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CONCLUSION DU CHAPITRE 1 :

Section 2 : Le mécanisme de prise de décision

B. Le consensus, mécanisme de prise de décision à la CNUDCI

88. Concernant la CNUDCI, toutes les décisions prises dans le cadre de la Commission sont adoptées par les Etats membres350. Autrement dit, sur la base de la Charte des Nations Unies, seuls les Etats membres ont le droit de vote351. Cela signifie que les Etats non membres et les observateurs assistant aux réunions ne peuvent participer au processus d’adoption. En revanche, il n’est pas exclu pour ceux-ci d’exprimer des avis lesquels peuvent être pris en compte par les Etats membres au moment de prendre position. Si la Commission utilise la pratique du consensus352, celle-ci n’a été officialisée qu’en 2010. C’est en effet à cette date qu’il a été clairement indiqué que : « la Commission est convenue qu’elle doit adopter dans la mesure du possible ses décisions par consensus ; en l’absence d’un consensus, les décisions doivent être prises par la voie d’un vote conformément aux articles pertinents du Règlement intérieur de l’Assemblée générale »353. A titre d’illustration, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a élevé le recours au consensus au rang de principe et celui du vote au rang d’exception lorsqu’aucun accord ne se dégage du premier système. En effet, le paragraphe premier de l’article IX (prise de décisions) de l’Accord instituant l’OMC dispose que celle-ci « conservera la pratique de prise de décisions par consensus suivie en vertu du GATT de 1947 ». Il est par ailleurs précisé que « l'organe concerné sera réputé avoir pris une décision par consensus sur une question dont il a été saisi si aucun Membre, présent à la réunion au

350 V. Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante‑cinquième session, Supplément n° 17 (A/65/17) (2010), Annexe III : Règlement intérieur et méthodes de travail de la CNUDCI, Relevé de conclusions, par. 1 ; v. aussi Nations Unies, Guide de la CNUDCI : l’essentiel sur la Commission des Nations Unies pour le droit

commercial, Publication des Nations Unies, Vienne, 2013, par. 14.

351 V. Question du droit de vote des Unions ou groupes d’Etats – Droit de la Communauté européenne à l’Assemblée générale, Lettre adressée au Directeur de l’Office des normes internationales et des affaires juridiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (29 septembre 1995), in Note explicative, Règlement intérieur, article 124 [82], disponible en ligne à l’adresse suivante : http://untreaty.un.org/ola/media/GA_RoP/FR/GA_RoP_FR.pdf (page consultée le 4 juillet 2013).

352 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixantecinquième session, Supplément n° 17 (A/65/17)

(2010), Annexe III : Règlement intérieur et méthodes de travail de la CNUDCI, Relevé de conclusions, par. 2 ; v. aussi Note du secrétariat, Règlement intérieur et méthodes de travail de la CNUDCI (A/CN.9/638/Add.4), section III, I.2. Prise de décisions au sein de la Commission.

353 Documents officiels de l’Assemblée générale, soixantecinquième session, Supplément n° 17 (A/65/17)

(2010), Annexe III : Règlement intérieur et méthodes de travail de la CNUDCI, Relevé de conclusions, v. plus spéc. par. 2 ; v. aussi Guide de la CNUDCI : l’essentiel sur la Commission des Nations Unies pour le droit

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cours de laquelle la décision est prise, ne s'oppose formellement à la décision proposée »354. On peut toutefois se demander si le choix du consensus n’a pas en réalité pour objectif d’aplanir les discussions et de faciliter, voire accélérer de manière pas toujours contrôlée, une prise de décision au détriment de la qualité du texte. M. QUIC DINH (et alii) considère ainsi que « [le système du consensus] présente l’inconvénient de traduire en général un compromis sur un désaccord »355. S’il constitue un instrument de dialogue teinté de renoncement dans la cadre d’une négociation difficile, l'adoption d’une décision ne sera alors acquise qu’en reflétant une certaine idée de renoncement.

