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CONCLUSION DU TITRE 1 :

Chapitre 1 Vers une formulation de la notion de droit commercial international ?

95. Afin de déterminer les opérations entrant dans la notion de droit commercial international pour lesquelles la CNUDCI a reçu fonction d’harmoniser, uniformiser et coordonner, il apparaît utile d’analyser l’objet des règles appelées à régir les opérations du commerce international et leur place par rapport aux autres branches du droit, telles que traditionnellement déterminées par les Etats, mais aussi par rapport à la Lex mercatoria. Le droit commercial international, n’étant ni un ordre juridique ni complètement une branche du droit, occupe une position particulière364. Les règles du commerce mondial, résultant traditionnellement d’une action individuelle des législateurs nationaux à régir leur propre commerce extérieur, se détachent des frontières naturelles des Etats et s’établissent progressivement autour d’un mouvement juridique d’harmonisation et d’uniformisation. Ce dernier est d’ailleurs plus ou moins ordonné, posant ainsi des problèmes de définition et de frontières, qui conditionnent l’efficacité juridique.

96. Tout d’abord, les dénominations concernant la notion destinée à qualifier de manière générale l’ensemble des normes juridiques appelées à régir le commerce international révèlent une certaine profusion terminologique : droit commercial international, droit du commerce international, droit des affaires internationales, droit international économique, droit des

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activités économiques, droit international du partenariat, etc… Concernant les trois premières notions, même si la majorité des auteurs fait référence au « droit du commerce international », celles-ci nous apparaissent synonymes et peuvent donc être utilisées indifféremment365. Quant à la notion de « droit international du partenariat »366, son évocation résulte, à titre d’exemple, de la volonté de la récente création de l’Union pour la Méditerranée367

de rapprocher les pays de l’Union européenne et les pays méditerranéens. Si elle relève plus d’un aspect politique, elle n’en demeure pas moins liée au droit commercial international permettant à la CNUDCI d’y trouver sa place de par ses travaux368

. Il reste enfin à déterminer si les notions de droit international économique ou des activités économiques sont pertinentes369. Le commerce international se définit « au sens propre [comme désignant les] opérations d’importation, d’exportation ou d’échange entre les Etats ou entre leurs ressortissants […]. Dans une acceptation extensive, ensemble des rapports économiques, politiques et intellectuels entre les Etats ou entre leurs ressortissants ; prise dans cette acceptation large, l’expression

365 Le terme « droit du commerce international » est retenu, par exemple, dans le cadre des ouvrages suivants : JACQUET Jean-Michel, DELEBECQUE Philippe et CORNELOUP Sabine, op. cit., 913 pp ; KESSEDJIAN Catherine, Droit du commerce international, Paris, P.U.F., Coll. Thémis, 2013, 565 pp. ; KENFACK Hugues,

Droit du commerce international, Paris, Dalloz, Coll. Mémentos, 2012, 4ème éd., 180 pp. ; RACINE Jean-Baptiste et SIIRIAINEN Fabrice, op. cit., 525 pp. ; MOUSSERON Jean-Marc (et alii), Droit du commerce

international, Droit international de l’entreprise, Paris, LexisNexis, Coll. Manuel, 2009, 4ème éd., 528 pp. ; CACHARD Olivier, Droit du commerce international, Paris, L.G.D.J., Coll. Manuels, 2011, 2ème éd., 616 pp. ; MENJUCQ Michel et BEGUIN Jean-Marc (dir.), Droit du commerce international, Paris, LexisNexis, Coll. Traités, 2011, 1291 pp. ; MARCHAND Aurore, L’embargo en droit du commerce international, Bruxelles, Larcier, 2012, 718 pp. ; ECKLY Pierre, Droit du commerce international, Paris, Ellipses marketing, 2005, 60 pp ; tandis que le terme « droit commercial international » est retenu par exemple dans le cadre des ouvrages suivants : PISSOORT William et SAERENS, Droit commercial international, Bruxelles, Larcier, 2012, 286 pp. ; FOUCHARD Philippe et VOGEL Louis, L’actualité de la pensée de Berthold Goldman, Droit commercial

international et européen, Paris, Ed. Panthéon-Assas Paris II, 2004, 84 pp. ; enfin, le terme « droit des affaires

internationales » est retenu par exemple dans le cadre des ouvrages suivants : CHATILLON Stéphane, Droit des

affaires internationales, Paris, Vuibert, 2011, 5ème éd., 400 pp. ; on consultera aussi la Revue de droit des affaires

internationales.

