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femmes et hommes

D. Eléments de distinction avec le mobbing

1. Définition légale

Alors que le harcèlement sexuel est désormais défini par la loi sur l’égalité, il n’existe en revanche aucune définition légale du mobbing en Suisse935. A l’instar de Waeber936, le Tribunal fédéral utilise indifféremment les termes de

« mobbing » et de « harcèlement psychologique »937. Un arrêt du 20 juin 2003 donne la définition suivante :

« Le harcèlement psychologique, appelé aussi mobbing, se définit comme un enchaînement de propos et/ou d’agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail938. »

La définition retenue par les juges fédéraux s’inspire notamment des travaux de Heinz Leymann, psychologue allemand installé en Suède, qui introduisit dans les années quatre-vingt le concept de mobbing pour décrire les

933 Le mot « mobbing » vient de l’anglais « to mob » : houspiller, attaquer, malmener, assiéger. Une enquête réalisée en 2002 par le Secrétariat d’État à l’économie auprès de 3220 personnes en Suisse, montre que 245 d’entre elles (7, 6%) ont vécu des situations professionnelles qui entrent dans la définition du mobbing utilisée (SECO, 2003, p. 7).

934 Geiser (2001, p. 435) précise que l’art. 328 CO s’applique aussi bien aux cas de harcèlement sexuel qu’à ceux de mobbing.

935 Il en va différemment en France où les art. L. 122-49 du code du travail et 222-33-2 du code pénal qualifient de harcèlement moral des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dé-gradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité d’une personne, d’altérer sa santé physique ou mentale, ou de compromettre son avenir professionnel (dispositions introduites par les art. 169 et 170 du chapitre IV du Titre II de la loi de « modernisa-tion sociale » du 17 janvier 2002, parue au Journal officiel du 18 janvier, numéro 15 p. 1008).

936 Waeber (1998, p. 792) traduit le terme anglais « mobbing » par « harcèlement psychologique ».

Voir aussi : Brunner/Bühler/Waeber/Bruchez, 2004, n° 7 ad art. 328 CO.

937 La psychiatre française M.-F. Hirigoyen préfère parler de « harcèlement moral », qu’elle définit (2001, p. 18 ; 2002, p. 11) comme « toute conduite abusive (geste, parole, comportement, attitude…) qui porte atteinte par sa répétition ou sa systématisation, à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne, mettant en péril l’emploi de celle-ci ou dégradant le climat de travail. »

938 Arrêt du Tribunal fédéral du 20 juin 2003, n. p., cons. 4.2 (auquel se réfère notamment un arrêt ultérieur du 13.10.04, n. p. cons. 3.1.), qui reprend la définition élaborée par Waeber (1998, p. 792). Une décision rendue par la Commission fédérale de recours en matière de personnel fédéral le 15.7.03 (n. p., p. 7, cons. 3c) retient la même définition.

formes sévères de harcèlement dans les organisations939. Selon lui, ce concept

« définit l’enchaînement, sur une assez longue période, de propos et d’agisse-ments hostiles, exprimés ou manifestés par une ou plusieurs personnes en-vers une tierce personne (la cible) »940. Leymann répertoria 45 agissements de mobbing, répartis en cinq catégories941. A ce sujet, il explique : « Pour les be-soins statistiques de nos recherches, nous nous devions de fixer des normes précises. Nous avons (…) décidé qu’il y avait mobbing lorsqu’un ou plusieurs des quarante-cinq agissements définis (…) se répétaient au moins une fois par semaine et sur une durée minimale d’une demi-année942. »

2. Fréquence

Sans reprendre les exigences de fréquence hebdomadaire et de durée d’au moins six mois posées par Leymann pour des raisons statistiques943, la juris-prudence susmentionnée du Tribunal fédéral précise néanmoins :

« Par définition, le harcèlement psychologique est constitué par un enchaîne-ment de propos et/ou d’agisseenchaîne-ments hostiles, répétés de manière fréquente et durable. A contrario, le mobbing ne saurait résulter d’un seul acte hostile ou de quelques comportements isolés, même si ces derniers causent un pré-judice ou constituent une véritable atteinte à la personnalité du travailleur.

