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CONCLUSION DU TITRE 1 :

Section 2 : L’internationalité des opérations

B. Le recours au droit international privé comme mécanisme correcteur de l’internationalité

1. Les règles de conflits de lois, support de la mise en œuvre des règles matérielles

148. Le recours par la CNUDCI aux règles de conflits intervient en réalité pour faciliter l’application du droit matériel. Elles deviennent dans ce contexte, selon Mme KESSEDJIAN, le « faire-valoir de la règle matérielle »642. Instituant ainsi une « double voie » comme l’observent MM. SCHLECHTRIEM et WITZ, la première constitue un rattachement direct ou méthode de la voie directe (critère objectif) tandis que la seconde, fondée sur l’intervention de règles de droit international privé, met en place un rattachement indirect (critère subjectif)643. L’insertion de ce dernier reflète, selon nous, la volonté de la CNUDCI d’encourager l’application la plus large possible d’un texte d’uniformisation du droit commercial international afin de répondre aux besoins et aux intérêts du commerce international644. Mme KESSEDJIAN considère d’ailleurs l’insertion de ce critère subjectif comme étant « l’archétype moderne de l’utilisation de la règle de conflit vers cette finalité [susmentionnée] »645. Aussi la Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (1985 – version amendée en 2006) indique-t-elle qu’à défaut de désignation de règles de droit applicable au fond du litige (critère objectif), « le tribunal arbitral applique la

642

Ibid.

643 SCHLECHTRIEM Peter et WITZ Claude, Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de

marchandises, op. cit. , par. 16-24.

644 Dans l’exemple de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne – 1980), il est important de rappeler que celle-ci interdit les réserves sauf celles expressément autorisées (art. 98), ce qui signifie que l’article 1er de la Convention ne peut être écarté par les Etats parties.

645 KESSEDJIAN Catherine, « Les règles de conflit de lois dans les textes de la CNUDCI », op. cit., pp. 80-87 : l’auteur indique que l’origine de ce critère se trouve dans la Convention portant loi uniforme sur la vente internationale des objets mobiliers corporels (LUVI) (La Haye – 1964).

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loi désignée par la règle de conflit de lois qu’il juge applicable en l’espèce » (critère subjectif)646. La détermination de la Lex contractus fait donc l’objet d’une certaine liberté par le critère du rattachement direct qui est, par ailleurs, reconnu au paragraphe premier de l’article 35 du Règlement d’arbitrage de la CNUDCI : « le tribunal arbitral applique les règles de droit désignées par les parties comme étant celles applicables au fond du litige », puis de prévoir un critère conflictualiste au paragraphe suivant : « à défaut d’une telle désignation par les parties, il applique la loi qu’il juge appropriée ». Ce mouvement n’est pas isolé en matière d’arbitrage commercial international car d’autres textes consacrent également ce principe : c’est notamment le cas à l’article 7, paragraphe 1 de la Convention européenne sur l’arbitrage commercial international (1961) ainsi que l’article 13, paragraphe 3 du Règlement de la Cour d’arbitrage de la CCI. L’insertion du droit international privé dans les textes de la CNUDCI peut se faire au travers de l’établissement d’un double critère quant au champ d’application de ceux-ci. C’est ainsi le cas de la Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne – 1980)647 et de la Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by (1995). Si ces deux conventions conditionnent leur application au fait que l’établissement des parties se trouve dans un Etat partie à celle-ci (condition somme toute traditionnelle lorsqu’il s’agit de déterminer le champ d’application d’une convention internationale)648

, elle le sera également « lorsque les règles de droit international privé mènent à l’application de la loi d’un Etat contractant »649. De même, l’insertion de règles de conflit de lois dans le Guide législatif de la CNUDCI sur les opérations garanties (2010) permet de s’assurer qu’une sûreté constituée valablement et opposable aux tiers selon les règles d’un Etat puisse également l’être dans un

646 V. art. 28 (règles applicables au fond du différend), par. 2, Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international (1985 – version amendée en 2006).

647

A noter que les Etats Unis ont expressément déclaré qu’ils ne sont pas liés par l’alinéa b du premier paragraphe de l’article premier de la Convention des Nations Unis sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne – 1980), à savoir : « […] lorsque les règles du droit international privé mènent à

l’application de la loi d’un Etat contractant » ; v. par ex. : WINSHIP Peter, « Should the United States

Withdraw its CISG Article 95 Declaration? », in State Department Advisory Committee on Private International

Law Annual Meeting, October 11-12, 2012, The Georg Washington University Law School, Washington, DC.

