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2 Des réactions païennes

Dans les villes aussi, on constate la permanence d'un avatar de culte païen au Ve siècle. En

451, un décret de Valentinien et de Marcien à Palladius, préfet du prétoire, doit ainsi interdire à nouveau : « que personne n'ouvre, dans le dessein de les honorer ou de les adorer, les temples des païens, qui ont déjà été fermés ; que l'honneur qui était anciennement rendu aux abominables idoles ne souille pas notre siècle ; car c'est un sacrilège d'orner les portes impies des temples, d'allumer des feux profanes sur ces autels, d'y brûler de l'encens, d'y égorger des victimes, d'y faire des libations

divines »491. Cette décision s'assortit de mesures répressives, une fois de plus, très dissuasives : le

contrevenant, de même que ses potentiels « complices » (conscii criminis), s'expose alors « à la perte de tous ses biens et au dernier supplice » (proscriptionem omnium bonorum suorum, et ultimum supplicium). L'existence d'une telle loi, et d'une sanction aussi sévère, ne saurait s'expliquer autrement que par la permanence et la récurrence d'une frange rétive de païens toujours déterminés à pénétrer des temples pourtant fermés pour y perpétuer le culte interdit.

D'autres exploitent aussi le fait que le statut de certaines fêtes, nées de traditions païennes mais toujours célébrées dans l'empire devenu chrétien, demeure ambigu. Si l'ancien culte, prolongé par attachement à la tradition romaine, semble à première vue dévitalisé de tout son sens religieux, il n'en reste pas moins qu'il conserve un caractère impie contre lequel l'Église s'emploie à lutter. Ainsi, pour inoffensives qu'apparaissent généralement les ultimes manifestations du paganisme à la fin de l'empire romain d'Occident, qu'on s'attache à présenter comme la pure perpétuation d'un souvenir, ou la seule marque d'un attachement à une tradition culturelle, en les ravalant au rang de gestes évidés de toute valeur sacrée et exécutés dans le cadre d'une coutume formelle ou folklorique, ces dernières survivances du culte traditionnel conservent néanmoins un caractère répréhensible aux yeux des autorités religieuses. Le précieux « dossier » de fêtes païennes réuni par Ramsay Mac Mullen dans le chapitre « ce qu'il en coûta aux persécutés » de son importante étude intitulée Christianity and Paganism in the Fourth to Eighth Centuries492 signale assez, par son

ampleur, la permanence des fêtes païennes traditionnelles dans toutes les sphères sociales, et pour

toute occasion. Nous n'en reprenons que quelques-unes, pratiquées encore dans la Gaule du Ve

491CI 1, 11, 7 : Nemo uenerantis adorantisque animo delubra, quae olim iam clausa sunt, reseret: absit a saeculo

nostro infandis exsecrandisque simulacris honorem pristinum reddi, redimiri sertis templorum impios postes, profanis aris accendi ignes, adoleri in iisdem thura, uictimas caedi, pateris uina libari et religionis loco existimari sacrilegium.

siècle : le calendrier de Polemius Silvius493, adressé – le fait peut paraître étonnant - à l'évêque

Eucher de Lyon, mentionne, entre 448et 449, les Caristia494, les Vulcania495, les veilles sacrées

célébrant le solstice d'été496,, les Liberalia, les Veneralia, les Cerealia, les Carmentalia, les

Quirinalia, les Terminalia, le Regifugium, les Quinquatria, la Pelusia, la Lauatio, le Natalis Urbis Romae, les Floria ou Floralia, les Volcanalia, et le Septimontium en même temps que les fêtes chrétiennes de Noël, de l'Epiphanie, de l'Eucharistie, de Pâques, de la déposition des apôtres Pierre

et Paul, des dies natales des martyrs Vincent, Laurent, Hippolyte, Étienne, et des Maccabées497. De

même sont célébrées, à quelques jours d'écart, les Lupercalia qui se tiennent le 15 février, et la déposition des saints Pierre et Paul, le 22 février498. Néanmoins, la célébration en l'honneur de