Ainsi, il n’est pas arbitraire de considérer qu’un seul acte hostile, ni même deux, ne suffisent pas à former un tel enchaînement, partant un harcèlement psychologique944. »

Après s’être demandé quel nombre d’actes pourrait donc suffire pour que l’on puisse parler de harcèlement psychologique945, Wennubst rappelle,

939 A ce sujet : Hirigoyen, 2001, p. 93 ; 2002, p. 9.

940 Leymann, 1996, p. 27.

941 Leymann, 1996, pp. 28-41. La liste qui suit n’est pas exhaustive : 1. Empêcher la victime de s’ex-primer (interrompre, hurler, critiquer, menacer, refuser le contact, ignorer la présence) ; 2. Isoler la victime (ne plus lui parler, lui attribuer un poste qui l’éloigne de ses collègues, interdire aux collègues de lui parler, nier sa présence) ; 3. Déconsidérer la victime auprès de ses collègues (médire, calomnier, se moquer, injurier, attaquer ses convictions, contester ses décisions) ; 4.

Discréditer la victime dans son travail (priver de toute occupation, contraindre à des tâches inu- tiles, humiliantes ou sans cesse nouvelles) ; 5. Compromettre la santé de la victime (contraindre à des travaux dangereux, occasionner des frais à la victime, l’agresser physiquement). Le Leymann Inventory of Psychological Terrorization a servi d’instrument pour mesurer l’ampleur du mobbing en Suisse lors de l’enquête (susmentionnée n. 933) menée par le SECO en 2002.

942 Leymann, 1996, p. 27.

943 Wennubst (2004, p. 24) relève à ce sujet, que le Tribunal fédéral, peut-être conscient des diffi-cultés posées par les critères de Leymann, « en a gardé le principe en en assouplissant toutefois la rigueur ».

944 Arrêt du Tribunal fédéral du 20 juin 2003, n. p., cons. 4.3.2.

945 Wennubst (2004, p. 26) se demande par exemple quel serait le sort « d’un cas perpétré par trois actes de calomnie par voie de presse visant à détruire la réputation de la cible (…) ».

dans une analyse critique de cet arrêt946, que la condition de répétition est in-dispensable pour retenir un harcèlement psychologique947. Estimant « qu’un processus de mobbing est un processus de mobbing dès le premier acte », elle souhaiterait toutefois que cette condition soit interprétée avec la même prudence que dans le domaine du harcèlement sexuel948.

En matière de harcèlement sexuel, il est en principe admis qu’un seul incident peut suffire s’il présente un certain degré de gravité949. Tel est clai-rement le cas d’un chantage sexuel ou d’autres infractions au code pénal950. Lorsque le harcèlement consiste à créer un climat de travail hostile, la ques-tion de savoir si une répétiques-tion est nécessaire doit être jugée au cas par cas951. Selon Kaufmann, « il est toutefois exclu de faire de la répétition d’actes ou de l’accumulation d’incidents une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel »952. Même si elles ne sont posées qu’une seule fois, des questions sur l’orientation sexuelle ou sur le type de sous-vêtements portés peuvent par exemple déjà constituer un harcèlement sexuel953.

946 L’autrice (2004, pp. 24-26) déplore que le Tribunal fédéral n’ait pas renoncé aux critères de durée et de fréquence, dont elle souligne (2004, p. 19) le caractère arbitraire. La durée d’un mobbing dépend en effet de la capacité subjective de résistance de la victime (susceptible de varier en fonction du degré d’intensité des actes). Quant à la fréquence, elle est susceptible d’être influencée par des critères subjectifs tels que la seule volonté de l’auteur. « Il serait donc aberrant d’écarter un cas de mobbing du fait que l’auteur, ayant lu Leymann, espace ses actes hostiles à une fréquence de dix jours ». Le SECO constate par exemple que, sur 143 personnes ayant spontanément déclaré avoir été mobbées, seules 76 avaient vécu des situations entrant dans la définition de Leymann (SECO, 2003, pp. 22, 51).

