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de harcèlement sexuel

4. Réactions / Efficacité

La majorité des personnes harcelées sexuellement réagissent en ignorant le comportement ou en disant à l’auteur de cesser111. Si l’ignorance permet ra-rement de mettre un terme au harcèlement112 et contribue même parfois à

105 Ducret/Fehlmann, 1993, p. 23.

106 Gutek, 1985, pp. 46-48 ; Konrad/Gutek, 1986, p. 422 ; Emmenegger, 1999, p. 166 n. 535 ; Com-mission UE, 1999, pp. 5, 69.

107 Les femmes vulnérables socialement (permis de séjour de courte durée ou précaire, contrat de travail temporaire, niveau de formation bas) sont surtout confrontées aux contacts physiques imposés, aux avances, et au chantage sexuel. Les femmes qualifiées, détenant un poste à res-ponsabilité, sont les plus nombreuses à se plaindre de paroles déplacées (Ducret/Fehlmann, 1993, pp. 42-45).

108 Plus le harceleur occupe un poste élevé, plus il peut se permettre de procéder à un chantage sexuel, ou à des violences physiques (Ducret/Fehlmann, 1993, pp. 48-49).

109 Une étude zurichoise analysant le harcèlement sexuel dans deux universités et deux conser-vatoires de musique a mis en évidence l’influence du contexte organisationnel sur la forme du harcèlement sexuel (Dupuis/Emmenegger/Gisler, 2000, pp. 16-17). Les résultats de cette étude montrent notamment que le harcèlement sexuel se manifeste surtout par des attouchements physiques non désirés dans les écoles de musique, alors qu’il prend une forme plutôt verbale au sein des universités (Dupuis/Emmenegger/Gisler, 2000, pp. 139-140, 371-373).

110 Le matériel pornographique est particulièrement présent dans les services composés majoritai-rement par des hommes (Ducret/Fehlmann, 1993, p. 43).

111 Gutek/Koss, 1993, pp. 37-38. L’enquête menée à Genève révèle que 46% des femmes interrogées ont répondu verbalement, 21% ont ignoré la personne ou le geste, 18% ont réagi en plaisantant, et 17% sont restées froides (Ducret/Fehlmann, 1993, p. 50). Selon le Merit System Protection Board, 44% des victimes ont ignoré le harcèlement, 35% ont demandé à l’auteur du harcèlement de cesser son comportement, 28% ont évité le harceleur, et 15% ont fait preuve d’ironie (MSPB, 1994, p. 30). Les recherches menées au sein de l’UE révèlent que 30 à 51% des personnes harce-lées ont ignoré le comportement et 18 à 55% ont dit à l’auteur de cesser (Commission UE, 1999, pp. 5, 21-22).

112 Gutek/Koss, 1993, p. 39. L’étude effectuée à Genève relève que « dans 83% des cas, le compor-tement désagréable n’a pas cessé, même après la réaction de la victime ». « La plaisanterie, l’iro-nie ou le faire comme si de rien n’était semblent des moyens peu dissuasifs » (Ducret/Fehlmann, 1993, p. 52). Les enquêtes menées au sein de l’UE suggèrent qu’une réaction non intervention-niste ne porte pas ses fruits (Commission UE, 1999, pp. 21, 24).

empirer la situation113, la confrontation directe avec l’auteur s’avère plus ef-ficace114. Le fait de signaler le harcèlement à une personne susceptible d’in-tervenir compte aussi parmi les moyens les plus efficaces pour le faire ces-ser115. Seul un petit nombre de victimes s’adressent cependant à un supérieur hiérarchique ou à une personne de confiance désignée116. Très peu osent déposer plainte117. Les victimes de harcèlement sexuel considèrent fréquem-ment ce phénomène comme habituel118 ou sont trop stupéfaites pour réa-gir119. La crainte qu’une plainte puisse avoir des conséquences négatives sur le plan professionnel empêche aussi les personnes harcelées de se plaindre

113 Selon le Merit Board, le fait d’ignorer le comportement ne constitue pas une stratégie efficace et peut même empirer la situation (MSPB, 1994, p. 30).

114 Ducret/Fehlmann, 1993, p. 52 (« lorsque les femmes réagissent ouvertement et témoignent d’une façon ou d’une autre leur désaccord, le harceleur arrêtera plus facilement ») ; MSPB, 1994, pp. 31-32 ; Commission UE, 1999, p. 24.

115 Ducret/Fehlmann, 1993, p. 52 (qui mentionnent l’attitude froide et disante vis-à-vis de l’auteur, la plainte aux instances compétentes et la riposte au moyen d’une défense physique) ; MSPB, 1994, pp. 31-32 (« confronting the harasser or reporting the situation to a supervisor or other of-ficial are the best approaches »). La synthèse des études faites au sein de l’UE précise que l’aide informelle demandée à un supérieur hiérarchique pourra avoir des effets aussi bien positifs que négatifs en fonction de la réaction de ce dernier. De plus, l’intervention de personnes de confiance s’avère d’une utilité limitée lorsque l’auteur du harcèlement fait partie des échelons supérieurs de l’organisation (Commission UE, 1999, p. 24).