Magna Mater qui impliquait la flagellation des fidèles, et que Philocalus499 au siècle précédent

nommait du terme archaïque Sanguen le 24 mars, est remplacée, dans le calendrier de Polemius, par le jour natal du calice, natalis calicis : indice sans doute que cette fête s'est substituée complètement à l'ancienne. Des fêtes païennes et chrétiennes vont même jusqu'à se superposer : les ludi palatini se célèbrent en même temps que la célébration de saint Sébastien et de sainte Agnès, et d'autres fêtes commémoratives ont lieu pendant les ludi500. Or, ces célébrations ne sont pas ressenties comme

innocentes pour les autorités ecclésiastiques contemporaines. En 455, après le sac de Rome, le pape Léon se récrie contre des fêtes païennes, et se désole de voir les démons plus célébrés que les apôtres501. La fête des Lupercales, dans le même calendrier de Polemius Silvius, célébrée le 15

février en l'honneur du dieu Faunus, fait l'objet d'un interdit catégorique de la part du pape, qui les qualifie de praua et peruersa et profana et diabolica, « mauvaises, perverses, païennes et

diaboliques »502 dans sa lettre au sénateur et préfet de la ville Andromaque503, entre 489 et 495, ou

peut-être même un peu plus tôt504. Intéressons-nous un instant à cette polémique riche

493Calendrier publié dans CIL, I, 2 (1893), p. 254-279 et dans Degrassi 1963, p. 253-276.

494Elles consistaient en longs banquets animés de danses, et sont condamnées par le concile de Tours en 567. 495Paulin de Nole, carm. 32, 138-140, et Césaire d'Arles, sermo 192.

496Césaire d'Arles, sermo 33, 4.

497Dans Degrassi 1963, passim. Fraschetti 2000, p. 324, affirme lui aussi que ces cérémonies se sont maintenues, mais

pense que leur inscription au calendrier ne saurait être qu'un simple souvenir, comme des « antiquaria ».

498Toujours pratiqués en Gaule d'après le canon 23 du concile de Tours de 567, op.cit. 499Stern 1953.

500Fraschetti 2000, p. 323-326.

501Léon, sermo 85 (PL 54), 434. Cf. Fraschetti 2000, p. 318, n. 17. 502 Gélase, epist. ad Andromachus (Lettre contre les Lupercales), 18 , 8, 3.

503Pour l'identité d'Andromaque, manifestement magister officiorum, cf. McLynn 2008, p. 171, n. 60, et PLRE 2, s. v.

Andromachus 3, 89.

504 Pomarès 1959, p. 139-143, propose la date de 495. Duval 1977, p. 249, pense toutefois, en suivant Nautin (art.

Felix III, du Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, XVI, Paris, 1967, c. 894-895), que l'auteur de cette lettre contre les Lupercales n'est pas Gélase, mais son prédécesseur, Félix III, et avance la date de la lettre à une période antérieure à 489.

d'apprentissages.

Le contenu de la missive pontificale anticipe d'emblée les critiques potentielles que certains membres de l'aristocratie romaine pouvaient lui opposer, ce qui implique qu'il existait encore, de facto, des âmes récalcitrantes face à l'abandon de la religion païenne ; notamment, le pape Gélase, tenu pour l'auteur de cette lettre505, laisse la parole, virtuellement, à l'un de ces mauvais chrétiens qui

persiste, de façon d'ailleurs ostensible, à vouloir célébrer l'ancien culte – ici le sacrifice au dieu Februarius - , commettant un mélange des genres sacrilège que le prélat apparente à de l' « adultère» religieux. Il faut d'ailleurs préciser que cette lettre consiste en une réponse du pape à ses détracteurs qui, mécontents de se voir interdire l'exercice de ce culte auquel ils étaient manifestement

attachés506, lui reprochent alors sa propre négligence : le pontife avait en effet omis de punir un clerc

adultère. Or, Gélase va employer le même reproche pour le retourner contre ses adversaires, affirmant qu'ils sont eux-mêmes coupables d'une forme d'adultère « spirituel507 » et d'infidélité à

leur foi chrétienne :

Mais comment ne retombe-t-il pas dans cet état (scil. l'adultère spirituel) l'homme qui, tout en voulant paraître chrétien, en le professant, en le déclarant, cependant ne tremble pas, ne répugne pas, n'a pas peur de proclamer ouvertement et officiellement : « Les maladies viennent de ce qu'on n'honore pas les démons et qu'on ne sacrifie pas au dieu Februarius », à ce dieu chez qui il a puisé toutes ces folies ? Comment n'est-il pas prévaricateur, celui qui en arrive à ces blasphèmes de païen ? Comment ne passerait-il pas pour sacrilège, celui qui, ayant abjuré la providence et la puissance du Dieu unique, qu'il avait confessées, se laisse entraîner vers ces monstrueuses superstitions et la vacuité de ces représentations ?508