366

V. VADCON C. , « Relations Nord-Sud : vers un droit international du partenariat ? », J.D.I., 1995, p. 599.

367 V. http://ufmsecretariat.org/fr/ : créée en 2008, l’Union pour la Méditerranée comprend 43 Etats membres, à savoir les 28 Etats membres de l’Union européenne ainsi que 15 pays méditerranéens.

368 V. dans ce sens : RAVILLON Laurence, « L’Union pour la Méditerranée et la circulation des modèles juridiques : une lecture du travail et de l’influence de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) », in Vers une lex mercatoria mediterranea - Harmonisation, unification, codification

du droit dans l'Union pour la Méditerranée, Bruxelles, Bruylant, 2012, sous la direction de OSMAN Filali, pp.

117-131 : l’auteur mentionne en effet à propos de l’Union pour la Méditerranée dans le domaine des affaires que « la CNUDCI a manifestement un rôle important à jouer dans la mise en place de cette bonne gouvernance » (p. 118).

369 V. JACQUET Jean-Michel, « Sociabilité et droit du commerce international », in GOWLLAND-DEBBAS V. et BOISSON DE CHAZOURNES L. (eds.), The international Legal System in Quest of Equity and Universality

(L’Ordre juridique international, un système en quête d’équité et d’universalité), Liber Amicorum Georges ABI-SAAB, Martinus Nijhoff, 2001, p. 251 et suiv.

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« commerce international » s’oppose à la notion d’autarcie étatique »370. Deux significations sont mises en exergue, l’une reposant sur la notion d’opérations, objets par ailleurs des travaux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)371

et de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED)372, et l’autre sur la notion de rapports. Comme le définissent MM. JACQUET, DELEBECQUE et Mme CORNELOUP, le droit du commerce international a « pour objet de fournir les règles qui doivent s’appliquer aux activités économiques internationales »373. M. YANKOV considère quant à lui qu’il s’agit « d’un système de règlements de différentes normes et degrés d’obligations juridiques directes qui doit être adopté par les Etats et appliqué à l’échange commercial international »374. Ces approches amènent à considérer les opérations du commerce international sous un angle économique dans une dimension étatique. L’utilisation de la notion de droit international économique pourrait être acceptable mais dénote à notre sens une trop grande interférence avec le droit public, ce qui ne correspond pas au mandat reçu par la CNUDCI quand bien même aucune mention au droit privé n’a été incluse. C’est d’ailleurs ce que retiennent MM. CARREAU et JUILLARD qui privilégient une conception restrictive en définissant le droit international économique comme « l’ensemble des règles qui régissent l’organisation des relations internationales économiques c’est-à-dire, pour l’essentiel, des relations macro-économiques par opposition à des relations micro-économiques »375 et donc en concluant que « les règles du système international commercial seraient des règles de droit international économique alors que les règles de la vente internationale ne le seraient pas »376. Le droit international économique constitue donc une branche du droit international

370

CORNU Gérard (dir.), op. cit., v° Commerce (international), p. 176.

371 General Agreements on Tariffs and Trade (GATT) : il s’agit de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce signé en 1947 dont l’objectif était d’harmoniser les politiques douanières des Etats signataires établissant ainsi une coopération économique à l’échelle mondiale. Plus un système politique qu’une véritable organisation internationale au sens juridique du terme, il entraînera la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994.

372 Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) : v. le site Internet : www.unctad.org.

373

JACQUET Jean-Michel, DELEBECQUE Philippe et CORNELOUP Sabine, op. cit., par. 10.

374 YANKOV Alexandre, « La contribution de la Commission des Nations-Unies pour le droit commercial international à l'harmonisation et l'unification du droit commercial international (particulièrement dans les rapports Est-Ouest) », op. cit., p. 383.

375

CARREAU Dominique et JUILLARD Patrick, Droit international économique, 5ème édition, Dalloz, 2013, Paris, par. 9.

