• Aucun résultat trouvé

de harcèlement sexuel

A. Inégalités entre sexes sur le marché suisse du travail

La présente étude s’intéresse au harcèlement sexuel dans la mesure où il est en relation avec les discriminations sexuelles caractérisant le lieu de travail.

Afin de situer le harcèlement sexuel dans son contexte, il convient d’examiner les inégalités entre sexes existant de manière générale sur le marché suisse du travail (A), avant d’étudier plus particulièrement l’expérience des femmes en matière de harcèlement sexuel en Suisse et à l’étranger (B).

A. Inégalités entre sexes sur le marché suisse du travail

L’enquête suisse sur la population active, réalisée chaque année par l’Office fédéral suisse de la statistique, permet de brosser un rapide tableau des inéga-lités de traitement entre les sexes présentes sur le marché suisse du travail.54

1. Moindre participation des femmes à la vie professionnelle

Alors que le taux d’activité professionnelle des femmes augmente réguliè-rement depuis les années septante55, celles-ci participent encore dans une moindre mesure que les hommes à la vie professionnelle active. Selon l’Office fédéral de la statistique, 59% de la population féminine, âgée de quinze ans ou plus, exerce une activité professionnelle ou est en quête d’emploi, alors que le taux d’activité de la population masculine s’élève à 77%56. De plus, les femmes sont davantage touchées par le chômage que les hommes57.

54 Les données ainsi récoltées ont notamment été analysées dans une publication intitulée « Vers l’égalité : La situation des femmes et des hommes en Suisse. Troisième rapport statistique » da-tant de 2003, ainsi que dans un dépliant du même nom paru en 2004. Cf. aussi Bühler Elisabeth, Heye Corinna (2005), Recensement fédéral de la population 2000, Avancée et stagnation dans la problématique de l’égalité entre hommes et femmes de 1970 à 2000, Neuchâtel, OFS.

55 OFS, 2003, pp. 37-38 ; Bühler/Heye, 2005, pp. 22-24.

56 OFS, Vers l’égalité ?, 2004. L’enquête suisse sur la population active 2004 relève un taux d’actifs occupés de 56,3% pour les femmes et de 73% pour les hommes (OFS, 2004, ESPA, pp. 16-17).

57 OFS, 2003, pp. 48-49 ; Bühler/Heye, 2004, pp. 39-40. Selon l’enquête suisse sur la population active 2004, le taux de sans-emploi s’élève à 4,7% chez les femmes et à 3,9% chez les hommes (OFS, 2004, ESPA, pp. 16-17).

2. Ségrégation verticale

Par « ségrégation verticale », on entend la sur-représentation des femmes aux échelons inférieurs de la hiérarchie, et inversement leur sous-représentation aux échelons supérieurs, quel que soit le secteur professionnel58. Les femmes sont bien plus nombreuses que les hommes à travailler comme salariées, sans fonction dirigeante, et sont nettement sous-représentées dans les fonctions à responsabilité59.

3. Ségrégation horizontale

L’expression « ségrégation horizontale » désigne la répartition non uniforme des femmes et des hommes dans les différents métiers ou secteurs profes-sionnels60. Les femmes sont majoritaires dans la santé et les activités so- ciales, dans l’hôtellerie et la restauration, dans l’enseignement, ainsi que dans le commerce et les réparations61. Elles sont extrêmement sous-représentées dans les professions de la construction, dans l’agriculture et dans la sylvicul-ture, ainsi que dans les industries manufacturières62. Malgré l’évolution vers une plus grande égalité des chances au niveau de la formation, un énorme clivage subsiste au niveau du choix d’un métier ou d’une filière d’études : les hommes se tournent plus souvent vers le bâtiment, la métallurgie et l’indus-trie des machines ou encore vers l’indusl’indus-trie du bois, tandis que les femmes continuent à préférer les soins corporels et les soins médicaux63.