Cette amorce de la lettre contre les Lupercales appelle plusieurs remarques. Tout d'abord, le pape insiste sur la difficulté à comprendre, pour le chrétien qui a bel et bien fait profession de croire au Dieu unique, qu'il convient maintenant d'abandonner ses habitudes liées au culte polythéiste ; nous avons vu que le même type d'énoncé devait être publié dans les canons tourangeaux en 567. Il semble donc que le catéchuménat, ou l'enseignement préalable au baptême chrétien, ne persuade pas assez le fidèle de cesser de vénérer les anciennes divinités, qu'une frange de Gallo-romains devait continuer à honorer, notamment, comme c'est le cas ici, dans certains contextes critiques,

505Cette attribution à Gélase, parfois discutée, n'a toutefois jamais été définitivement écartée, comme le rappelle

McLynn 2008, p. 162.

506Pomarès 1959, p. 37.

507Gélase, op. cit. 18, 2 : … spiritalis adulterii genere transitur.

508Id., ibid., 3 : Quomodo autem non <in> hanc partem recidit qui, cum se christianum uideri uelit et profiteatur et

dicat, palam tamen publiceque praedicare non horreat, non refugiat, non pauescat ideo morbos gigni quia daemonia non colantur et deo Februario non litetur, ei deo ubi haec deliramenta compererit ? Quomodo praeuaricator non est, qui in has blasphemiae profanitates incurrit ?Quomodo sacrilegus non aestimetur, qui abiurata unius Dei prouidentia et potestate, quam confessus, ad prodigiosas superstitiones et uana figmenta seducitur ?

dans une perspective apotropaïque. Il semble donc bel et bien que plusieurs « forces divines »

coexistent dans la Rome de la fin du Ve siècle, et que les hésitations relatives au culte à pratiquer

demeurent, a fortiori lorsque les habitants se trouvent en proie à la maladie ou la famine, comme le

texte le suggère en évoquant la stérilité des terres509. D'ailleurs, le pape lui-même évoque cette autre

entité qui concurrence le dieu unique, sans craindre d'employer le même terme (deus), alors même qu'il dispose du synonyme, daemonium, employé pourtant dans les propos du Romain incrédule qu'il rapporte au discours indirect. D'autre part, le scandale réside vraisemblablement dans l'explicitation des doutes émis par ce dernier, qui les énonce palam publiceque, ouvertement et publiquement : le redoublement que contient cette formule signale bien que l'impiété naît en fait davantage de l'ostentation que de la seule intention de s'adonner au culte interdit ! Le sacrilège réside moins dans la démarche d'un potentiel sacrifice à Februarius que dans la manifestation publique des inquiétudes que ferait naître la négligence à l'égard d'un démon courroucé ; et de fait, il semble presque plus grave de formuler uiua uoce cette « superstition » que d'y croire in petto. Finalement, l'inquiétude et la perplexité exprimées par le pape concernent un laïc qui veut paraître chrétien (uideri uelit), et non qui est censé l'être : derrière cette formule, l'on est en droit de déceler le soupçon d'un prélat qui, désarmé face au secret des consciences, ne peut sonder les convictions religieuses privées de ses ouailles, qu'il sait encore faillibles. Enfin, dans un empire christianisé, il est à noter que Gélase se réfère encore massivement aux superstitiones et à la profanitas, termes qui désignent les croyances du paganisme : en l'occasion, l'existence du signifiant prouve assez, à notre sens, la survivance du signifié, d'autant plus que les adversaires de Gélase semblent être déterminés à voir ce culte se perpétuer510, craignant le châtiment de leur négligence511 .

La conclusion que tire le traducteur et commentateur de cette lettre aux Sources chrétiennes, Gilbert Pomarès, tend à minimiser l'importance de ce paganisme, en affirmant assez hâtivement que « le fait même que les chrétiens défendent les Lupercales est révélateur pour nous ; c'est le signe

509Ibid. 14 : sterilitas terrarum. Y.-M. Duval, art. cit., p. 256, convient ainsi qu' « il ne faut pas s'étonner […] que les

populations à peine christianisées de la fin du Ve siècle se soient tournées vers les Lupercales en leur demandant de

les arracher à la famine et de leur assurer de bonnes récoltes. »

510D'après Pomarès (ibid., p. 49), ils « essaient par tous les moyens de le faire revenir sur sa décision, de forcer la

consigne » .

