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CONCLUSION DU TITRE 1 :

Section 1 : La commercialité des opérations

A. L’autonomie du droit commercial international tel qu’élaboré par la CNUDCI : entre systèmes dualiste et moniste

2. L’incursion de la CNUDCI dans le droit public

105. Bien qu’organe relevant d’une organisation de droit public, la CNUDCI a vocation à adopter des instruments en matière de droit commercial international régissant les relations entre particuliers donc de droit privé posant ainsi les frontières de son champ d’activité. Les normes ainsi élaborées ne sont pas liées à la nature même de la structure de leur auteur. Dans

411 A/CN.9/WG.II/WP.132 : Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Groupe de travail II (Arbitrage), Quarante et unième session, Vienne, 13-17 septembre 2004, Note du secrétariat : Insertion d’une référence à la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, 1958) dans le projet de convention sur l’utilisation de communications électroniques dans les contrats internationaux.

412 V. art. 9 (Conditions de forme), par. 2 de la Convention des Nations Unies sur l'utilisation de communications électroniques dans les contrats internationaux (2005).

413 V. art. 5, Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne – 1980).

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V. dans ce sens un exemple de jurisprudence répertorié dans le recueil de jurisprudence concernant les textes de la CNUDCI : CNUDCI, Décision 196 [Handelsgericht des Kantons Zürich, Suisse, 26 avril 1995].

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le système romano-germanique, la notion de droit public recouvre « [les] règles juridiques concernant la complexion, le fonctionnement et les relations des Etats et des organisations ou collectivités qui les regroupent ou les constituent »415 et se distingue de celle de droit privé qui désigne « l’ensemble des règles de Droit qui gouvernent les rapports des particuliers entre eux »416. Erigé au rang de premier des « embranchements principaux » dans la « classification du droit »417, droit public et droit privé constituent dès lors deux branches distinctes418 pour lesquelles Jean CARBONNIER dira : « tout le droit se divise en deux parties : droit public et droit privé »419. Cette distinction est reprise, du moins de prime abord, par la CNUDCI qui consacre ses travaux et ses instruments aux opérations relevant traditionnellement du droit privé. Toutefois, des exemples d’incursion de la CNUDCI peuvent être trouvés avec notamment le cas des opérations liées aux passations de marchés et le développement des infrastructures, justifiés également par le fait que la distinction entre le droit privé et le droit public n’est pas universelle. Comme le soulignent MM. RACINE et SIIRIAINEN : « la distinction entre droit privé et droit public, déjà pour partie peu pertinente en matière interne, l’est encore moins en matière internationale »420

. Ceux-ci s’inspirent en effet de règles pour la plupart d’origine publique instituant un mouvement à double sens entre privé et public421. De ce constat, la CNUDCI ne pouvait exclure une incursion, nécessaire pour assurer la cohérence de ses règles. Ce mouvement se retrouve d’ailleurs dans les Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international (2010) qui, écartant également les distinctions admises par les différents systèmes juridiques

415 CORNU Gérard (dir.), op. cit., v° Public (-ique) (droit public interne), p. 742.

416 CORNU Gérard (dir.), op.cit., v° Privé (-ée) (droit privé), p. 723.

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PLANIOL Marcel et RIPERT Georges, Traité de droit civil, t. 1, 12ème éd., p. 9 ; citation empruntée à BEAUD Olivier, « La distinction entre droit public et droit privé : un dualisme qui résiste aux critiques », in AUBY Jean-Bernard et FREEDLAND Mark (dir.), La distinction du droit public et du droit privé : regards

français et britanniques – The Public Law/Private Law Divide : une entente assez cordiale ? [en italique dans le

texte], Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2004, pp. 19-27

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V. par exemple : BEAUD Olivier, « La distinction entre droit public et droit privé : un dualisme qui résiste aux critiques », in AUBY Jean-Bernard et FREEDLAND Mark (dir.), La distinction du droit public et du droit

privé : regards français et britanniques – The Public Law/Private Law Divide : une entente assez cordiale ?,

Paris, Ed. Panthéon-Assas, 2004, pp. 19-27 ; TROPER Michel, « L'opposition public-privé et la structure de l'ordre juridique », in Politiques et management public, 1987, Vol. 5, n° 1, pp. 181-198.