89. La définition de consensus, n’étant pas suffisamment précise, a fait l’objet de demande d’éclaircissement au niveau même de la CNUDCI356

. Le choix de recourir à la méthode du consensus est privilégié par rapport à la méthode du vote afin de rendre « le texte acceptable par tous »357. On notera l’utilisation de « acceptable » et non « accepté », rejetant ainsi l’idée d’unanimité. Toutefois, un Etat ne peut opposer un véritable droit de veto. Il pourra, au mieux, exprimer au cours des réunions de la CNUDCI (notamment les groupes de travail et la session annuelle de la Commission) ses réticences face à l’opinion dominante. Les rapports de la CNUDCI mentionnent quant à eux expressément le recours au consensus concernant l’adoption de ceux-ci. Aussi est-il indiqué par exemple qu’« à ses 853ème

et 854ème séances, le 6 juillet 2007, la Commission a adopté le présent rapport par consensus »358. Ce même consensus est alors repris dans le texte même de l’instrument finalement adopté359. C’est le

354 Note de bas de page du paragraphe premier, Article IX, Accord instituant l’Organisation mondiale du commerce ; disponible en ligne, ainsi que l’ensemble des textes juridiques de l’OMC, à l’adresse suivante : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/legal_f.htm#wtoagreement (page consultée le 5 juillet 2013).

355 QUIC DINH Nguyen, DAILLIER Patrick, FORTEAU Mathias, et PELLET Alain, op. cit., par. 404.

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La délégation française a fait part de ses observations et de ses propositions sur les méthodes de travail de la Commission : Rapport de la Commission des nations pour le droit commercial international sur les travaux de sa quarantième session, Vienne, 25 juin-12 juillet 2007 (A/62/17 (Part I)) (2007), in Documents officiels de

l’Assemblée générale, soixantedeuxième session, Supplément n° 17, par. 234-241.

357 V. le site internet de la CNUDCI, A propos de la CNUDCI, Foire aux questions, Questions sur les méthodes de travail, Comment les décisions sont-elles prises à la CNUDCI : http://www.uncitral.org/uncitral/fr/about/methods_faq.html.

358

Rapport de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international sur les travaux de sa quarantième session Vienne, 25 juin – 12 juillet 2007 (A/62/17 (Part I)), in Documents officiels de l’Assemblée

générale, soixante-deuxième session, Supplément n° 17, par. 13.

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Les textes de la CNUDCI reflètent évidemment le consensus dans les règles d’harmonisation et d’unification de droit commercial international : v. les chapitres suivants de la présente thèse.

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cas, par exemple, de la Convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer (Règles de Hambourg – 1978) qui inclut un paragraphe à la fin du texte officiel « consensus adopté par la Conférence des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer » qui indique la responsabilité du transporteur repose sur le principe de la faute ou de la négligence présumée (le transporteur a la charge de la preuve, sauf mention expresse de la Convention)360.

90. La délégation française avait souhaité clarifier la notion de consensus afin de remédier à toute incertitude quant à son contour exact. Elle a proposé une définition a contrario de la notion en indiquant que « dans le cadre des travaux « législatifs » de la CNUDCI, il y aura lieu de considérer qu’il n’y a pas consensus : lorsqu’une simple majorité de délégués se prononcent pour une proposition tandis que plusieurs autres manifestent une opinion divergente ; lorsqu’une proposition mise en avant en tant que compromis par le président du Groupe de travail n’a pas recueilli l’approbation unanime des membres ; lorsqu’une objection formelle a été présentée par une délégation. Bien évidemment les avis exprimés par les observateurs, qu’il s’agisse d’États ou d’entités non étatiques, ne peuvent être pris en compte pour apprécier le degré d’approbation d’une proposition »361

. Si les doutes peuvent être évoqués, les avantages que procure le recours au consensus offrent la solution la plus raisonnable. Il confirme que la volonté des opérateurs économiques dans un contexte mondial doit se rechercher par le plus haut degré d’acceptation et non par une acceptation unanime. En effet, consciente des difficultés inhérentes aux débats dans les organisations internationales, la CNUDCI, sans doute déjà visionnaire avant l’heure, a choisi la voie de la souplesse. Le droit se teinte de diplomatie, certes, mais démontre la nécessité de faciliter l’adoption des instruments et des normes, en l’espèce, de la CNUDCI.

360

V. Convention des Nations Unies sur le transport de marchandises par mer (Règles de Hambourg – 1978), Publication des Nations Unies, 1994, p. 23.

361 Note du Secrétariat, Documents de l’Assemblée générale (A/CN.9/635), Commission des Nations Unies pour le droit commercial international, Quarantième session, Vienne, 25 juin-12 juillet 2007, Questions divers – Observations du Gouvernement français sur les méthodes de travail de la CNUDCI, par. 5.1 et 5.2.

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