511 D'ailleurs, un peu plus loin, Gélase répond encore à des objections similaires : pour ses adversaires, le dernier sac

de Rome pourrait être la conséquence de l'abandon du culte aux anciens dieux. C'est pourquoi Gélase réplique à ses détracteurs : Dicite nobis itaque, qui uoluntatem profanitatis habetis cuius causa asserere non potestis, qui tuendae

habetis propositum falsitatis quam defendere non potestis : quid dicturi estis de siccitate, de grandine, de turbinibus, de tempestatibus uariisque cladibus quae pro morum nostrorum qualitate proueniunt ? Numquidnam haec omnia pro sublatis Lupercalibus contigerunt an malis moribus castigandis meritis retributionibus inferuntur ?, « C'est pourquoi

dites-nous, vous qui voulez ce rite païen dont vous ne pouvez justifier les fondements, vous qui avez projet de protéger une erreur que vous ne pouvez pas défendre, que direz-vous de la sécheresse, de la grêle, des orages, des tempêtes et des maux divers qui nous viennent à cause de nos mœurs ? Est-ce que par hasard toutes ces choses sont arrivées à cause de la suppression des Lupercales, ou bien sont-elles appliquées en juste paiement pour châtier nos mauvaises mœurs ? » (id., ibid, 21).

que la fête avait à peu près tout perdu de sa signification religieuse pour n'être plus qu'une manifestation du folklore local ». À l'en croire, donc, Gélase aurait fait interdire les Lupercales au seul motif qu'elles représentaient « une grave occasion de scandale et de licence512 », et non par

parce qu'elles constituaient une fête païenne appréhendée par les autorités chrétiennes pour leur contenu religieux. Or, le texte, virulent et polémique, tend plutôt à suggérer l'exact contraire : en effet, si cette pratique était à ce point inoffensive, pourquoi Gélase mettrait-il en garde, de façon aussi récurrente, dans cette lettre ainsi que dans les messes qui la complètent, contre les dangers d'un tel sacrilège513 ?

Par ailleurs, l'existence de païens à Rome est encore suggérée, dans les propos du pape, par la décision suivante, qui suppose qu'il reste vraisemblablement des Romains non encore acquis à la cause chrétienne et fervents adeptes du paganisme :

Finalement, pour ce qui me regarde, qu'aucun baptisé, aucun catéchumène ne célèbre ce rite, mais que seuls les païens l'accomplissent, eux dont c'est le culte. Il me faut déclarer que, pour les catéchumènes, ces choses sont indubitablement dangereuses et funestes. Qu'as-tu à m'accuser si, ce qui n'est pas du tout détestable pour ceux qui en font profession, je déclare qu'il faut l'éloigner de ceux qui partagent la profession chrétienne ?514

Cette dernière distinction suppose nécessairement qu'il existe encore des consciences récalcitrantes, des pagani, dont il est ainsi admis qu'ils perpétuent leurs rites au moment où le pape rédige : l'usage du temps présent pour le verbe est, et non d'un temps passé, le signale avec éclat. À ces derniers, Gélase ordonne même, ironiquement, de persévérer dans l'erreur ! Enfin, il oppose précisément ces deux professiones qui cohabitent, celle des païens et celle qu'il prêche avec ses consortibus, indiquant que les deux forces demeurent en présence et continuent à s'opposer ; entre les deux catégories persistent les destinataires de cette lettre, que Gélase dit n'être « ni chrétiens, ni

païens »515 . On peut d'ailleurs mentionner une catégorie d'individus, dénoncés par Gélase, dont la

conscience, pleine d'ambivalence, est camouflée par la tromperie et la dissimulation : il est bel et

bien question de ces hommes duplici corde516, « cœurs doubles » tant dans cette lettre que dans les

512Pomarès, op. cit., p. 148.

513Les allusions très nombreuses au paganisme que recèlent ces oeuvres sont détaillées dans l'édition de Pomarès aux

Sources Chrétiennes (1959), p. 58-61.

514Gélase, op. cit., 18, 30 : Postremo, quod ad me pertinet, nullus baptizatus, nullus christianus hoc celebret, et soli

hoc pagani, quorum ritus est, exsequantur. Me pronuntiare conuenit christianis ista perniciosa et funesta indubitanter existere. Quid me incusas si quod professis minime inimicum est, a consortibus professionis christianae pronuntio submouendum ?