947 Wennubst, 1999, p. 87 ; 2004, p. 26. Au sujet du critère de la répétition : Fromaigeat/Wennubst, 2001, p. 17 ; Geiser, 2001, p. 430.

948 Wennubst, 2004, p. 26.

949 Iberg, 1993, p. 7 ; Class/Mössinger, 1996, p. 55 ; Jacottet Tissot, 1999, p. 51 ; Kaufmann, 2000, n. 59 ad art. 4 LEg ; Leuba, 2000, p. 135 ; Ducret, 2001, p. 27 ; contra Saillen, 1994, p. 143 n. 4.

950 Class/Mössinger, 1996, p. 55 ; Kaufmann, 2000, n. 59 ad art. 4 LEg ; Leuba, 2000, p. 135. Le Tri-bunal du district de Schwyz jugea par exemple, à propos d’un employé qui avait saisi la poitrine d’une apprentie encore mineure, « unerheblich ist auch, dass es sich um einen einmaligen Vorfall handelte, denn die Haüfigkeit spielt für das Vorliegen einer sexuellen Belästigung keine Rolle », 6.11.00, JAR 2002 p. 304.

951 Kaufmann, 2000, n. 59 ad art. 4 LEg.

952 Idem.

953 Voir dans ce sens un jugement du Tribunal du Travail de Zurich qui explique : « Ebensowenig spie-len Zeitpunkt und Häufigkeit für das Vorliegen einer sexuelspie-len Belästigung eine Rolle, eventuell mit Ausnahme einer einmaligen, sehr untergeordneten Bemerkung (…) Die (…) gemachten Be-merkungen wären auch bei nur einmaligen Vorkommen unstatthaft gewesen », 27.6.95, ZR 1998 191-192 (au sujet des questions sur l’orientation sexuelle et sur le type de sous-vêtements portés qu’un conducteur de taxi avait posées par téléphone à une collègue de la centrale).

3. Intention

Alors que seule l’inopportunité du comportement est pertinente pour déter-miner si l’on se trouve en présence d’un harcèlement sexuel954, la volonté de nuire compte parmi les éléments caractéristiques du mobbing955. L’auteur du mobbing fait un choix conscient : il a l’intention de mobber956.

Wennubst définit le mobbing comme une « répétition d’actes hostiles (harcèlement) par lesquels un ou des auteurs tendent à isoler, marginaliser, éloigner ou exclure la victime d’un cercle de relations données, voire à la neutraliser »957. Il est donc possible de parler de mobbing même en l’absence d’une volonté d’exclure du poste de travail958. Leymann explique que les comportements hostiles visent « à déclencher l’anxiété de la victime, à pro-voquer chez elle une attitude défensive, elle-même génératrice de nouvelles agressions. En quelque sorte, les premières agressions stigmatisent la victime et la destinent au rejet et à l’exclusion »959. L’auteur d’un mobbing a conscience des souffrances engendrées par son comportement, mais pas nécessairement des conséquences concrètes que celui-ci aura pour la victime (perte du tra-vail, rente AI etc…)960. Selon Hirigoyen, « lorsqu’on parle d’intentionnalité, il faudrait ajouter consciente (j’ai envie de lui faire du mal) ou inconsciente (je ne veux pas lui faire du mal, mais c’est plus fort que moi, je ne peux pas

954 Voir supra pp. 133 ss.

955 Hirigoyen (2002, p. 24) relève que « dans les cas de harcèlement, il y volonté de nuire ». La psychiatre s’interroge (2001, p. 78) tout de même : « si on pense que l’intention crée le harcèle-ment (…), comharcèle-ment prouver l’intention ? », puis observe « on ne peut pas parler d’intentionnalité quand il s’agit de systèmes. L’intentionnalité vient des personnes qui dirigent ou qui profitent de ces systèmes pervers ». Durieux/Jourdain (1999, p. 42) précisent à ce propos : « Il suffit que la direction désigne un homme à exclure, demande à quelques chefs zélés de mettre la pression sur lui, et fasse comprendre au reste du personnel que les démonstrations de solidarité seraient fort malvenues. La mise à l’écart, les humiliations s’enchaîneront naturellement. »

956 Wennubst (1999, p. 89) ajoute que tel est le cas « même si le mobbeur n’a pas connaissance du fait que cela s’appelle mobbing ». De même, l’inexistence d’une concertation explicite entre les auteurs d’un mobbing collectif ne signifie pas que les protagonistes ne soient pas conscients des événements en cours (Wennubst, 2004, p. 27).

