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1 ère partie : La CNUDCI, force révélatrice du droit commercial international

Section 2 : La composition de la CNUDCI : la prise en compte universelle des opérateurs du commerce international

B. Les observateurs

48. Si la qualité de membre de la CNUDCI est réservée aux 60 Etats tels qu’élus par l’Assemblée générale de l’ONU, la qualité d’observateur peut être reconnue à d’autres participants193. Leur nombre peut donc fluctuer selon les thèmes abordés au cours des sessions de la Commission et des Groupes de travail. Sur le plan juridique, ces derniers participent aux débats de la CNUDCI, peuvent prendre la parole mais ne peuvent pas, en revanche, participer à la prise de décision, celle-ci restant la prérogative des Etats membres de la CNUDCI, même si certains commentateurs regrettent que les représentants des opérateurs économiques privés ne puissent pas prendre part au vote194. La résolution 1996/31 du Conseil économique et

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Documents officiels de l’Assemblée générale, vingt-et-unième session, Annexes, Point 88 de l’ordre du jour, Documents A/6396 (Annuaire de la CNUDCI, volume I : 1968-70 (A/CN.9/SER.A/197), Publication des Nations Unies, page 70, v. plus spécialement le paragraphe 4.

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HALLIDAY Terence C., PACEWICZ Josh and BLOCK-LIEB Susan, “Who governs? Delegations in Global Trade Lawmaking”, in Regulation & Governance, September 2013, Vol. 7, Issue 3, pp. 279-298 : les auteurs présentent une étude sur la participation des délégations au cours des sessions du Groupe de travail V (Insolvabilité) entre 1999 et 2004 ; on relèvera à titre d’illustration que les délégations les plus importantes en terme de à la fois de nombre de délégués envoyés et de participation effective aux sessions ont été l’Australie, la France, l’Allemagne, l’International Bar Association (IBA), l’International Insolvency Institute (III), l’International Association of Restructuring, Insolvency & Bankruptcy (INSOL), le Japon, la Thaïlande, la Banque mondiale et les Etats-Unis ; v. aussi par exemple pour la participation de la République de Corée : LEE Jae Sung, « Recent Activities of, and Korea’s Participation to UNCITRAL », in Korean journal of international

trade and business law, Special issue: International secured transaction law, 2008, Vol. 16, n° 2, pp. 3-31.

193 SORIEUL Renaud, « Le mandat de la CNUDCI : une lecture évolutive », op. cit., pp. 5-18.

194 V. COHEN Edward S., « Constructing power through law: Private law pluralism and harmonization in the global political economy », in Review of International Political Economy, 15:5, December 2008, pp. 770-799.

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social de l’ONU, se basant sur l’article 71 de la Charte des Nations Unies donnant la possibilité au Conseil économique et social de consulter les organisations non gouvernementales195, définit le cadre général concernant la participation de celles-ci aux activités des organes des Nations Unies. La CNUDCI a donc élargi, contribuant ainsi selon nous à la qualité de ses instruments, la composition originelle aux Etats non membres de celle-ci (1) et aux organisations dites « invitées » (2).

1. Les Etats non membres de la CNUDCI

49. Les Etats non membres de la CNUDCI mais membres de l’ONU ainsi que les Etats ayant qualité d’observateur à l’ONU peuvent toutefois, à leur demande, participer aux différentes sessions de la CNUDCI196. Ils ont alors le rang d’observateurs avec la possibilité de faire part d’observations (la plupart du temps de manière orale) mais ne participent pas aux mécanismes de prise de décision (l’opposition à l’adoption d’une décision n’est donc pas possible), l’objectif étant d’augmenter le degré d’acceptabilité et de transparence des textes débattus197. Ils peuvent néanmoins exercer une influence, certes indirecte mais possible, sur l’évolution des débats. Pour autant, les Etats n’étant pas les uniques représentants de la communauté internationale des marchands, la CNUDCI prend également en compte la participation des organisations dites « invitées ».

