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1 ère partie : La CNUDCI, force révélatrice du droit commercial international

Section 1 : Le mandat de la CNUDCI : la prise en compte universelle des besoins et des intérêts du commerce international

B. Les réponses apportées par le mandat de la CNUDCI

25. La défense des intérêts et des besoins du commerce international constitue, à nos sens, la justification même de l’existence de la CNUDCI. Face à ce défi ambitieux, son mandat, instrument juridique constitutif, se devait de refléter cette fonction. Pour cela, il est indispensable d’établir un organe ayant un mandat à la fois permanent (1) et suffisamment souple (2).

101 V. pour une étude d’ensemble : BOY Laurence, RACINE Jean-Baptiste et SIIRIAINEN Fabrice (dir.),

Sécurité juridique et droit économique, Bruxelles, Larcier, Coll. Droit, économie, international, 2008, 586 pp.

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V. LOQUIN Eric, « Sécurité juridique et relations commerciales internationales », in Sécurité juridique et

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1. Un mandat permanent

26. Contrairement à la pratique habituelle lors de l’attribution d’un mandat par l’ONU103

, aucune date ne vient limiter dans le temps les activités de la CNUDCI. On en conclut dès lors une volonté de permanence dans la création de cet organe juridique qui se trouve justifiée par l’ampleur de la mission mais aussi par une volonté de donner les moyens temporels pour harmoniser et uniformiser le droit commercial international. Un mandat limité dans le temps n’aurait pas donné l’aisance suffisante à ce sujet, constatation d’autant plus pertinente que les travaux pour aboutir à l’adoption d’un instrument suppose souvent une période comprise entre un an pour les plus simples, notamment les recommandations ou les suppléments à plus de cinq années pour un texte plus complexe comme les conventions internationales ou les guides législatifs. On remarque également que la CNUDCI continue à ce jour à fonctionner sur la base du mandat originel tel qu’il avait été élaboré et adopté en 1966. Aucune modification n’a été portée ce qui prouve le degré d’efficacité de celui-ci. Le temps n’a pas affecté le contenu d’un mandat qui continue d’être la référence même de l’institution.

27. L’Assemblée générale des Nations Unies vient également chaque année renouveler implicitement ce mandat sur la base du rapport de la Sixième commission (questions juridiques)104 – Commission à laquelle la CNUDCI est rattachée – en « réaffirmant [en italique dans le texte original] que la Commission, principal organe juridique du système des Nations Unies dans le domaine du droit commercial international, a pour mandat de coordonner l’activité juridique dans cette discipline »105

. Le choix du verbe « réaffirmer » est

103 A titre d’illustration, même si cela ne concerne pas un organe juridique de l’ONU à proprement parler mais dans l’idée d’étudier la notion de mandat d’un point de vue général tel que donné à l’ONU, voir le mandat adopté par le Conseil de sécurité des Nations Unies pour la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) : un premier mandat a été prévu par la résolution 1925 (2010) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6324ème séance le 28 mai 2010 puis reconduit pour une durée supplémentaire de trois années par la résolution 2053 (2012) adoptée par le Conseil de sécurité à sa 6792ème séance le 27 juin 2012.

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V. le site internet de la Sixième Commission de l’Assemblée générale de l’ONU disponible en langue française à l’adresse suivante : http://www.un.org/fr/ga/sixth/

105 Résolution 67/89 de l’Assemblée générale du 14 décembre 2012, adoptée sur la base du rapport de la Sixième Commission (A/67/465), Soixante-septième session, 56ème séance plénière, Point 77 de l’ordre du jour (A/RES/67/89) ; V. aussi, toujours à titre d’illustration, Résolution 66/94 de l’Assemblée générale du 13 janvier 2012, adoptée sur la base du rapport de la Sixième Commission (A/66/471), Soixante-sixième session, 82ème séance plénière, Point 79 de l’ordre du jour (A/RES/66/94) ; pour consulter la liste complète de ces résolutions, voir le site internet de la CNUDCI, rubrique « Résolutions de l’Assemblée générale », disponible à l’adresse suivante : http://www.uncitral.org/uncitral/fr/GA/resolutions.html

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loin d’être anodin puisqu’il reconfirme la CNUDCI non seulement dans ses fonctions mais aussi comme principal organe juridique des Nations Unies dans le domaine du droit commercial international. On peut toutefois se demander dans quelle mesure cette redondance dans les textes onusiens joue-t-elle un rôle particulier quand bien même la rédaction du mandat de la CNUDCI en 1966 n’a fait l’objet d’aucune limitation dans le temps. La réponse est donnée par M. SORIEUL qui y voit « le souci de mettre en relief, non seulement la pérennité des ambitions initiales mais aussi les nuances et autres éléments de nouveauté dont elles s’étoffent chaque année, à la faveur du dialogue qui s’instaure entre la CNUDCI (s’exprimant dans son rapport annuel) et son créateur (l’Assemblée générale, s’exprimant non seulement dans ses résolutions mais aussi dans la littérature d’accompagnement que forme le compte-rendu analytique des débats de la Sixième Commission) »106. En effet, le droit commercial international demeure une matière en mouvement façonnée par l’évolution inévitable – pour ne pas dire inéluctable – des techniques qui entourent les transactions économiques effectuées par la communauté internationale des marchands. En réalité, les résolutions de l’Assemblée générale viennent confirmer à l’immuable mandat de la CNUDCI une flexibilité somme toute indispensable.