957 Wennubst, 2004, p. 9. « Il y a conscience et volonté du rejet (isolement, mise à l’écart, neutrali-sation ou exclusion), puisqu’il s’agit de la finalité du mobbing », Wennubst, 1999, p. 89.

958 Comme le relève Waeber, 1998, p. 792. Voir aussi Geiser (2001, p. 430), ainsi que Wennubst (2004, p. 28) qui explique que des victimes peuvent par exemple être exclues du cercle de leurs collègues tout en préservant leur travail.

959 Leymann, 1996, p. 13. Fromaigeat/Wennubst (2000, pp. 18-19) expliquent que le mobbing vise à empêcher la victime de s’exprimer et de communiquer avec efficacité, de maintenir de bons contacts avec son entourage, de préserver la considération dont elle bénéficie, de poursuivre son activité professionnelle avec efficacité, de rester en bonne santé. Il se manifeste au début par des comportements qui présentent une apparence de normalité. La victime ne se doute pas que derrière cette apparente normalité se cache une volonté de nuire. Elle ne découvrira l’intention de nuire qu’au moment où elle se sentira déstabilisée par l’enchaînement des actes hostiles.

960 A ce sujet : Wennubst, 1999, p. 53 (qui renvoie notamment à Leymann, 1996, p. 135), p. 89.

m’empêcher de le blesser ou de le mettre en difficulté) »961. L’intentionna-lité malveillante, consciente ou inconsciente, permet aussi de distinguer le mobbing de situations de stress ou de mauvaises conditions de travail962.

4. Discrimination ?

raisemblablement influençée par le droit français963, une partie de la doctrine suisse distingue le mobbing du harcèlement sexuel en expliquant que ce dernier a pour finalité d’obtenir une satisfaction sexuelle, et non d’isoler, éloigner ou exclure une personne de son lieu de travail964. Le premier chapitre de ce travail a toutefois amplement décrit le harcèlement sexuel comme un mécanisme d’infériorisation et d’exclusion qui n’a pas nécessairement à voir avec un désir d’obtenir des relations sexuelles965. L’élément qui permet de distinguer le harcèlement sexuel du mobbing n’est donc pas le désir d’assouvir des relations sexuelles, qui peut parfaitement faire défaut en cas d’environnement hostile, mais le fait que les actes de harcèlement soient infligés à une personne en raison de son appartenance à un sexe966.

Barone considère que la notion de mobbing « renvoie à une probléma- tique de relations interpersonnelles, éventuellement d’organisation du travail,

961 Voir Hirigoyen (2001, p. 77) qui se demande (p. 78) : « Où se situe le niveau de conscience d’une personne pour que l’on parle de harcèlement moral ? ».

962 Hirigoyen, 2001, pp. 26, 40, 318 ; 2002, pp. 18, 24. Geiser (2001, p. 430) relève aussi que la finalité du mobbing permet de le distinguer d’un mauvais climat de travail. Le Tribunal fédéral précise quant à lui qu’il n’y a « pas harcèlement psychologique du seul fait qu’il existe un conflit dans les relations professionnelles (…), ni d’une mauvaise ambiance de travail (…), ni du fait qu’un membre du personnel serait invité – même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d’une procédure de licenciement – à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu’un supérieur hiérarchique n’aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l’égard de ses collaboratrices et collaborateurs » (arrêt du 20.6.03, n. p., cons. 4.2).

963 En France, le code du travail (art. L. 122-46) et le code pénal (art. 222-33) punissent, au titre de harcèlement sexuel, uniquement les agissements dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle (dispositions introduites par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002).

