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Le laboratoire états-unien

G. Jurisprudence post-Ellerth / Faragher (1999-2001)

1. Admission large de la preuve libératoire

Les deux éléments de la preuve libératoire ont par exemple été considérés comme établis dans les affaires Caridad  v.  Metro-North467,  Brown  v.  Perry468,  Shaw v. AutoZone469, Montero v. AGCO470, Madray v. Publix471, Watkins v. Profes-sional472, Scrivner v. Socorro473, Savino v. C.P. Hall Co474.

a.     Caridad v. Metro-North

L’affaire Caridad475 portait sur le cas d’une électricienne afro-américaine qui alléguait avoir subi des attouchements sexuels non désirés de la part de son supérieur hiérarchique, ainsi que l’attitude hostile de ses douze collègues de sexe masculin. Caridad s’était plainte auprès du directeur du bureau de l’éga-lité des chances d’avoir été discriminée en raison de son sexe, sans toutefois spécifier avoir été victime de harcèlement sexuel476.

Selon le tribunal, les conditions du premier élément de la preuve libéra-toire sont remplies, puisque Metro-North possédait un règlement anti-harcè-lement sexuel instaurant une procédure de plainte, et que l’entreprise avait proposé à Caridad d’ouvrir une enquête interne et de la transférer dans un autre secteur afin de remédier aux comportements discriminatoires signalés.

L’arrêt rappelle, par ailleurs, qu’un employeur n’a pas à prouver que ses me-sures préventives ont empêché effectivement la survenance du harcèlement sexuel477. Il ne retient pas, en revanche, le fait que Caridad ait affirmé ne pas faire confiance au système de plainte instauré par son employeur et ait consi-déré que son transfert au sein d’une autre équipe majoritairement masculine n’était pas propre à résoudre son problème478.

Le second élément de la preuve libératoire est également admis. En effet, bien qu’il existe, sans aucun doute, plusieurs raisons pour lesquelles une

em-467 Caridad v. Metro-North Commuter Railroad 191 F. 3d 283 (2d Cir. 1999).

468 Brown v. Perry 184 F. 3d 388 (4th Cir. 1999).

469 Shaw v. AutoZone 180 F. 3d 806 (7th Cir. 1999).

470 Montero v. AGCO Corp 192 F. 3d 856 (9th Cir. 1999).

471 Madray v. Publix Supermarkets, Inc. 208 F. 3d 1290 (11th Cir. 2000).

472 Watkins v. Professional Security Bureau Ltd. LEXIS 29841 (4th Cir. 1999).

473 Scrivner v. Socorro Independant School District 169 F. 3d 969 (5th Cir. 1999).

474 Savino v. C.P. Hall Co. 199 F. 3d 925 (7th Cir. 1999).

475 191 F. 3d 283 (2d Cir. 1999).

476 Idem, p. 290.

477 Idem, p. 295.

478 Idem, p. 290.

ployée victime de harcèlement sexuel éprouve des réticences à se plaindre, le comportement de Caridad n’était pas dû à une crainte vraisemblable de ne pas être prise au sérieux et de subir des mesures de représailles, mais plutôt à une crainte de la réaction de ses collègues479.

b.     Brown v. Perry

Détective au sein de l’Army  and  Air  Force  Exchange  Service  (AAFES), Wendy  Jo Brown a intenté une action contre le U.S. Department of Defense en raison des attouchements sexuels que lui avait imposé un de ses supérieurs hiérar- chiques au terme d’une réunion professionnelle informelle organisée par celui-ci dans sa chambre d’hôtel480. Un épisode similaire s’était déjà produit, six mois plus tôt, lors d’une réunion précédente dans le même hôtel481.

