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CONCLUSION DU TITRE 1 :

Section 2 : L’internationalité des opérations

B. L’application du critère d’internationalité dans les textes de la CNUDCI

140. L’application du critère d’internationalité dans les textes de la CNUDCI repose sur une approche objective liée à la territorialité. En effet, il n’est pas fait référence à la volonté des parties qui, par conséquent, ne peuvent appliquer ou rejeter la qualification de leur opération. De plus, ni la nationalité des parties ni le caractère civil ou commercial de celles-ci ne sont retenus617. En revanche, la CNUDCI retient ainsi deux éléments principaux : l’établissement (1) et le lieu d’exécution (2).

1. L’établissement

141. La CNUDCI consacre dans ses instruments le critère de « l’établissement [des parties] dans des Etats différents » comme critère d’internationalité618. Autrement dit, l’internationalité de l’opération conditionne l’application des instruments. La notion d’établissement avait fait l’objet d’une définition dans les deux conventions de La Haye du 1er

juillet 1964 – la Loi uniforme de la vente internationale des biens mobiliers corporels

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V. par ex. des décisions rendues dans ce sens : CNUDCI, Décision 217 [Handelsgericht des Kantons Aargau, Suisse, 26 septembre 1997] ; CNUDCI, Décision 271 [Bundesgerichtshof, Allemagne, 24 mars 1999] et CNUDCI, Décision 333 [Handelsgericht des Kantons Aargau, Suisse, 11 juin 1999].

617 V. par ex. : art. 1er (champ d’application), par. 3, Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne – 1980).

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V. art. 2, Convention sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises (1974) : « Est

réputé avoir un caractère international si, au moment de la conclusion du contrat, l’acheteur et le vendeur ont leur établissement dans des Etats différents » ; v. art. 1er, alinéa 1er, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises (1980) : « La présente Convention s’applique aux contrats de vente de

marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des Etats différents » ; v. art. 2, a, Règles

uniformes relatives aux clauses contractuelles stipulant qu’une somme convenue est due en cas de défaut d’exécution (1983) : « Un contrat est considéré comme international si, au moment de la conclusion de ce

contrat, les parties avaient leur établissement dans des Etats différents » ; v. art. 1er, par. 3, Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (1985 – version amendée en 2006).

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(LUVI)619 et la Loi uniforme de la formation de la vente internationale de biens mobiliers corporels (LUFC)620 – qui avaient prévu un système tellement complexe qu’il ne fut pas, à juste titre, repris par la CNUDCI. En effet, celle-ci a privilégié une approche plus souple. Concernant la vente internationale de marchandises, ce critère peut apparaître simple surtout en comparaison avec les critères prévus dans les textes précédemment énoncés, il n’en demeure pas moins pertinent dans la mesure où, comme le souligne M. WITZ, « ce facteur s’accompagne généralement d’un mouvement de marchandises ou de l’utilisation de moyens de paiement internationaux »621, confirmant ainsi la dimension internationale de l’opération. C’est donc le mouvement entre deux points déterminés qui « internationalise » l’opération. Ce

619 V. spéc. art. 1er, Loi uniforme de la vente internationale des biens mobiliers corporels (LUVI) (1964) : « 1. La

présente loi est applicable aux contrats de vente d'objets mobiliers corporels passés entre des parties ayant leur établissement sur le territoire d'Etats différents dans chacun des cas suivants: a) lorsque le contrat implique que la chose fait, lors de la conclusion du contrat, ou fera l'objet d'un transport du territoire d'un Etat dans le territoire d'un autre Etat; b) lorsque les actes constituant l'offre et l'acceptation ont été accomplis sur le territoire d'Etats différents; c) lorsque la délivrance de la chose doit se réaliser sur le territoire d'un Etat autre que celui où ont été accomplis les actes constituant l'offre et l'acceptation du contrat. 2. Si une partie n'a pas d'établissement, sa résidence habituelle sera prise en considération. 3. L'application de la présente loi ne dépend pas de la nationalité des parties. 4. Dans les contrats par correspondance, l'offre et l'acceptation ne sont considérées comme accomplies sur le territoire d'un même Etat que si les lettres, télégrammes ou autres documents de communication qui les contiennent ont été expédiés et reçus sur le territoire de cet Etat. 5. Des Etats ne seront pas considérés comme «Etats différents» en ce qui concerne l'établissement ou la résidence habituelle des parties, si une déclaration à cet effet a été valablement faite en vertu de l'article II de la Convention du 1er juillet 1964 portant loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers corporels et qu'elle reste en vigueur. »