964 Voir par exemple Wennubst, 2004, p. 17 (« ce qui différencie ces différentes formes de harcèle-ment est la finalité recherchée par l’auteur : obtenir une satisfaction sexuelle ; (…) isoler, éloigner, exclure ou neutraliser la victime »). Brunner/Bühler/Waeber (2004 ad art. 328 CO) expliquent que le but du harcèlement sexuel est « d’obtenir des faveurs sexuelles » (n° 6), puis définissent le mobbing comme un comportement visant « à déstabiliser, à marginaliser, voire à exclure une personne sur son lieu de travail » (n° 7).

965 Le harcèlement sexuel représente, selon Schultz (1998, p. 1755), un moyen de dévaloriser les compétences dites féminines, afin de tenir les femmes à l’écart des professions traditionnellement masculines, ou de les maintenir dans un statut de travailleuses inférieures, moins capables.

966 Dans ce sens : Jaccottet Tissot, 1999, p. 51 (dans le harcèlement sexuel, « on s’en prend à l’iden-tité sexuelle de la personne ») ; Ducret, 2001, pp. 26-27 (« le harcèlement sexuel se caractérise par une conduite de nature sexuelle ou sexiste ») ; Geiser, 2001, p. 435 (« Andererseits braucht Mobbing nichts mit der Geschlechtszugehörigkeit der betroffenen Person zu tun zu haben ».)

mais laisse de côté la question des rapports de pouvoir, tout particulière-ment entre hommes et femmes »967. Le harcèlement moral visant un indi-vidu particulier en raison d’une spécificité indiindi-viduelle, il ne comporte en soi, selon Geiser, aucun élément discriminatoire968. L’auteur réserve toute-fois les cas où le mobbing est dirigé contre un groupe de personnes969, ainsi que ceux où le harcèlement sexuel débouche dans un second temps sur un mobbing-punition970.

Selon Hirigoyen, en revanche, « on pourrait presque dire que tout har-cèlement est discriminatoire »971. Les recherches effectuées par la psychiatre révèlent que les personnes harcelées moralement sont en grande majorité des femmes972. « Non seulement les femmes sont davantage victimes, mais on les harcèle différemment des hommes : les connotations machistes ou sexistes sont souvent présentes. Le harcèlement sexuel n’est qu’un pas de plus dans

967 Barone, 2001, p. 196.

968 Geiser, 2001, p. 444.

969 Geiser, 2001, p. 444. Durieux/Jourdain (1999, p. 11) observent que « pour se débarrasser de leurs salariés devenus indésirables, les entreprises ont développé une panoplie de méthodes raffinées, perverses ou brutales. Attaques surprises, qui visent à déstabiliser l’intéressé et à lui régler très vite son compte, guerres d’usure, qui soumettent l’employé à un crescendo de brimades, licenciements en « gants blancs », préparés et validés par des consultants spéciali-sés… » Ducret (2001, p. 26) commente : « A côté des conflits d’ordre « privé » apparaît un harcè-lement organisé, institutionnalisé, comme outil de gestion du personnel dans les entreprises : le mobbing n’est plus uniquement le fait d’individus, mais peut également venir de l’entreprise elle-même. »