515Ibid., 19 : Dicite nobis, nec christiani nec pagani, […] qui tam utrumque tenere non potestis quam sibi utrumque

contrarium est... : « dites donc, vous qui n'êtes ni chrétien, ni païens, […] qui ne pouvez tenir les deux rôles tant ils

sont opposés l'un à l'autre... »

516Pomarès, op. cit.., p. 58, 13. Voir la recension des passages qui peuvent être attachés à ce thème de la dissimulation,

Messes.

Enfin, le pape qui publie ces lignes offre un ultime éclairage sur l'état de survivance de cette forme de paganisme dans la conclusion de sa lettre, où il évoque en ces termes l'interdiction dont il voudrait frapper définitivement les Lupercales :

Et cela, je suis porté à croire que mes prédécesseurs eux-mêmes l'ont peut-être fait, et qu'ils ont essayé auprès des empereurs de faire supprimer ces choses ; et c'est parce qu'on ne voit pas qu'ils aient été écoutés, puisque ces mauvaises coutumes durent encore aujourd'hui, c'est pour cela que le pouvoir impérial lui-même a sombré... 517

Ainsi, c'est avec la complicité du pouvoir impérial (peut-on y voir encore une allusion à Anthémius?) que les Lupercales, ultime avatar d'un paganisme moribond, ont continué à être célébrées, fait expliquant, d'une façon qui aurait pu agréer à Orose ou à Salvien, les malheurs de

l'empire. De la même façon, la lettre des Lupercales évoque, quoique plus incidemment518, la

perpétuation d'un autre culte païen prétendument aussi inutile que les Lupercales, mais que certaines circonstances ravivent, rendu cette fois-ci à Castor et Pollux. Reprenant l'argument de la vanité des rites aux dieux païens, le pape questionne :

Vos Dioscures eux, au culte desquels vous n'avez pas voulu renoncer, pourquoi ne vous ont-ils pas rendu les mers favorables pour que, durant la saison d'hiver, arrivent ici les navires chargés de blé, et que la Cité ne souffre pas de la disette ? Est-ce dans les jours qui suivront, en été, que cela se produira ? Ce bienfait ne provient que de Dieu, et non de la vaine persuasion des Castors519 .

C'est encore presque accidentellement que le pape atteste d'une autre forme de culte païen auquel les compères d'Andromaque sont attachés, puisqu'il désigne ces divinités à l'aide de l'adjectif possessif Castores uestri, « vos Castors » ; il semble par ailleurs qu'il aient opposé leur refus

(noluere) à une demande qui leur avait déjà été faite de se défaire de ce culte. Yves-Marie Duval520

conteste l'interprétation de Gilbert Pomarès, éditeur de ce texte, qui lit dans cette mention une simple allusion aux « divinités populaires » dont on retrouve la trace dans les jurons hercle, pol, edepol ou ecastor521 : et en effet, il nous paraît peu probable que le cultus dont il est question dans

517Gélase, op. cit.. 18, 31 : Quod etiam praecessores meos forsitan fecisse non ambigo et apud imperiales aures haec

summouenda temptasse et, quia auditos esse non constat dum haec mala hodie perdurant, ideo haec ipsa imperia defecerunt...

518Mais l'indication a bien été relevée par Duval 1977, p. 256 ; McLynn 2008, p.171 et Lizzi Testa 2010a, p. 275. 519Gélase, op. cit.. 18, 18 : Castores uestri certe, a quorum cultu desistere noluistis, cur uobis oportuna maria minime

praebuerunt, ut hiemis tempore uenirent huc nauigia cum frumentis et ciuitas inopia minime laboraret ? An diebus sequentibus hoc futurum est aestatis ? A Deo constitutum beneficium est, non Castorum uana persuasio. (Traduction

personnelle)

520 Duval 1977, p. 256.

les propos du pontife, et qui attise ainsi sa colère, corresponde à un usage purement trivial. Les Dioscures ou les Castors demeurent à cette époque les dieux qui protègent les navigateurs : Yves- Marie Duval indique précisément que la fête à laquelle il est fait référence ici, en l'honneur des Dioscures, « a lieu à Ostie le 27 janvier – trois semaines environ avant les Lupercales ». Or, celle-ci est toujours célébrée au milieu du Ve siècle522, puisqu'elle est mentionnée par le Calendrier de

Polemius Silvius, créé durant cette même période523 ainsi que dans la Cosmographie attribuée à