116 Un tableau récapitulatif des recherches menées au sein de l’UE montre que 3% des personnes harcelées ont parlé avec un « conseiller-confident ». 4 à 28% l’ont dit à un supérieur hiérarchique (Commission UE, 1999, pp. 21-22). Selon le Merit Board, 12% des personnes interrogées ont averti la hiérarchie (MSPB, 1994, p. 30).

117 Seul 8% des femmes interrogées à Genève se sont plaintes aux instances compétentes (Ducret, 1993, p. 50). Les recherches menées dans les Etats membres de l’UE aboutissent à des chiffres similaires, allant de 4 à 9% (Commission UE, 1999, pp. 21-22). Alors que 78% des personnes interrogées par le Merit Board déclarent connaître l’existence de procédures formelles en cas de harcèlement sexuel, seul 6% des victimes disent avoir intenté une action formelle (MSPB, 1994, p. 33). Le passage en revue de diverses études psychosociales montre que la réaction au harcè-lement sexuel de loin la moins fréquente consiste à déposer une plainte formelle contre l’auteur : voir la synthèse effectuée par Krieger (2001, pp. 181-183) qui renvoie notamment à Caroline C. Cochran, Patricia A. Frazier, & Andrea M. Olson (1997, « Predicators of Responses to Unwanted Sexual Attention », 21 Psychology Women Quarterly 207, 217), selon lesquelles 2% seu-lement des femmes harcelées utilisent le dispositif de plainte officiel, alors que 60% ignorent le comportement et 45% évitent le harceleur.

118 A Genève, 32% des femmes justifient leur manque de réaction au harcèlement sexuel par le fait « que le harcèlement sexuel est habituel, qu’il fait partie des rapports entre les hommes et les femmes, que les hommes sont ainsi, et que rien ne pourrait les changer », et 20% des femmes expliquent leur inaction par un sentiment de résignation (Ducret/Fehlmann, 1993, p. 51). 50% des personnes interrogées par le Merit System Protection Board ne se sont pas plaintes car elles considéraient que leur harcèlement n’était pas suffisamment sérieux (MSPB, 1994, p. 35).

119 24 % des femmes interrogées à Genève n’ont pas réagi par stupéfaction (Ducret/Fehlmann, 1993, p. 51). Aux Etats-Unis, 11% des victimes déclarent avoir été trop embarrassées, et 5% disent ne pas avoir su quelles actions entreprendre (MSPB, 1994, p. 35).

formellement120. Pareille crainte s’avère parfois fondée121. A cette peur s’a- joutent celles – en partie aussi justifiées122 – que personne ne les prenne au sérieux, qu’aucune mesure ne soit prise pour améliorer la situation ou que leur plainte ne soit pas traitée de manière confidentielle123. La croyance en l’efficacité de la procédure interne à l’entreprise joue un rôle important dans la décision de porter plainte124. Le climat régnant au sein de l’entreprise125 ou la gravité du harcèlement126 influence également les réactions des personnes harcelées. Enfin, les femmes qui conçoivent le harcèlement sexuel comme un instrument de domination ignorent moins souvent ce comportement que celles qui ne partagent pas cette analyse127.

120 Selon l’étude genevoise, 10% des femmes ont redouté des ennuis, 5% ont eu peur de la réaction de leurs supérieurs, et 3% ont craint de perdre leur emploi (Ducret/Fehlmann, 1993, p. 51). 29%

des employé-e-s du secteur fédéral américain ont pensé qu’une plainte pourrait nuire à leur si-tuation sur le lieu de travail, et 17 % ont considéré qu’elle affecterait leur carrière professionnelle (MSPB, 1994, p. 35).

121 Alors des études en Allemagne et au Royaume Uni ont montré que le fait de porter plainte a amélioré la situation dans environ 70% des cas (Commission UE, 1999, pp. 25, 79, 128), une étude autrichienne a fait le constat suivant : « La crainte des conséquences négatives que peut entraîner une plainte est réelle (…) Dix des femmes ont été licenciées alors que deux des auteurs du harcèlement seulement ont perdu leur emploi ; neuf femmes ont été transférées alors que trois hommes accusés de harcèlement sexuel seulement ont été forcés de changer de travail », Commission UE, 1999, p. 51. D’après l’enquête du Merit Board, 21% des personnes ayant porté plainte ont déclaré que celle-ci avait amélioré la situation, alors que 37% ont constaté une dété-rioration de la situation (MSPB, 1994, pp. 33-34). Gutek/Koss (1993, p. 40) constatent ainsi que si les stratégies interventionnistes semblent les plus efficaces pour faire cesser un harcèlement sexuel, elles risquent aussi d’entraîner des réactions hostiles à l’égard des femmes harcelées qui y ont recours.

122 Une étude autrichienne a constaté que près de la moitié des plaintes déposées par les femmes n’ont entraîné aucune modification de leur situation. Sur les 162 plaintes déposées, 24 seule-ment ont eu pour résultat un avertisseseule-ment ou une réprimande adressée à l’auteur du harcèle-ment (Commission UE, 1999, pp. 25, 51). Aux Etats-Unis, 42% des personnes interrogées par le Merit System Protection Board ont déclaré que leur plainte n’avait été suivie d’aucun changement (MSPB, 1994, p. 62).