970 Geiser, 2001, p. 444. L’hypothèse du mobbing-punition est également mentionnée par Wennubst, 1999, p. 183 ; 2004, p. 17 ; Bigler-Eggenberger, 2000, n° 39 ad art. 5 LEg ; Geiser, 2001, p. 435 ; Ducret, 2001, p. 27 (qui ajoute que les femmes se plaignant de harcèlement sexuel disent aussi souvent subir simultanément du harcèlement psychologique). Un jugement (n. p.) du Tribunal des prud’hommes de Genève, rendu le 27 juillet 1998, illustre le cas d’une femme de chambre mobbée par son patron après avoir refusé les avances sexuelles de celui-ci. Ce même Tribunal jugea que le mobbing allégué par une coiffeuse qui avait demandé à son patron de mettre un terme à son harcèlement sexuel n’avait pas été rendu vraisemblable (24.9.02, n. p., pp. 4, 15). Voir aussi à titre d’exemple l’affaire lausannoise résumée par Bianchi (2002, pp. 82-83), celle portée devant le bureau de conciliation du canton de Zurich (glg_­dokumentation : cas 45) tranchée le 21.2.00 ; ainsi que les cas de figure présentés par Hirigoyen (2001, pp. 123-124). Enfin, une expertise de la Commission spécialisée instituée par l’ancien art. 13 LEg (supra p. 125) explique, à propos d’une employée harcelée sexuellement par son supérieur hiérarchique à l’Office fédéral du sport, « nachdem sie ihm klar schriftlich mitgeteilt habe, dass sie (…) seine Avancen nicht wünsche, habe er ihre Leistungen zu kritisieren begonnen », n. p., p. 2.

971 Hirigoyen, 2001, p. 126.

972 70% de femmes pour 30% d’hommes (Hirigoyen, 2001, p. 120). Une étude réalisée en Autriche par Klaus Neidl au début des années nonante (Mobbing in einem Österreichischen Unternehmen – Gemeinsamkeiten und Unterschiede zu Schweden sowie betriebswirtschaftlisch relevante As-pekte des Mobbinggeschehens, citée par Rehbinder, 1996, p. 22 n.13) montre aussi que les per-sonnes concernées sont principalement des femmes (82 %). Selon l’étude effectuée en Suède par Leymann (1996), 55% de femmes sont concernées pour 45 % d’hommes. L’enquête menée en Suisse par le Secrétariat d’État à l’économie ne permet en revanche de signaler aucune diffé-rence significative selon le sexe (SECO, 2003, p. 48).

le harcèlement moral. Dans les deux cas il s’agit d’humilier l’autre et de le considérer comme un objet à sa disposition »973. Wennubst souligne que le harcèlement sexuel qui prend la forme d’un environnement hostile « n’est en réalité qu’un mobbing dont les agissements choisis (…) portent atteinte à la sphère sexuelle de la victime »974. Après avoir rappelé que les victimes de mobbing présentent souvent un aspect d’altérité par rapport au mobbeur975, elle déclare : « il me semble dès lors évident que certains mobbing puissent être motivés par une différence liée au sexe de la victime976. »

A ce sujet, Barone observe : « Le mobbing, nous dit-on, est censé englober le harcèlement sexuel. Or, si l’existence du mobbing est une réalité, il s’agit toujours d’un phénomène distinct du harcèlement sexuel. Rien ne justifie donc objectivement que la référence au mobbing ait pour effet de faire dis-paraître toute allusion au harcèlement sexuel. Doit-on voir là une sorte de refoulement collectif au sens psychanalytique du terme, de ce qui a trait au sexuel, au profit d’un concept « neutre » ou prétendu tel ? »977 L’autrice constate

« que le « refoulement » lié au « sexuel » est très largement à l’œuvre chez les femmes elles-mêmes : (…) derrière le mobbing dont se plaignent les femmes, se cachent en réalité très fréquemment des actes qui relèvent sans ambiguïté du harcèlement sexuel978 ».

973 Hirigoyen, 2001, p. 121. Voir aussi : Hirigoyen, 1998, pp. 84-85 (« Le harcèlement sexuel n’est qu’un pas de plus dans le harcèlement moral (…) Il ne s’agit pas tant d’obtenir des faveurs sexuelles que de marquer son pouvoir, de considérer la femme comme son objet (sexuel) (…) le harcèlement de genre (…) consiste à traiter une femme différemment parce qu’elle est une femme, avec des remarques ou des comportements sexistes. »)

974 Wennubst, 1999, p. 184.

975 Idem (« une différence par rapport à un groupe donné est le facteur qui caractérise une victime de mobbing »). Il peut s’agir notamment de différences de nationalité, de sexe, de statut social, de

975 Idem (« une différence par rapport à un groupe donné est le facteur qui caractérise une victime de mobbing »). Il peut s’agir notamment de différences de nationalité, de sexe, de statut social, de