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1 ère partie : La CNUDCI, force révélatrice du droit commercial international

Section 2 : La composition de la CNUDCI : la prise en compte universelle des opérateurs du commerce international

B. Les divergences dans les systèmes juridiques et économiques

56. La mission de la CNUDCI est ambitieuse : de par sa composition, il s’agit de prendre en compte les systèmes juridiques et économiques mondiaux222. En effet, chaque Etat possède un ensemble de règles qui interagissent entre elles selon un mécanisme qui leur est propre.

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V. ibid, par. 10.

220 Il a d’ailleurs été suggéré d’inviter des représentants de certaines revues juridiques spécialisées afin de mieux informer ceux-ci sur les travaux en cours de la CNUDCI. Cette proposition – non dépourvue d’intérêt – fut adoptée par la Commission en 2011 : v. Rapport de la Commission des Nations pour le droit commercial international, quarante-quatrième session (27 juin – 8 juillet 2011), in Documents officiels de l’Assemblée

générale, soixante-cinquième session, Supplément numéro 17 (A/65/17), par. 298.

221 V. COHEN Edward S., « Normative Modeling for Global Economic Governance: The Case of the United Nations Commission on International Trade Law (UNCITRAL) », in Brooklyn Journal of International Law, 2011, nº 567, Brooklyn, New York, pp. 1-33.

222 Pour une vue d’ensemble sur la notion, les classifications et l’analyse des systèmes juridiques, v. par ex. : DAVID René et JAUFFRET-SPINOSI Camille, Les grands systèmes de droit contemporains, Paris, Dalloz, 2002, 11e éd., 566 pp. : les auteurs ont choisi de classer les systèmes juridiques de la manière suivante : la famille romano-germanique, le système juridique russe (incluant une étude du droit socialiste de l’ex URSS entre 1917 et 1191), la Common law (droit anglais et droit américain), le droit musulman, le droit de l’Inde et les droits de l’Afrique et de Madagascar ; v. aussi FROMONT Michel, Grands systèmes de droit étrangers, Paris, Dalloz, 2009, 6ème éd., 268 pp. : l’auteur analyse successivement le droit allemand, les droits romanistes d’Europe occidentale (Italie, Espagne, Pays-Bas et Suisse), le droit anglais, le droit américain, les autres droits de

Common law (Canada et Inde) ainsi que les autres droits romanistes (Brésil, Russie, Chine et Japon) ; v.

également les travaux du XVIème congrès de l’Académie internationale de droit comparé : MORETEAU Olivier et VANDERLINDEN Jacques (dir.), La structure des systèmes juridiques, Bruxelles, Bruylant, 2004, 431 pp. ; v. aussi Juris-Classeur de droit comparé, Paris, Ed. Juris-classeur, 3 vol., 2400 pp. : les pays suivants sont notamment analysés : Allemagne, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Espagne, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Italie, Japon, Maroc, Mexique, Pays-Bas, République Tchèque, Slovaquie, Suisse, Tunisie, Turquie et Venezuela ; v. aussi CUNIBERTI Gilles, Grands systèmes de droit contemporains, Paris, L.G.D.J., 2011, 2ème éd., 510 pp.

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Cet ensemble est soit unique (monosysteme) soit mixte lorsque plusieurs droits interférent au sein d’un même Etat. De même, un droit peut ne pas être d’origine étatique et découler d’un système religieux comme le droit canonique223, le droit musulman (la sharia)224, le droit juif, le droit hindou et les droits confucéens225. Pourtant, c’est bien l’existence de plusieurs systèmes juridiques comme frein au commerce international qui a été à l’origine de la volonté d’harmoniser et d’unifier le droit commercial international par la mise en place d’un régime juridique efficace et moderne226. Un groupe de recherche canadien composé d’universitaires et de praticiens a recensé cinq systèmes juridiques principaux à travers le monde : le droit civil, la Common law, le droit musulman, le droit coutumier et les systèmes dits mixtes (c’est-à-dire regroupant deux ou plusieurs droits susmentionnés)227. Le groupe de recherche a recensé parmi les Etats membres de l’ONU la répartition suivante pour les systèmes les plus représentés : 77 Etats sont des monosystèmes de droit civil, 25 des systèmes mixtes droit civil/droit coutumier, 23 des monosystèmes de Common law, 14 des systèmes mixtes Common law/droit coutumier et 11 des systèmes mixtes droit civil/droit musulman. Evidemment, la CNUDCI – et plus globalement l’ONU – a été marquée par l’incursion du droit socialiste de l’ex URSS jusqu’en 1991. Si l’on retiendra les deux principaux systèmes (le droit civil et la Common law), cela ne peut se faire au prix de l’éviction des autres droits qui sont pris en compte de la même manière et dont l’influence, certes à degré variable, est indéniable228. L’opposition de ces deux droits n’est pas idéologique mais plutôt technique229

.

223 Le Saint-Siège participe en tant qu’observateur aux réunions de la CNUDCI.

224 Pour une étude d’ensemble : v. BLEUCHOT Hervé, Droit musulman, Aix-Marseille, Presses universitaires, Coll. Droit et religions, 2002, Tome 1 (Histoire) et Tome 2 (Fondements, culte, droit public et mixte), 419 pp et 799 pp.