620 V. spéc. art. 1er, uniforme de la formation de la vente internationale de biens mobiliers corporels (LUFC) (1964) : « 1. La présente loi est applicable à la formation des contrats de vente d'objets mobiliers corporels

entre des parties ayant leur établissement sur le territoire d'Etats différents, dans chacun des cas suivants: a) lorsque l'offre ou la réponse implique que la chose fait ou fera l'objet d'un transport du territoire d'un Etat dans le territoire d'un autre Etat; b) lorsque les actes constituant l'offre et l'acceptation sont accomplis sur e territoire d'Etats différents; c) lorsque la délivrance de la chose doit se réaliser sur le territoire d'un Etat autre que celui où sont accomplis les actes constituant l'offre et l'acceptation du contrat. 2. Si une partie n'a pas d'établissement, sa résidence habituelle sera prise en considération. 3. L'application de la présente loi ne dépend pas de la nationalité des parties. 4. L'offre et l'acceptation ne sont considérées comme accomplies sur le territoire d'un même Etat que si les lettres, télégrammes ou autres documents de communication qui les contiennent sont expédiés et reçus sur le territoire de cet Etat. 5. Des Etats ne seront pas considérés comme "Etats différents" en ce qui concerne l'établissement ou la résidence habituelle des parties, si une déclaration à cet effet a été valablement faite en vertu de l'article II de la Convention du 1er juillet 1964 portant loi uniforme sur la formation des contrats de vente internationale des objets mobiliers corporels et qu'elle reste en vigueur. 6. La présente loi ne régit pas la formation des contrats de vente: a) de valeurs mobilières, effets de commerce et monnaies; b) de navires, bateaux de navigation intérieure et aéronefs enregistrés ou à enregistrer; c) d'électricité; d) par autorité de justice ou sur saisie. 7. Sont assimilés aux ventes, au sens de la présente loi, les contrats de livraison d'objets mobiliers corporels à fabriquer ou à produire, à moins que la partie qui commande la chose n'ait à fournir une partie essentielle des éléments nécessaires à cette fabrication ou production. 8. La présente loi est applicable sans égard au caractère commercial ou civil des parties et des contrats à conclure. 9. Les règles du droit international privé sont exclues pour l'application de la présente loi, sauf dans les cas où celle-ci en dispose autrement. »

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SCHLECHTRIEM Peter et WITZ Claude, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de

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mouvement est renforcé par l’adjonction du critère économique. Ni la Convention sur la prescription en matière de vente internationale de marchandises (1974) et ni la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises (1980) ne donnent une véritable définition de la notion d’« établissement ». Cette absence semble plutôt donner une certaine flexibilité consacrant ainsi l’autonomie de la volonté des parties. Néanmoins, la Convention sur l’utilisation des communications électroniques dans les contrats internationaux (2005) semble donner un début de réponse. En effet, il est indiqué que « le terme « établissement » désigne tout lieu où une partie dispose d’une installation non transitoire pour mener une activité économique, autre que la fourniture temporaire de biens ou de services, et à partir d’un lieu déterminé »622. La notion d’exercice d’activité économique de manière non transitoire se retrouve également dans la Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale (1997)623

. Cette solution est également celle retenue par l’article 4 du Règlement Rome I (2008). La doctrine s’accorde néanmoins sur les établissements ayant un caractère permanent et ayant leur propre indépendance. Sont ainsi rejetés de la définition les établissements temporaires624. En cas de pluralité d’établissements, la CNUDCI retient celui qui a les liens les plus étroits avec l’opération625

.

2. Le lieu d’exécution

142. LA CNUDCI a parfois recours au critère du lieu d’exécution pour déterminer l’internationalité de la relation. C’est ainsi que les Règles de Rotterdam prévoient que celles-ci seront applicables aux contrats de transport à partir du moment où le lieu de réception et le lieu de livraison ainsi que le port de chargement et le port de déchargement se trouvent dans des Etats différents626. A cela s’ajoute la condition selon laquelle l’un de ces lieux se trouve

622

Article 4, h, Convention sur l’utilisation des communications électroniques dans les contrats internationaux

623 V. art. 2 (définitions), alinéa f, Loi type de la CNUDCI sur l’insolvabilité internationale (1997).

624 Cass., Civ 1ère, 4 janvier 1995, D. 1995, 289 note Claude WITZ ; également cité dans V. SCHLECHTRIEM Peter et WITZ Claude, op. cit., par. 12, note de bas de page 4 : ainsi a-t-il été jugé qu’un bureau de liaison et de renseignements ne peut être assimilé à un établissement.

625 V. art. 1er (champ d’application), par. 4, Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (1985 – version amendée en 2006).

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V. art. 5 (Champ d’application général), par. 1, Convention des Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises effectué entièrement ou partiellement par mer (2009).

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dans un Etat contractant, nonobstant la nationalité des parties et du navire627. De même sera un transport international si le point de départ et le point de destination sont identifiés dans deux Etats différents628. En matière d’arbitrage commercial international, la Loi type de la CNUDCI élargit la notion d’internationalité au lieu de l’arbitrage, au lieu d’exécution du contrat ou le lieu avec lequel l’objet du différend a le lien le plus étroit629.

II. L’extension du critère

143. Deux situations illustrent le débordement du champ d’application des textes de la CNUDCI : dans le droit interne (A) et dans le domaine du droit international privé (B).