Selon le tribunal d’appel, l’AAFES avait pris les mesures préventives que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle, puisqu’il n’existait aucune preuve que son règlement anti-harcèlement sexuel n’était pas efficace et qu’un des supérieurs hiérarchiques auquel Brown s’était confiée, suite aux premiers at-touchements, l’avait assurée de son soutien et lui avait conseillé de contacter le bureau de l’égalité des chances. Les juges soulignent que le droit exige de l’employeur qu’il adopte un comportement raisonnable, mais ne lui impose pas d’être clairvoyant ou omnipotent. Dans le cas d’espèce, l’AAFES a remédié de manière adéquate au harcèlement sexuel, en interdisant au supérieur hié-rarchique d’entrer en contact avec la plaignante durant l’enquête interne, puis en le suspendant de ses fonctions pendant 30 jours à l’issue de celle-ci482.

Le tribunal admet, par ailleurs, que les conditions du second élément de la preuve libératoire sont également réunies, puisque la plaignante n’a pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter l’atteinte résultant du harcè-lement sexuel. En effet, six mois après que son supérieur hiérarchique lui ait, pour la première fois, fait des avances sexuelles, la plaignante est volontaire-ment restée seule avec lui dans sa chambre d’hôtel, après avoir passé la soirée à boire des verres en sa compagnie483.

479 Idem, p. 295.

480 184 F. 3d 388 (4th Cir. 1999).

481 Idem, pp. 390-393.

482 Idem, pp. 396-397.

483 Idem, p. 397.

c.     Shaw v. AutoZone

L’affaire Shaw484portait sur la plainte d’une assistante de direction qui al-léguait avoir été soumise au harcèlement sexuel verbal de son supérieur hiérarchique485.

Les juges d’appel expliquent que, puisque l’employeur avait distribué à chaque membre de son personnel un règlement interdisant, de manière claire, le harcèlement sexuel et prévoyant différents mécanismes de résolu-tion et que, de surcroît, plusieurs sessions de formarésolu-tion sur le harcèlement sexuel avait été organisées au sein de l’entreprise, le premier élément de la preuve libératoire doit être admis et ce, alors même que la plaignante n’avait en réalité pas lu le règlement486. L’employeur ayant pris les mesures néces- saires pour que la plaignante soit en mesure de prendre connaissance du rè-glement, le tribunal considère que « even if Shaw did not have actual knowledge of  the policy, she had constructive knowledge of the anti-harassment policy »487.

En outre, puisque la victime n’a pas utilisé la procédure de plainte in-terne, on ne pouvait attendre de l’employeur qu’il prenne des mesures répres-sives488. Le second élément de la preuve libératoire est également établi. Le fait de ne pas se sentir à l’aise ne justifie pas, en effet, le fait de ne pas utiliser le mécanisme de plainte mis à disposition par l’employeur. Selon le tribunal,

« an employee’s subjective fears of confrontation, unpleasantness or retaliation do not  alleviate the employee’s duty under Ellerth to alert the employer to the allegedly hos-tile environment »489.

d.     Montero v. AGCO 

Les magistrats de l’affaire Montero490 ont considéré que les conditions du premier élément de la preuve libératoire étaient réunies. L’employeur était parvenu à prouver qu’il possédait un règlement anti-harcèlement sexuel complet et que ce règlement était largement diffusé au sein de l’entreprise.

De plus, dans les onze jours qui avaient suivi la plainte de Montero, la direc-trice des ressources humaines avait mené une enquête, licencié un supérieur hiérarchique, et pris des mesures disciplinaires à l’encontre de deux autres membres du personnel491.

484 180 F. 3d 806 (7th Cir. 1999).

485 Idem, pp. 809-810.

486 Idem, pp. 811-812.

487 Idem, p. 812.

488 Idem.

489 Idem, p. 813.

490 192 F. 3d 856 (9th Cir. 1999).

