leurs influences dans les espaces périurbains ne sont toutefois pas clairement établis. Ainsi, certaines forêts sont totalement cernées par l'urbanisation et leur gestion peut devenir très difficile, alors que d'autres sont plus isolées et toujours productives. Il semble donc qu'une évolution de la propriété forestière privée soit envisageable (Buttoud, 2003). Toutefois, en l'état actuel des rapports sociaux à la propriété, les points de vue des différents intervenants semblent peu conciliables. Les propriétaires sont attachés à leurs droits tandis que les usagers ont parfois des pratiques peu compatibles avec les objectifs de la foresterie privée.

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