Conference Paper.

648 V. art. 1er (champ d’application), par. 1, alinéa a, Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne – 1980) et art. 1er (champ d’application), par. 1, alinéa a, Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by (1995).

649 V. art. 1er, par. 1, alinéa b, Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises (Vienne – 1980) et art. 1er (champ d’application), par. 1, alinéa b, Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by (1995).

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autre Etat, augmentant ainsi la sécurité juridique des opérations concernées650. Le recours par la CNUDCI aux règles de conflits de lois nous apparaît dès lors justifié dans la mesure où il contribue à faciliter la mise en œuvre de ses instruments en l’incorporant dans leur corpus.

149. On peut toutefois se demander quelle place prend le recours à la voie directe par rapport à une démarche purement conflictualiste. La première permet, a priori, d’éviter un recours au conflit de lois permettant ainsi de déterminer librement le droit applicable tout en confirmant le principe d’autonomie de la volonté. L’application de la Lex mercatoria s’y trouve par ailleurs renforcée651. Cette méthode se retrouve également en droit français dans l’article 1511 du nouveau Code de procédure civile : « le tribunal arbitral tranche le litige conformément aux règles de droit que les parties ont choisies ou, à défaut, conformément à celles qu’il estime appropriées »652

. Toutefois, à notre avis, les deux méthodes revêtent, certes à un degré différent, toutes deux une dimension conflictualiste. Malgré son caractère direct, l’utilisation de la première méthode entraîne inévitablement un raisonnement impliquant une démarche conflictualiste653. La détermination de la localisation en est l’origine. M. OSMAN considère en effet que « la méthode dite de la voie directe dès lors qu’elle implique la localisation du litige dans un système juridique donné, revêt, sans aucun doute, un caractère conflictuel » pour ensuite conclure que celle-ci « dans laquelle certains auteurs ont pourtant cru déceler une exception au procédé conflictuel, n’en est, en réalité, qu’une manifestation supplémentaire »654. Mais si les parties bénéficient du choix de la loi applicable, ce choix est restreint par la suite dans le cadre de la méthode conflictuelle. Mme KESSEDJIAN relève en effet que « cette mission conflictualiste confiée aux arbitres est révélée non seulement par le

650

V. BAZINAS Spyridon V., « Towards Global Harmonization of Conflict-of-Laws Rules in the Area of Secured Financing: The Conflict-of-Laws Recommendations of the UNCITRAL Legislative Guide on Secured Transactions », in A Commitment to Private International Law, Essays in honour of Hans van Loon, Un

engagement au service du droit international privé, Mélanges en l’honneur de Hans van Loon, Cambridge,

Intersentia, 2013, pp. 1-15.

651

DERAINS Yves, « Attente légitime des parties et droit applicable au fond en matière d’arbitrage commerce international », in Travaux du Comité français de droit international privé (1984-1985), Paris, éd. du C.N.R.S., 1987, pp. 81-92, v. plus spéc. p. 85.

652 Depuis le décret nº 2011-48 du 13 janvier 2011 (anciennement article 1496 du Code de procédure civile).

653

V. dans ce sens : BÜCHER Andréas, Le nouvel arbitrage international en Suisse, Bâle et Francfort-sur-le-Man, éd. Helfbung et Lichtenhahn, 1988, pp. 86-87 ; v. aussi RIGAUX François, « Les situations juridiques individuelles dans un système de relativité générale », R.C.A.D.I., 1989, Tome 213, Vol. I, n° 177, p. 253.

654

OSMAN Filali, Les principes généraux de la Lex mercatoria, Contribution à l’étude d’un ordre juridique

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fait qu’ils doivent parvenir à leur conclusion en utilisant une règle de conflits de lois, mais surtout par le fait que le texte vise une « loi », donc une norme juridique étatique et non pas n’importe quelle règle de droit comme les parties peuvent le faire »655

. Le recours à la méthode conflictuelle par la CNUDCI est bien présent qu’il soit direct ou indirect. Toutefois, celui-ci n’est pas complètement limité au fait de vouloir faciliter la mise en œuvre des textes concernés mais également au fait de compléter les règles matérielles qui ne peuvent, par nature être exhaustives.

2. Les règles de conflit de lois : complément et comblement des