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1 ère partie : La CNUDCI, force révélatrice du droit commercial international

Chapitre 2 La quête du consensus

71 Article 6, Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (1789) ; le texte intégral est disponible en ligne à l’adresse suivante : http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789.

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Chapitre 1 : La quête de l’universalité

15. D’emblée se pose la question de la signification et des implications du mot « universalité » lorsqu’il s’agit d’harmoniser, d’uniformiser et de coordonner le droit commercial international. Théoriquement, la Lex mercatoria s’en veut le reflet : elle est l’expression de la volonté générale de la « société internationale des marchands » telle que l’a décrite Berthold GOLDMAN72. Concrètement, la CNUDCI s’en veut l’illustration : elle est l’instrument de la volonté générale de l’ensemble des participants au processus d’élaboration de ses instruments et de ses normes. L’universalité constitue ainsi un préalable indispensable pour tout organe législatif, quel qu’il soit, dont l’objectif est de mettre en place des normes qui seront soumises à l’adhésion de ceux pour qui elles sont élaborées. L’universalité découle donc de la volonté générale exprimée lors de ce processus. Consacrée à plusieurs reprises par des textes juridiques majeurs comme la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen puis plus tard par l’ONU elle-même par la Déclaration universelle des droits de l’homme73

, l’universalité légitime non seulement les textes juridiques au moment de leur adoption mais contribue à leur acceptation en tant que règle de droit établie par et pour tous les individus.

72 GOLDMAN Berthold, « Frontières du droit et « Lex mercatoria » », op. cit., pp. 177 et suiv.

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Adoptée par la résolution 217 A (III) de l’Assemblée générale (ONU) à Genève le 10 décembre 1948. Le texte intégral est disponible à l’adresse suivante : http://www.un.org/fr/documents/udhr. S’ajoutent également le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels entrés en vigueur en 1976 ; ainsi que le Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) et le Deuxième protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort (1989). Ces textes ont largement inspiré l’ONU qui a élaboré de nombreux textes regroupés sous la dénomination « instruments internationaux des droits de l’Homme » et « instruments universels des droits de l’Homme » : pour la liste complète de ces textes, v. le site internet suivant : http://www2.ohchr.org/french/law/.

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Cela reprend d’ailleurs l’idée que Jean-Jacques ROUSSEAU avait exprimée : « tant que plusieurs hommes réunis se considèrent comme un seul corps, ils n’ont qu’une seule volonté qui se rapporte à la commune conservation et au bien-être général. Alors tous les ressorts de l’État sont vigoureux et simples, ses maximes sont claires et lumineuses il n’a point d’intérêts embrouillés, contradictoires, le bien commun se montre partout avec évidence, et ne demande que du bon sens pour être aperçu »74. On peut toutefois s’interroger, certes naïvement, d’une telle récurrence de cette notion qui devrait pourtant s’imposer naturellement dans toute relation juridique et encore plus spécialement dans tout processus normatif que celui-ci soit national ou international. Mais la tâche semble rude car il découle de la volonté générale de ses auteurs issus, dans le cadre international, de systèmes juridiques différents. Encore faut-il que ces auteurs en question soient suffisamment représentatifs pour représenter cette volonté générale. Le terme « universel » se définit d’une manière large comme représentant le fait d’être « admis dans tous les pays ; mondialement reconnu ou ayant vocation à l’être »75

. On peut dès lors se demander comment, en institutionnalisant la CNUDCI, cette dernière restitue cette notion au travers du droit commercial international.

16. Pour remplir pleinement ses fonctions, la CNUDCI doit être en effet intrinsèquement suffisamment représentative et universelle pour être légitimement en mesure de proposer des instruments et des normes de droit commercial international, donnant – de la même manière que la théorie de la Lex mercatoria – la démonstration qu’il existe des destinataires spécifiques pour intervenir en droit commercial international, ceux de la communauté internationale des marchands. La CNUDCI se structure de façon à représenter de manière universelle cette communauté. Par conséquent, le choix de la CNUDCI comme organe de l’Organisation des Nations Unies n’est pas anodin. Le rapport SCHMITTHOFF avait en effet noté en 1965 qu’« étant une organisation mondiale et ayant une autorité mondiale, l’ONU offrirait un cadre idéal pour la réunion de conférences internationales chargées d’adopter des conventions »76

. La communauté des marchands étant internationale, la

74 V. ROUSSEAU Jean-Jacques, Du contrat social, Livre IV, Chapitre 4.1, Que la volonté générale est indestructible, 1ère édition en 1762.

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CORNU Gérard (dir.), op. cit., vº Universel-elle, p. 945 : il n’est retenu ici que la définition générale ; sont donc écartées les définitions du mot « universel » telles qu’utilisées dans une approche civiliste notamment (comme par exemple, le titre universel, le legs universel, la communauté universelle, etc.).

76 V. le « Rapport SCHMITTHOFF » : Rapport du Secrétaire général, Développement progressif du droit commercial international, in Documents officiels de l’assemblée générale, vingt-et-unième session, Annexes, point 88 de l’ordre du jour, document A/6396, par. 217-218.

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CNUDCI, au travers de l’ONU, reçoit donc implicitement la position qui lui assure toute légitimité.

17. Car c’est bien d’universalisme qu’il s’agit et non d’ « impérialisme » comme il avait été parfois évoqué par certains commentateurs lorsque les deux Conventions de La Haye de 1964 adoptées sous les auspices d’UNIDROIT – la Convention portant loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers corporels et la Convention portant loi uniforme sur la formation des contrats de vente internationale des objets mobiliers corporels – avaient été ostensiblement ignorées par les pays en développement n’y voyant que des instruments élaborés pour les seuls intérêts juridiques des pays développés77. Dans ce phénomène de globalisation juridique et économique, si l’Etat a vu son rôle diminué voire critiqué78

, le droit international se fragmente peu à peu dans la mesure où les organes internationaux producteurs de droit non seulement se multiplient mais aussi se spécialisent. Ce cadre universel – presque idéalisé, pour ne pas dire utopique – révèle en réalité que celui-ci est la base première et indispensable à tout processus législatif visant à regrouper des normes dans un domaine particulier et à lui donner une force normative. Mieux rassembler pour mieux légiférer telle est la mission que la CNUDCI a reçue dans son mandat. Il s’agit dès lors d’analyser comment le mandat de la CNUDCI prend en compte les besoins et les intérêts du commerce international de manière universelle (section 1) et comment la composition de la CNUDCI tend à refléter l’universalité de la communauté internationale des marchands (section 2).

Section 1 : Le mandat de la CNUDCI : la prise en compte universelle des