4. Modalités d’emploi atypiques

Parmi les femmes professionnellement actives, 56,9% exercent une activité professionnelle à temps partiel, contre seulement 11% des hommes64. Le tra-vail rémunéré des femmes s’exerce très souvent selon des modalités que l’on nomme atypiques (le travail « typique » se rapportant au poste de travail fixe et à plein temps), telles que le travail à temps partiel, à domicile ou les em-plois temporaires65. Le travail à temps partiel est ainsi une caractéristique

58 Jobin, 1995, p. 60.

59 OFS, 2003, pp. 40-41 ; OFS, 2004, ESPA, pp. 9-10 ; Bühler/Heye, 2004, p. 32.

60 Jobin, 1995, p. 60.

61 OFS, 2003, p. 40.

62 OFS, 2003, pp. 40-41.

63 OFS, 2003, p. 26 ; OFS, Vers l’égalité ?, 2004.

64 OFS, 2004, ESPA, p. 8.

65 OFS, 1993, p. 47.

de la vie professionnelle des femmes. Il est souvent synonyme de condi-tions d’emploi précaires, d’une protection sociale et juridique insuffisante, ainsi que d’obstacles à une formation continue et à la réalisation d’une véri- table carrière66.

Ces modalités d’emploi atypiques renforcent la ségrégation profession-nelle verticale et horizontale des femmes. Les tâches de direction sont en effet difficilement compatibles avec le temps partiel67. De plus, le temps par-tiel est surtout répandu dans l’enseignement, la santé et les activités sociales – branches qui comptent une proportion élevée de professions sociales68.

5. Inégalités salariales

La ségrégation professionnelle verticale, horizontale et selon les modalités d’emploi, a des répercussions sur la rémunération des femmes qui demeure en moyenne inférieure à celle des hommes. En 2004, les femmes ont gagné en moyenne 19,7% de moins que les hommes69. La particularité des emplois féminins – comme les longues interruptions pour des motifs familiaux, qui influent sur les années de service et sur l’expérience professionnelle – en-traîne des différences salariales entre les sexes70.

A cela s’ajoute une discrimination salariale au sens étroit du terme, puis-que même lorsqu’elles ont une formation et une situation équivalente à celles des hommes, les femmes restent désavantagées71. Une analyse comparative des salaires entre les hommes et les femmes montre que la formation, l’expé-rience et le statut professionnel sont davantage pris en compte dans la négo-ciation du salaire des hommes que dans celui des femmes72. En outre, alors

66 OFS, 2003, pp. 37, 42 ; OFS, Vers l’égalité ?, 2004.

67 Comme le montre par exemple une étude sur le travail à temps partiel en Suisse (analysant les données de l’enquête suisse sur la population active 2001), diffusée en 2003 par le Bureau fédé-ral de l’égalité : Strub, 2003, pp. 28-29.

68 Strub, 2003, pp. 24-25 (source ESPA 2001).

69 OFS, 2005, p. 7.

70 OFS, 2003, pp. 51, 56 ; OFS, Vers l’égalité ?, 2004.

71 La différence de salaire tend à s’accroître avec l’augmentation du niveau de qualification. L’enquête suisse sur la structure des salaires 2002 relève un écart de 22% entre les hommes et les femmes disposant d’une formation universitaire. La différence la plus basse (8%) se retrouve chez les per-sonnes possédant un brevet d’enseignement (OFS, 2004, ESS 2002, pp. 29-30). Voir aussi : OFS, 2003, p. 56 (source ESS 1994-2000) ; OFS, Vers l’égalité ?, 2004 (montrant que pour une femme cadre moyen ou supérieur la différence salariale est plus élevée que pour une femme cadre de base).

72 Analyse effectuée par Yves Flückiger et José Ramirez sur la base des enquêtes sur la structure des salaires 1994 et 1996. Une année d’expérience accroît par exemple le salaire des femmes de 2,2%, alors que celui des hommes augmente de 2,5% (OFS / BFEG, 2000, pp. 16, 18, 26). L’étude montre que certains paramètres, comme les années d’ancienneté, sont à l’inverse moins favo- rables aux hommes qu’aux femmes (OFS / BFEG, 2000, pp. 16, 26).

qu’un homme marié gagne plus qu’un homme célibataire dans la même situa-tion, le constat inverse vaut pour les femmes73. Environ 60% de la différence moyenne totale des salaires entre les femmes et les hommes sont dus à la prise en compte de facteurs discriminatoires lors de la fixation du salaire74.

B. Réalité du harcèlement sexuel en Suisse et