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Art. 71, Charte des Nations Unies (ONU) : « Le Conseil économique et social peut prendre toutes dispositions utiles pour consulter les organisations non gouvernementales qui s'occupent de questions relevant de sa compétence. Ces dispositions peuvent s'appliquer à des organisations internationales et, s'il y a lieu, à des organisations nationales après consultation du Membre intéressé de l'Organisation ».

196 Par ex., v. Rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, in Documents

officiels de l’Assemblée générale, Soixante-septième session, Supplément nº 17 (A/67/17), par. 6 et 7 : au cours

de la session de la Commission, les Etats suivants (non-membres de la CNUDCI) ont assisté à la session en tant qu’observateurs : Bélarus, Chypre, Comores, Cuba, Equateur, Finlande, Guatemala, Indonésie, Koweït, Panama, Pays-Bas, Pologne, Qatar, Roumanie, Suède et Suisse. De même ont participé des observateurs du Saint-Siège et de l’Union européenne.

197 V. Rapport de la Commission des Nations pour le droit commercial international, quarante-quatrième session (27 juin – 8 juillet 2011), in Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-cinquième session, Supplément numéro 17 (A/65/17), Annexe III (Règlement intérieur et méthodes de travail de la CNUDCI), par. 5.

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2. Les organisations dites « invitées »

50. De même que les Etats non membres de la CNUDCI, des représentants des organisations gouvernementales et non gouvernementales internationales peuvent être invités par la Commission à participer aux sessions de celle-ci ou de ses organes subsidiaires198. Les organes des Nations Unies ainsi que les institutions spécialisées du système des Nations Unies peuvent participer aux sessions susmentionnées ainsi que toute autre organisation ou association en dehors du cercle onusien199. Ayant le rang d’observateur, ils peuvent intervenir dans le débat mais ne participent pas à la prise de décision200. Cette participation se fonde sur le paragraphe 11 du mandat de la CNUDCI qui prévoit que « la Commission peut consulter toute organisation internationale ou nationale, toute institution scientifique ainsi que tout expert, ou faire appel à leurs services, au sujet de toute question dont l’étude lui est confiée si elle estime que cette consultation ou ces services peuvent l’aider à s’acquitter de ses fonctions »201. Il s’agit dès lors de prendre en compte la société civile internationale au travers de ces organisations. Ce qui est d’ailleurs devenu indispensable selon Mme SZUREK qui considère que « le nouveau credo est […] qu’un véritable partenariat entre l’ONU et les ONG comme principales composantes agissantes de la société civile n’est plus une option, mais une véritable nécessité pour traiter correctement des problèmes mondiaux »202. Cette même société qui, au travers d’organisations qui la représentent notamment dans les sessions de la CNUDCI, contribue à prendre en compte de la manière la plus représentative possible la communauté internationale des marchands. Cette participation est selon nous essentielle car, à

198 V. Rapport de la Commission des Nations pour le droit commercial international, quarante-quatrième session (27 juin – 8 juillet 2011), in Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-cinquième session,

Supplément n° 17 (A/65/17), Annexe III (Règlement intérieur et méthodes de travail de la CNUDCI), par. 6.

199 V. Rapport de la Commission des Nations pour le droit commercial international, quarante-quatrième session (27 juin – 8 juillet 2011) in Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-cinquième session,

Supplément n° 17 (A/65/17), Annexe III (Règlement intérieur et méthodes de travail de la CNUDCI), par. 8.

200 V. Rapport de la Commission des Nations pour le droit commercial international, quarante-quatrième session (27 juin – 8 juillet 2011) in Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-cinquième session, Supplément numéro 17 (A/65/17), Annexe III (Règlement intérieur et méthodes de travail de la CNUDCI), par. 7.

201 Documents officiels de l’Assemblée générale, vingt-et-unième session, Annexes, Point 88 de l’ordre du jour, Documents A/6396 (Annuaire de la CNUDCI, volume I : 1968-70 (A/CN.9/SER.A/197), Publication des Nations Unies, p. 70.

