• Aucun résultat trouvé

CONCLUSION DU TITRE 1 :

Section 2 : L’internationalité des opérations

B. Le recours au droit international privé comme mécanisme correcteur de l’internationalité

2. Les règles de conflit de lois : complément et comblement des règles matérielles

150. La Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne – 1980) fournit une illustration de la manière dont les règles de conflit de lois interviennent pour compléter les éventuelles lacunes des règles de droit matériel. Ces dernières sont celles qui résultent du domaine d’application même de la convention, nonobstant les domaines expressément exclus par la convention à savoir les questions relatives à la validité du contrat, de ses clauses et de ses usages, de même que celles portant sur les effets que les contrats peuvent avoir sur la propriété des marchandises vendues (article 4). Afin d’y remédier, le paragraphe 2 de l’article 7 de la même convention propose une méthode. Le texte précise en effet que « les questions concernant les matières régies par la présente Convention et qui ne sont pas expressément tranchées par elles seront réglées selon les principes généraux dont elle s’inspire ou, à défaut de ces principes, conformément à la loi applicable en vertu des règles de droit international privé ». Autrement dit, le comblement des lacunes passe par le recours aux principes généraux. Les différents tribunaux ont progressivement dégagé les principes généraux inhérents à la Convention: l’autonomie des parties, la bonne foi, la forclusion, le lieu de paiement des obligations monétaires, la monnaie de paiement, la charge de la preuve, le principe de la pleine indemnisation, l’informalité, la diligence des communications, la limitation des dommages et intérêts, les usages contraignants, la compensation, le droit à intérêt et le principe du Favor contractus656. Or, ce

655 KESSEDJIAN Catherine, « Les règles de conflit de lois dans les textes de la CNUDCI », op. cit., pp. 80-87.

656 Pour une description de ces principes généraux et la jurisprudence s’y référant : v. Recueil analytique de jurisprudence concernant la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, New York, Publication des Nations Unies, 2009, pp. 28-33.

182

n’est que si ces principes généraux ne peuvent fournir de solutions que la Convention prévoit le recours à la méthode conflictualiste, donc au droit interne, désigné par le biais de conflit de lois ou directement par les parties au travers d’une clause de droit applicable. Cette disposition reflète, selon MM. JACQUET, DELEBECQUE et Mme CORNELOUP, l’« idée fondamentale de la convention […] [dont] le souci [est] de « sauver » autant que possible le contrat »657. Toutefois, MM. SCHLECHTRIEM et WITZ considèrent qu’« un comblement des lacunes sur le fondement des principes de la Convention n’est pas admissible lorsque les auteurs de la Convention ont, de manière consciente, laissé la question en suspens et présupposé l’application du droit national interne »658. L’article 78 de la Convention constitue ainsi un exemple allant dans ce sens dans la mesure où celui-ci ne donne pas une solution complète à la notion de taux de change telle que prévue par celle-ci659. Si la solution donnée par le paragraphe 2 de l’article 7 peut apparaître dangereuse, elle n’en demeure pas moins sur le plan théorique comme le reflet d’une souplesse nécessaire afin d’appréhender au maximum les contrats entrant dans le champ d’application de la Convention de Vienne. D’un point de vue purement conflictualiste, Mme KESSEDJIAN relève que l’« on retrouve donc ici le raisonnement typique du droit international privé qui nécessite de connaître d’abord le juge qui sera saisi d’un éventuel litige (juridiction nationale ou tribunal arbitral), avant de pouvoir connaître de manière certaine le droit applicable et la solution »660.

151. La Convention des Nations Unies sur la cession de créances dans le commerce international (2001) constitue pour Mme KESSEDJIAN la première des conventions à intégrer véritablement le droit international privé comme à la fois « un complément et un comblement des lacunes » des règles matérielles qu’elle contient661. Par un chapitre entièrement consacré aux règles de conflits de lois, la Convention propose en effet un ensemble de dispositions facultatives. Le droit des tiers est l’illustration de ce mouvement car, n’ayant pas été admis dans le cadre d’une règle matérielle, les négociateurs se sont résolus à

657 JACQUET Jean-Michel, DELEBECQUE Philippe et CORNELOUP Sabine, op. cit., par. 120.

658

SCHLECHTRIEM Peter et WITZ Claude, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de

marchandises, op. cit., par. 79.

659 Ibid, par. 79 et 410.

660

KESSEDJIAN Catherine, « Les règles de conflit de lois dans les textes de la CNUDCI », op. cit., p. 86.

183

faire une règle de conflit de lois : « la loi de l’Etat dans lequel est situé le cédant régit la priorité du droit d’un cessionnaire sur la créance cédée par rapport au droit d’un réclamant concurrent », sous réserve des dispositions inhérentes à l’ordre public, aux règles impératives et aux règles spéciales relatives au produit. Un chapitre entier est par ailleurs consacré aux règles de conflit de lois permettant d’appliquer la Convention sans qu’un lien avec un Etat contractant soit établi à condition que les opérations aient un caractère international et entrent dans le champ d’application de la Convention662

.

185

CONCLUSION DU CHAPITRE 1 :

152. Loin d’être un droit statique, le droit commercial, tel que pris en compte et élaboré par la CNUDCI, reflète les attentes des Etats et des opérateurs du commerce international en identifiant les opérations les plus importantes du droit commercial international. Il s’agit non seulement des activités économiques que l’on peut regrouper sous deux grands domaines – d’un côté, ventes et opérations connexes et de l’autre, moyens de réalisation des échanges – mais aussi des litiges pouvant en découler. Le critère de l’internationalité s’y additionne, le tout dans un mouvement relativement extensif permettant de donner aux opérations une flexibilité suffisamment importante pour être objets des instruments de la CNUDCI de la manière la plus large possible. De manière intrinsèque, l’originalité de l’œuvre normative de la CNUDCI est de proposer une définition extensive du droit commercial international affranchie de tout lien national. En effaçant les frontières entre notamment droit commercial, droit civil, droit public et droit pénal des affaires mais aussi droit interne et droit international, la CNUDCI pose les fondements d’un droit harmonisé et uniformisé, vecteur de simplification et de sécurisation des opérations du commerce international tout en répondant de manière efficace aux besoins et aux intérêts de la communauté des marchands.

187

Chapitre 2 : Vers une mutation des normes sources