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public se distinguant dès lors du droit commercial international de par son objet mais pour lequel des chevauchements sont inévitables. En effet, les Etats et les organisations internationales, comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED), ayant vocation à régir le commerce interétatique exercent inévitablement une influence sur le droit commercial international et inversement. Mais ce chevauchement est encadré. En effet, dans le rapport du Secrétaire général de l’Organisation des Nations sur le développement progressif du commercial international publié antérieurement à la création de la CNUDCI, le droit commercial international est défini comme « l’ensemble des règles qui régissent les relations commerciales de droit privé mettant en cause plusieurs pays »377. Il exclut ainsi les « relations commerciales internationales relevant du droit public, telles que celles qui mettent en jeu l’attitude ou le comportement des Etats lorsque, dans l’exercice de leur souveraineté, ils règlementent les transactions commerciales intéressant leur territoire »378. En revanche, sont considérées comme relevant du droit privé et donc de la présente définition du droit commercial international, toutes relations de droit privé quelle que soit la nature publique ou privée de l’acteur qui l’exerce. Berthold GOLDMAN définit d’ailleurs le commerce comme « l’ensemble des relations économiques internationales, à la seule exception de celles qui ne mettent en présence que des collectivités publiques agissant selon les procédés qui leur sont propres »379. L’approche de la CNUDCI quant au droit commercial international suit le même raisonnement. Par conséquent, nous nous rallierons à l’avis de MM. RACINE et SIIRIAINEN en qualifiant le droit commercial international de « matière composite »380 dans laquelle sources publiques et privées, internes et internationales sont prises en compte à des degrés

377 Rapport du Secrétaire général : Développement progressif du droit commercial international, in Documents

officiels de l’Assemblée générale, vingt-et-unième session, Annexes, point 88 de l’ordre du jour, document A/396

(Annuaire de la CNUDCI, volume I : 1968-70 (A/CN.9/SER.A/197), par. 10 : Le rapport indique par ailleurs un certain nombre d’exemples de ces relations comme la vente internationale des biens (conclusion des contrats, arrangements concernant la représentation, arrangements concernant l’exclusivité des ventes), les instruments négociables et les crédits bancaires commerciaux, les lois régissant les activités commerciales relatives au commerce international, les assurances, les transports (transport des marchandises par mer, transport des marchandises par air, transport des marchandises par route et chemin de fer, transport des marchandises par voies navigables intérieures), la propriété industrielle et les droits d’auteur ainsi que l’arbitrage commercial.

378 Ibid.

379 GOLDMAN Berthold, « Frontières du droit et « Lex mercatoria » », op. cit., p. 177.

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variables dans un objectif commun : répondre aux besoins et aux intérêts du commerce international381.

97. La seconde question consiste à délimiter quels sont les domaines – ou plutôt les matières premières – entrant dans la notion de droit commercial international. Que l’on évoque les transactions382, les activités383, les relations384 un rapport de droit déterminé385 ou les opérations, on retiendra la dernière comme synonymes des autres notions sous couvert des mécanismes de prise de décisions propres à la CNUDCI386. Cela nécessite l’étude des faits tels que le commerce international les engendre. Antoine PILLET constate que « le commerce international est un pur fait, mais un fait qui a donné naissance au droit international tout entier »387. Et cette observation se confirme car, selon l’expression latine « ex facto jus oritur » (« du fait, émerge le droit »), il est nécessaire d’encadrer les comportements humains (la réalité sociale) au travers de règles juridiques (le droit)388 ce qui est évidemment applicable au commerce international. MM. JACQUET, DELEBECQUE et Mme CORNELOUP constatent néanmoins que « son unité ne peut que de façon très imparfaite lui venir des règles

381

Pour une étude des besoins et des intérêts du commerce international, v. dans la présente thèse : 1ère partie, Titre 1, Chapitre 1.

382 V. note de bas de page nº 2 de l’article 1er, par. 1, Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (1985 – version amendée en 2006).