123 La plupart des victimes de harcèlement ignorent le comportement par peur des conséquences négatives, et à cause de l’idée que leur plainte ne serait pas prise au sérieux (Commission UE, 1999, p. 21). Les personnes interrogées par le Merit System Protection Board n’ont pas agi en pen-sant que rien ne serait entrepris au sein de l’entreprise (20%), que leur cas ne serait pas traité de manière confidentielle (19%) et qu’elles ne seraient pas crues (8%) (MSPB, 1994, p. 35).

124 Comme le montre une étude de Laurie A. Rudman et al. (1995), « Suffering in Silence : Procedural Justice Versus Gender Socialization Issues in University Sexual Harassment Grievance Procedures », 17 Basic & Applied Psychology 519 , à laquelle se réfère Krieger, 2001, p. 185.

125 Gutek, 1985, pp. 112-128 ; Iberg, 1993, p. 29 ; Commission UE, 1999, p. 21 ; Messinger, 2000, pp. 7, 21.

126 Comme le soulignent Fitzgerald/Sawn/Fischer, 1995, p. 121 ; Gruber/Smith, 1995, pp. 552-553.

127 Gruber/Smith, 1995, p. 555.

5. Conséquences

Le harcèlement sexuel entraîne de graves conséquences pour ses victimes128. Il affecte, notamment, le bien-être et la santé des travailleuses129, leur motiva-tion et leur concentramotiva-tion au travail130, ainsi que leur vie familiale et sociale131. Le harcèlement nuit à la situation professionnelle des personnes harcelées132. Il implique, par ailleurs, des roulements de personnel et une détérioration du climat de travail qui coûtent chers aux entreprises et ont un impact né-gatif sur leur productivité133. A cela s’ajoutent des charges sociales impor-tantes résultant par exemple d’un chômage ou d’une incapacité de travail de longue durée134.

128 MSPB, 1994, p. 27. Selon Ducret/Fehlmann (1993, p. 54), 28% de femmes harcelées souffrent de conséquences importantes.

129 Gutek/Koss, 1993, pp. 32-35 ; Ducret, 2001, p. 40. A Genève, 26% des personnes interrogées ont déclaré être devenues beaucoup plus nerveuses, déprimées, anxieuses, instables, et 7%

ont souffert de crampes d’estomac, d’ulcères gastriques, de maux de dos, de migraines, et de troubles du sommeil (Ducret/Fehlmann, 1993, p. 54). Au sein de l’Union européenne, « plus de la moitié des travailleurs ont fait état de conséquences négatives pour leur bien-être per-sonnel ». En Allemagne, 80% des femmes harcelées ont noté des changements physiques ou psychologiques dus au harcèlement (Commission UE, 1999, pp. 6, 80).

130 Ducret/Fehlmann, 1993, p. 54 ; Commission UE, 1999, p. 7.

131 7% de femmes à Genève ont été incomprises par leur entourage, ou ont expérimenté une tension familiale accrue (Ducret/Fehlmann, 1993, p. 54). Voir aussi : Ducret, 2001, p. 41.

132 Gutek/Koss, 1993, pp. 31, 32 ; Ducret, 2001, pp. 39-40. Le Merit Board montre que les per- sonnes harcelées prennent des congés, parfois non payés, sont transférées, ou même licenciées (MSPB, 1994, p. 26). Selon l’étude européenne, « un tiers des travailleurs harcelés décrivent les effets négatifs sur leur travail en termes de démission, de réduction des tâches, de changement de poste et de conditions de travail moins bonnes » (Commission UE, 1999, p. 7).

133 Gutek/Koss, 1993, pp. 35-36 ; MSPB, 1994, pp. 23-26 ; Reinhart, 1999, p. 4 ; Ducret (1999, pp. 1-2 ; 2001, pp. 41-42) qui mentionne plus particulièrement la rotation du personnel, l’absen-téisme, la démotivation au travail et la baisse de productivité, les frais judiciaires et l’altération de l’image de marque. Une enquête réalisée en 2002 auprès de 3220 personnes en Suisse révèle que les victimes de mobbing sont absentes de leur travail presque deux fois plus souvent pour une durée « supérieure à trois jours » que leurs collègues non mobbés (SECO, 2003, pp. 27-28).

134 Ducret (2001, pp. 42-43) énumère par exemple les frais de consultation médicale qui contri-buent à augmenter les coûts de la santé. L’étude du SECO susmentionnée (n. 133) montre que les personnes mobbées se rendent nettement plus souvent chez le médecin que celles qui ne sont pas victimes de mobbing. En outre, la proportion de personnes mobbées qui doivent prendre des médicaments pour pouvoir affronter le quotidien est environ deux fois supérieure à celle des personnes non mobbées (SECO, 2002, pp. 27-28).

II. Notion de harcèlement sexuel à la lumière de