202 SZUREK Sandra, « Les valeur de la communauté internationale et la société civile internationale », in La

Charte des Nations Unies, constitution mondiale ?, Paris, Pedone, 2006, CEDIN Paris X, Cahiers internationaux,

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défaut, la CNUDCI aurait été privée d’une expertise pratique indispensable alors qu’elle est investie de la mission de prendre en compte les besoins et les intérêts du commerce international. De plus, il s’agit de s’assurer que l’ensemble des destinataires de ce droit harmonisé et uniformisé accepte plus facilement les instruments adoptés par la CNUDCI. En effet, en intégrant ces organisations dites « invitées » dans le processus normatif, la CNUDCI s’assure immédiatement du consensus le plus large possible de la communauté des marchands. Il ne faut pas oublier non plus que les Etats se sont, pendant une certaine période, désintéressés de toute intervention normative dans le droit commercial international, laissant les opérateurs privés quasiment se substituer à cette tâche a priori régalienne203.

51. Prenons l’exemple de la quarante-cinquième session de la CNUDCI qui s’est déroulée du 25 juin au 6 juillet 2012 à New York. Ont participé à cette session pour les organisations du système des Nations Unies : la Banque mondiale et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ; pour les organisations intergouvernementales : la Cour centraméricaine de justice, l’UNIDROIT, l’Organisation internationale de droit du développement (OIDD), l’Organisation mondiale des douanes (OMD) ; et pour les organisations non gouvernementales invitées : Association américaine du barreau (ABA), Association droit et méditerranée (Jurimed), Association européenne des étudiants en droit (ELSA), Association internationale du barreau, Association du barreau de la ville de New York (NYC Bar), Association du barreau de l’État de New York (NYSBA), Centre for International Legal Studies, Chambre de commerce internationale (CCI), Club d’arbitres de la Chambre d’arbitrage de Milan, Commercial Finance Association, Corporate Counsel International Arbitration Group, Forum for International Conciliation and Arbitration, International Insolvency Institute, International Law Institute (ILI), Moot Alumni Association et Vale Columbia Centre on Sustainable International Investment204. Ces organisations susmentionnées jouent un rôle majeur dans le cadre de la quarantième-cinquième session de la CNUDCI de 2012 dans la mesure où sont discutées notamment la finalisation et l’adoption

203 LOQUIN Eric et RAVILLON Laurence, « La volonté des opérateurs vecteur d’un droit mondialisé », in La

mondialisation du droit, Paris, Litec, 2000, Vol. 19, sous la direction de LOQUIN Eric et KESSEDJIAN

Catherine, Université de Bourgogne, CNRS, Travaux du centre de recherche sur le droit des marchés et des investissements internationaux, pp. 91-95.

204 V. Rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Quarantième-cinquième session, 25 juin-6 juillet 2012, New York, in Documents officiels de l’Assemblée générale,

Soixante-septième session, Supplément n° 17 (A/67/17), par. 8 : cette liste n’est pas exhaustive et le nombre varie selon les

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des recommandations visant à aider les institutions d’arbitrage et autres organismes intéressés en cas d’arbitrages régis par le Règlement d’arbitrage de la CNUDCI, tel que révisé en 2010205. Cette liste est néanmoins loin d’être figée. En effet, le nombre des organisations et associations qui participent à titre d’observateur aux sessions de la Commission et des Groupes de travail varie selon les années et les thèmes discutés. Aucun texte n’impose un nombre maximum ni même minimum. Cette participation souvent importante reflète autant l’intérêt que portent ces organisations aux travaux de la CNUDCI que de la volonté de celle-ci à rassembler l’expertise la plus approfondie. Elle démontre aussi le souci de ne pas enfermer le débat dans un cercle uniquement onusien mais bien ouvert aux réalités du commerce international. Toutefois, malgré une universalité appréhendée de manière large, les difficultés inhérentes à celle-ci peuvent surgir.

II. Les difficultés inhérentes à l’universalité de la composition de la CNUDCI

52. Si la volonté d’universalité se reflète dans la composition de la CNUDCI, elle se heurte néanmoins à deux éléments : tout d’abord, les intérêts propres à chaque Etat (A) et aux divergences entre les systèmes juridiques et économiques (B).