383

V. art. 2, Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale (1997) ; art. 5, Convention des Nations Unies sur la cession de créances dans le commerce international (2001) ; v. Introduction, par. B (glossaire), Guide législatif sur le droit de l’insolvabilité (première et deuxième parties) (2004) ; art. 4, Convention des Nations Unies sur l'utilisation de communications électroniques dans les contrats internationaux (2005) ; et Introduction, B (glossaire), 2 (termes et définitions), Guide pratique de la CNUDCI sur la coopération en matière d'insolvabilité internationale (2009).

384 Rapport du Secrétaire général : Développement progressif du droit commercial international, in Documents

officiels de l’Assemblée générale, vingt-et-unième session, Annexes, point 88 de l’ordre du jour, document A/396

(Annuaire de la CNUDCI, volume I : 1968-70 (A/CN.9/SER.A/197), par. 10 ; v. préambule, Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (1985 – version amendée en 2006).

385 V. art. 1er, par. 1, Règlement d’arbitrage de la CNUDCI (version révisée en 2010).

386 Pour une étude des mécanismes de prise de décisions à la CNUDCI, v. dans la présente thèse : 1ère partie, Titre 1, Chapitre 2.

387 V. PILLET Antoine, Revue Générale de Droit International Public, 1898, p. 72 ; citation empruntée à CARREAU Dominique et JUILLARD Patrick, Droit international économique, 5ème éd., Dalloz, 2013, Paris, par. 1.

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qui le constituent, en raison de la diversité de leur nature et de leurs origines »389390. Le mandat de la CNUDCI reste silencieux quant à la définition même de ce qui constitue finalement l’essence et la raison d’être de la CNUDCI. Le droit commercial international ne peut être une « simple » transposition du droit commercial interne. De par sa spécificité, il ne peut en effet se limiter strictement aux définitions traditionnellement retenues par les législateurs nationaux, notamment celles distinguant les actes de commerce ou les commerçants comme uniques critères d’application. Le champ d’application est par conséquent beaucoup plus large en englobant l’ensemble des activités ayant une nature économique. Il constitue donc un droit propre destiné à régir des opérations particulières, voire pour certaines inexistantes en droit interne (par exemple le crédit documentaire). A ces opérations internationales s’ajoute l’influence, certes des droits étatiques, mais aussi de la Lex mercatoria

98. Il s’agit dès lors d’analyser l’impact des travaux et des instruments de la CNUDCI sur la définition même de ce droit commercial international que l’on peut qualifier d’original car émanant d’un organe juridique rattaché à l’Organisation des Nations Unies (donc fondé sur une volonté d’universalité) mais aussi ayant pour objectif d’harmoniser et d’uniformiser les règles dans ce domaine. Il est indéniable que la CNUDCI joue un rôle majeur en établissant les fondements d’une loi marchande internationale dont les caractéristiques et le contenu se rapprochent de la Lex mercatoria391. La force du mandat de la CNUDCI est justement sa flexibilité en n’enfermant pas ses activités dans une sphère imperméable mais au contraire en choisissant l’approche la plus large possible392. Il ne s’agit pas de cloisonner l’objet du droit commercial international mais de prendre véritablement en compte les besoins et les intérêts de la communauté internationale des marchands sans se limiter à la sphère traditionnelle de tels ou tels systèmes juridiques et économiques393. Le droit commercial international, tel que

389 DRAETTA Ugo, Internet et commerce électronique en droit international des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2003, 228 pp.

390 JACQUET Jean-Michel, DELEBECQUE Philippe et CORNELOUP Sabine, op. cit., par. 10.

391 Pour une étude des instruments et des normes de la CNUDCI par rapport à la Lex mercatoria, v. dans la présente thèse : 2ème Partie, Titre 1, Chapitre 2.

392 Pour une étude du mandat de la CNUDCI, v. dans la présente thèse : 1ère Partie, Titre 1, Chapitre 1 ; v. aussi SORIEUL Renaud, « Le mandat de la CNUDCI : une lecture évolutive », op. cit., pp. 5-18.

393

Pour une étude des besoins et des intérêts du commerce international, v. dans la présente thèse : 1ère Partie, Titre 1, Chapitre 1.

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pris en compte au travers des travaux et des instruments de la CNUDCI, se définit comme les règles applicables aux opérations ayant un caractère commercial (section 1), auquel la CNUDCI y adjoint un critère essentiel celui de l’internationalité (section 2).