419 CARBONNIER Jean, Introduction au Droit civil, Paris, P.U.F., 1995, 23ème éd., nº 64, p. 95.

420 RACINE Jean-Baptiste et SIIRIAINEN Fabrice, op. cit., par. 5.

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V. LLORENS François, Contrat d’entreprise et marché de travaux publics : contribution à la comparaison entre contrat de droit privé et contrat administratif, LGDJ, 1981, Paris, Thèse, 705 pp.

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entre droit civil et droit commercial, n’interdit en rien que ceux-ci puissent trouver à s’appliquer à des contrats conclus par des parties dont une serait une autorité publique422

. Le degré d’harmonisation et d’uniformisation du droit commercial international se mesure selon nous à sa capacité à effacer toute distinction entre droit civil et droit commercial et de se restreindre à un critère limité à l’acte juridique qu’il entend régir, garant de cohérence et d’efficacité.

106. Aussi des exemples peuvent-être trouvés dans le Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d’infrastructures à financement privé (2000) qui indique que, dans la mesure où « les dispositions législatives relatives à la protection de l’environnement ont généralement un impact direct, à différents niveaux, sur la réalisation des projets d’infrastructure et les questions environnementales sont parmi les causes de litiges les plus fréquentes », « il est généralement admis que des mesures de protection de l’environnement sont indispensables à tout développement durable »423. La prise en compte du droit de l’environnement à la fois dans le droit privé et le droit public s’est effectuée par exemple en droit français avec la Charte de l’environnement (2004)424

. De même, le Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d’infrastructures à financement privé (2001) prend en compte les opérations qui sont d’origine publique mais pour lesquelles elle entend encourager les investissements privés425

. Un certain nombre de notions juridiques qui appartiennent dans certains systèmes juridiques au droit public est ainsi pris en compte par le Guide426 : par exemple, l’infrastructure publique et services publics (« des installations matérielles qui fournissent des services essentiels à la population »), la concession (« dans de nombreux pays, les services publics constituent un

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V. REMIEN Oliver, « Public Law and Public Policy in International Commercial Contracts and the UNIDROIT Principles of International Commercial Contracts 2010: a Brief Outline », in Rev. de dr. unif., 2013, Vol. 18, n° 2, pp. 262-280.

423 V. Chap. VII, par. 42, Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d’infrastructures à financement privé (2000).

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V. Charte de l'environnement (2004), Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement (JORF n°0051 du 2 mars 2005, p. 3697).

425 Pour une étude d’ensemble du partenariat entre les secteurs public et privé : v. LICHERE François, NARTOR Boris, PEDINI Gilles et THOUVENOT Sébastien, Pratique des partenariats publics-privés, Choisir, évaluer,

monter et suivre son PPP, LexisNexis, Coll. Litec Professionnels – Contrats et marchés publics, 2009, 2ème éd., 240 pp.

426 V. Introduction et informations générales sur les projets d’infrastructure à financement privé, par. 2 (Terminologie employée dans le guide), Guide législatif de la CNUDCI sur les projets d’infrastructure à financement privé (2000), pp. 3 et suiv.

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monopole d’État ou sont soumis à une règlementation spéciale. En pareil cas, la fourniture d’un service public par une entité autre qu’une autorité publique exige, de manière générale, l’obtention d’une autorisation de l’organisme public compétent »), accord de projet (« un accord conclu entre une autorité publique et l’entité ou les entités privées sélectionnées pour exécuter le projet, et qui énonce les termes et conditions de la construction ou de la modernisation, de l’exploitation et de la maintenance de l’infrastructure ») et autorité contractante (« l’autorité publique du pays hôte qui assume la responsabilité générale du projet et au nom de laquelle ce dernier est attribué »). Ces opérations ont d’ailleurs fortement inspiré le législateur français qui a mis en place par une ordonnance de 2004 des contrats dits de partenariat permettant à l’Etat ou un établissement public de l’Etat de faire financer par des entreprises privées des équipements ou des services publics427.