491 Idem, pp. 862-863.

Le second élément de la preuve libératoire a aussi été admis, puisque Montero avait attendu plus de deux ans avant de se plaindre, malgré sa bonne connaissance de la procédure interne et les nombreux entretiens télépho- niques qu’elle avait eu avec la directrice des ressources humaines avant de déposer plainte492.

e.     Madray v. Publix

Après avoir souligné qu’il n’existe pas de test uniforme permettant de dé-terminer dans quelle mesure un employeur a fait preuve de diligence et que seul un examen des circonstances particulières à l’entreprise permet d’établir si celui-ci a pris les mesures préventives qui pouvaient raisonnablement être exigées de lui, les magistrats de l’affaire Madray ont jugé que le magasin Publix  était en mesure de fournir le premier élément de la preuve libératoire493. En effet, Publix possédait un règlement anti-harcèlement sexuel qui prévoyait différentes possibilités de porter plainte et désignait comme responsables des personnes extérieures à la hiérarchie de l’entreprise494. Le tribunal relève par ailleurs que Publix ne peut être considéré comme ayant eu connaissance du harcèlement sexuel qu’à partir du moment où les deux plaignantes se sont adressées à une personne identifiée par le règlement d’entreprise. On ne pou-vait attendre de lui qu’il prenne des mesures pour remédier au harcèlement avant le dépôt formel de la plainte auprès d’un responsable agréé495.

Enfin, selon le tribunal, le fait que les victimes aient choisi de se confier à trois supérieurs hiérarchiques non désignés par l’entreprise pour recevoir leur plainte, alors même qu’elles avaient connaissance de la procédure mise sur pied par Publix, dénote un manque de coopération de leur part et autorise l’employeur à se prévaloir du second élément de la preuve libératoire496.

f.     Watkins v. Professional Security 

ictime d’un viol et d’attouchements sexuels non désirés de la part de son supérieur hiérarchique alors qu’elle travaillait comme agente de sécurité chez Professional Security Bureau (PBS), Watkins est licenciée lorsqu’elle annonce son intention de déposer plainte pour harcèlement sexuel497.

492 Idem.

493 208 F. 3d 1290 (11th Cir. 2000).

494 Idem, pp. 1298-1299.

495 Idem, pp. 1299-1301.

496 Idem, pp. 1301-1302.

497 LEXIS 29841 (4th Cir. 1999), pp. 2-6.

D’après le tribunal, PBS est en mesure de fournir les deux éléments de la preuve libératoire498. Les juges reprochent à Watkins de ne pas avoir signalé le viol dont elle a été victime, malgré l’existence d’un règlement d’entreprise l’encourageant à entrer en contact avec le directeur des ressources humaines, puis d’avoir manifesté, à plusieurs reprises, son désir de ne pas poursuivre ses accusations à l’encontre de son supérieur hiérarchique499.

g.     Scrivner v. Socorro 

L’école Socorro est parvenue à renverser sa présomption de responsabilité dans le cadre d’une action intentée par une enseignante en raison de l’envi-ronnement de travail hostile que le doyen de l’école lui avait infligé500. Après avoir reçu une lettre anonyme dénonçant l’attitude du doyen, l’école avait en effet mené une enquête approfondie à l’issue de laquelle l’auteur avait fait l’objet d’un avertissement, puis avait été transféré à un autre poste. A cela s’ajoutait le fait que l’enseignante ne s’était pas comportée de manière rai-sonnable, puisque celle-ci non seulement ne s’était pas plainte, mais avait de surcroît déclaré aux personnes chargées d’enquêter à ce sujet qu’elle n’avait fait l’objet d’aucun harcèlement501.

h.     Savino v. C.P. Hall Co. 

Le tribunal saisi de l’affaire Savino502 a jugé que l’entreprise de produits chi- miques pour laquelle la plaignante travaillait avait fait preuve de la diligence nécessaire en transférant l’auteur du harcèlement, puis en le suspendant de ses fonctions. De plus, cette dernière n’aurait pas dû attendre quatre mois avant de se plaindre pour la première fois à une personne autre que l’auteur503.