225 Egalement appelé le confucianisme ou doctrine de Confucius (555-479 av. JC).

226 V. COHEN Edward S., « Constructing power through law: Private law pluralism and harmonization in the global political economy », in Review of International Political Economy, December 2008, Vol. 15, Nº 5, pp. 770-799.

227 V. FATHALLY Jabeur, MARIANI Nicola, PERRET Louis, BISSON Alain-François (sous la direction de),

Les systèmes juridiques dans le monde/World Legal Systems, Montréal, Wilson & Lafleur Ltée, 2008, 2ème éd. revue et augmentée/2nd edition revised and enlarged, 472 pp ; à noter que les auteurs ont également mis en place un groupe de recherche sur les systèmes juridiques dans le monde dont le site internet est particulièrement instructif en termes de tableaux statistiques, de classifications et de répartition : v. www.juriglobe.ca

228 V. par ex. pour l’influence du droit musulman dans l’arbitrage commercial international : KUTTY Faisal, « The Shari’a Factor in International Commercial Arbitration », in Journal of Arab Arbitration, 2009, n° 4, pp. 63-112.

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En effet, les droits romanistes se caractérisent par l’élaboration de notions abstraites qui sont incluses dans des règles ayant une portée générale donnant ainsi de l’importance à la Constitution et aux lois écrites. Au contraire, la Common law se fonde sur les règles issues au cours des années (voire des siècles) des tribunaux anglais et place par conséquent la loi au second plan. Toutefois, le développement du droit international en général a pour effet de rapprocher petit à petit ces deux systèmes en incorporant des notions de l’un envers l’autre et inversement. Au niveau régional, la multiplicité des systèmes juridiques peuvent être un obstacle comme c’est le cas en Asie de l’Est où les systèmes sont d’inspiration tantôt européenne, tantôt américaine, tantôt de droit purement local voire pour certains Etats de droit musulman, rendant difficile la sécurité juridique attendue par les opérateurs économiques230.

57. Les compromis demeurent difficiles et les risques de voir un instrument considéré comme empreint d’un système juridique ou économique plutôt qu’un autre sont bien réels. Ce fut par exemple le cas pour la Convention des Nations Unies sur les lettres de change internationales et les billets à ordre internationaux (1988) dont les commentateurs n’ont pas manqué de souligner son inspiration fortement américaine231. De ce fait, la CNUDCI s’est progressivement tournée vers d’autres instruments moins contraignants mais capables de fédérer les Etats autour d’un instrument plus propice à l’universalité comme le sont notamment les lois types et les guides (législatifs ou juridiques)232. Comme le souligne Philippe FOUCHARD : « l’universalité n’est plus obtenue directement, par une convention internationale destinée à être largement ratifiée ; elle est recherchée de manière oblique, par des modèles proposés aux Etats, en espérant qu’ils s’en inspireront dans leur action

229 V. par ex. Le Canada qui est un pays à la fois de droit civil et de Common law : DESCHAMPS Michel, « La Convention des Nations Unies sur la cession de créances dans une perspective canadienne », in Banque & Droit, Juillet-août 2003, n° 90, pp. 40-43.

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V. CASTELLANI Luca, « The contribution of uniform trade law to economic development and regional integration in East Asia and the Pacifique: a view from UNCITRAL », in Dong-a journal of IBT law, 2012, Busan (Republic of Korea), pp. 31-46.

231 V. FOUCHARD Philippe, « La CNUDCI et la défense des intérêts du commerce international », op. cit., p. 36 : l’auteur note en effet que la Convention est « très marquée par l’influence américaine » expliquant ainsi que celle-ci n’est jamais entrée en vigueur faute de rassembler le nombre d’adhésion suffisant ; pour une étude approfondie des instruments de la CNUDCI, v. dans la présente thèse : 1ère Partie, Titre 2, chapitre 2.

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Pour une étude approfondie des instruments de la CNUDCI, v. dans la présente thèse : 1ère Partie, Titre 2, chapitre 2.

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législative »233. De même, tout comme la Commission du droit international des Nations Unies se composant de représentants « des grandes formes de civilisation et des principaux systèmes juridiques du monde »234, la CNUDCI inclut également la prise en compte des différents systèmes économiques mondiaux. Car, comme le souligne MM. COT, PELLET et FORTEAU, « cet effort de représentativité que l’on retrouve dans plusieurs organes de codification est propice au développement harmonieux du droit international »235. L’objectif n’est pas de donner une étude exhaustive des différences économiques mais de répondre de manière efficace aux besoins et aux intérêts du commerce mondial. Les différences de systèmes juridiques et économiques peuvent a priori constituer un obstacle au processus d’unification du droit commercial international mais celui-ci demeure, à notre avis, relatif. Faisant partie intégrante des négociations, elles sont en effet indissociables de la communauté universelle pour laquelle le droit comparé doit servir non pas de barrières infranchissables mais d’une base réelle pour les discussions de la CNUDCI. Ainsi, en identifiant les points de convergence ou, au contraire, de divergence, l’unification telle qu’entreprise par la CNUDCI vise à réconcilier ce qui paraissait de prime abord inconciliable tout en prenant le risque de s’effacer peu à peu au profit de l’harmonisation.

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V. FOUCHARD Philippe, « La CNUDCI et la défense des intérêts du commerce international », op. cit., p. 36.

234 Art. 8, Statut de la Commission du droit international (ONU).

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COT Jean-Pierre, PELLET Alain et FORTEAU Mathias, La charte des Nations Unies, Commentaire article

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