2. Un mandat flexible : entre adaptation et silence

28. Le mandat de la CNUDCI se caractérise par une certaine flexibilité concernant deux éléments fondamentaux. Tout d’abord, le paragraphe 8 du mandat précise notamment que « la Commission encourage l’harmonisation et l’unification progressives du droit commercial international : […] h) en prenant toutes autres mesures qu’elle juge utiles à l’accomplissement de ses fonctions ». Il reprend la proposition faite dans le rapport SCHMITTHOFF de permettre de prendre toutes les mesures qui seront jugées nécessaires par la future Commission pour parvenir à ses objectifs107. La CNUDCI a donc la possibilité d’explorer de manière la plus large possible les moyens qui lui permettront de remplir sa mission sans aucune restriction. Ensuite, un deuxième aspect de la souplesse du mandat de la CNUDCI transparaît au travers de l’absence directe de certains aspects. En effet, le mandat est silencieux sur deux points fondamentaux : la notion de droit commercial et la notion de

106 SORIEUL Renaud, « Le mandat de la CNUDCI : une lecture évolutive », op. cit., pp. 5-18.

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Développement progressif du droit commercial international, Rapport du Secrétaire général, op. cit., par. 227

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droit international privé.108 On peut donc en déduire que le mandat ne prévoit aucune restriction quant à l’étendue des activités de la CNUDCI. L’approche de la CNUDCI est extrêmement audacieuse, si ce n’est ambitieuse, car si la tentation avait été grande de donner une définition stricte du droit commercial, celle-ci aurait inévitablement été liée à tel ou tel système juridique. Les silences du mandat viennent donc renforcer la CNUDCI dans sa fonction normative au service de l’ensemble des systèmes juridiques mondiaux109

. A titre d’illustration, la CNUDCI, en adoptant plus tard une Loi type de la CNUDCI sur la passation de marchés de biens, de travaux et de services (1994) et un Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d'infrastructure à financement privé (2000), fait entrer dans la définition du droit commercial des domaines qui relèvent traditionnellement en France plutôt du droit public110. De même, des interférences avec d’autres branches du droit comme le droit civil et le droit pénal peuvent être prises en compte dans le champ d’application des travaux de la CNUDCI111. Comme le souligne M. SORIEUL : « une telle souplesse n’a d’ailleurs rien d’étonnant s’agissant d’une organisation universelle dont les réalisations sont mesurées davantage par leur aptitude à faciliter la vie des affaires que par leur adéquation à telle ou telle catégorie doctrinale ou un ordonnancement juridique particulier »112. Concernant le droit international, la CNUDCI a progressivement étendu ses discussions sur des thèmes pouvant également affecter le droit national comme c’est le cas notamment pour le commerce électronique113. En ne se renfermant pas derrière une distinction stricte entre droit public et droit privé telle que l’on peut la trouver dans certains systèmes juridiques ainsi qu’entre droit international et droit national, la CNUDCI démontre qu’elle se tourne avant tout vers les préoccupations concrètes des opérateurs du commerce international, de la même manière que

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V. dans la présente thèse : 1ère Partie, Titre 2, Chapitre 1.

109 Pour une étude approfondie de la définition du droit commercial international telle que développée par la CNUDCI, v. dans la présente thèse : 1ère Partie, Titre 2, Chapitre 1.

110 SORIEUL Renaud, « Le mandat de la CNUDCI : une lecture évolutive », op. cit., pp. 5-18.

111

Pour une étude de la prise en compte notamment du droit civil et du droit pénal, v. dans la présente thèse : 1ère Partie, Titre 2, Chapitre 1.

112 Ibid., p. 8.

113

Pour une étude du champ d’application des textes de la CNUDCI, v. dans la présente thèse : 1ère Partie, Titre 2, Chapitre 1.

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la Lex mercatoria entend procéder114. De ce fait, elle est par nature un organe, non pas généraliste, mais bien spécialisé.

II. L’établissement d’un organe spécialisé : répondre aux intérêts et aux besoins du commerce international

29. De par son mandat115, la CNUDCI a reçu trois fonctions : harmoniser, uniformiser et coordonner le droit commercial international. Originalité s’il en est, cette trinité des fonctions constitue incontestablement la justification de l’existence de la CNUDCI. En effet, si l’on prend l’exemple d’autres organisations internationales intervenant dans le domaine du droit commercial international, on constate que leur fonction est le plus souvent limitée à celle d’harmonisation et d’uniformisation, écartant toute idée de coordination. Aussi, par exemple, le Statut de la Conférence de La Haye de droit international privé ne prévoit que la fonction d’uniformisation en mentionnant dans son article premier que « la Conférence de La Haye a pour but de travailler à l’unification progressive des règles de droit international privé ». En revanche pour UNIDROIT, c’est la fonction d’unification qui n’est pas évoquée : « l’Institut International pour l’Unification du Droit Privé a pour objet d’étudier les moyens d’harmoniser et de coordonner le droit privé entre les Etats ou entre les groupes d’Etats et de préparer graduellement l’adoption par les divers Etats d’une législation de droit privé uniforme »116. Seul organe à avoir reçu simultanément trois fonctions, la CNUDCI harmonise et uniformise (A) tout en coordonnant le droit commercial international (B).