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femmes et hommes

I. Loi fédérale suisse sur l’égalité entre femmes et hommes

5. Allègements procéduraux

Le législateur a fait le choix politique de laisser aux particuliers l’entière charge de faire respecter les droits découlant de la loi sur l’égalité. L’art. 5 LEg ne s’applique donc pas d’office et il appartient aux personnes discriminées d’invoquer les droits qui en découlent767. La loi sur l’égalité contient, dès lors, divers allègements procéduraux visant à atténuer les obstacles auxquels se trouvent confrontés les travailleuses et travailleurs qui envisagent d’agir en justice contre leur employeur768.

L’art. 6 LEg prévoit ainsi un allègement du fardeau de la preuve en faveur des personnes qui se prévalent d’une discrimination. Selon cette disposition, il suffit que la personne alléguant une discrimination la rende vraisemblable pour que celle-ci soit présumée. Il appartient alors à l’employeur de renverser cette présomption en prouvant que la différence de traitement n’existe pas ou qu’elle est objectivement justifiée. L’art. 6 LEg est applicable à toutes les discriminations interdites par la loi sur l’égalité, à l’exception des cas de har-cèlement sexuel et de discrimination à l’embauche, qui demeurent soumis au principe général de preuve, selon lequel, la partie qui invoque une situation pour en déduire un droit, doit la prouver (art. 8 CC)769. Le quatrième chapitre de ce travail est consacré à ces dispositions, qui jouent un rôle primordial en matière de discrimination fondée sur le sexe770 .

765 Idem, p. 72 ; Bigler-Eggenberger, 2000, n° 22 ad art. 5 LEg.

766 Bigler-Eggenberger, 2000, n° 36 ad art. 5 LEg.

767 Mader, 1996, pp. 11, 22 ; Steiger-Sackmann, 1996, p. 90 ; Barone, 1999, p. 41 ; Kaufmann, 2000, n° 15-16 ad art. 1 LEg.

768 Barone, 1999, p. 41 ; Kaufmann, 2000, n° 25 ad Genèse ; Steiger-Sackmann, 2000, n° 34 ad art. 6 LEg.

769 Steiger-Sackmann, 2000, n° 39, 65 ad art. 6 LEg.

770 Cossali Sauvin, 1999, p. 76.

L’art. 7 LEg donne par ailleurs à certaines organisations la « qualité pour agir en leur propre nom en vue de faire constater une discrimination, lorsqu’il paraît vraisemblable que l’issue du procès affectera un nombre considérable de rapports de travail »771. 

L’art. 10 LEg instaure une protection contre les congés de rétorsion. Cette disposition offre la possibilité, jusqu’alors inédite en droit privé du travail, de faire annuler un licenciement faisant suite à une réclamation adressée à un supérieur ou à un autre organe compétent au sein de l’entreprise, pour autant que le licenciement ne repose pas sur un motif justifié et que l’action en an-nulation soit entreprise durant le délai de congé772.

L’art. 11 LEg prévoit une obligation pour les cantons de désigner des offices de conciliation, dont le rôle est de conseiller les parties et de les aider à trouver un accord773. La plupart des cantons ont créé sur la base de cette disposition des offices de conciliation spéciaux pour les questions d’égalité774. Leur compétence se limite en principe aux rapports de travail de droit privé775. Le passage par la procédure de conciliation avant d’emprunter la voie judiciaire est facultatif ou obligatoire selon les canton776. Il s’agit d’une procédure gratuite777.

L’art. 12 LEg dispose enfin que les règles de procédure fédérale prévues par l’art. 343 du code des obligations sont applicables aux litiges de droit privé indépendamment de la limite de fr. 30’000.- mentionnée par cette disposition.

Parmi celles-ci figurent le principe de la procédure simple et rapide778, celui

771 Tel peut-être le cas en matière de harcèlement sexuel puisque les mesures de prévention pouvant être exigées dans ce domaine ont souvent pour but de protéger un grand nombre d’employé-e-s (Geiser, 2001, p. 452). Une organisation peut dès lors « demander à un tribunal qu’il statue sur le caractère adéquat des mesures préventives de l’employeur au sens de l’art. 5 al. 3 LEg » (Jacottet Tissot, 1999, p. 54).

772 Pour une présentation critique de cette disposition : Barone, 1999, pp. 43-46 ; 2003, pp. 160-161.

Voir aussi : infra pp. 270-243.

773 Les offices de conciliation assument ainsi à la fois une tâche de conseil et de médiation (au sujet de cette seconde fonction : Steiger-Sackmann, 2000, n° 24-26 ad art. 247). Le recours à la mé-diation est contesté en cas de harcèlement sexuel, comme souligné infra pp. 223-225.

774 Une minorité de cantons n’a pas jugé nécessaire d’instaurer une instance spécialisée (Steiger-Sackmann, 2000, n° 14-15 ad art. 11 LEg). La conciliation est dès lors confiée « à toutes les auto-rités chargées d’appliquer le droit matériel, instances différentes selon que le conflit du travail a éclaté dans le secteur public ou privé » (Jacottet Tissot, 1999, p. 54).

775 Steiger-Sackmann, 2000, n° 11 ad art. 11 LEg ; Arioli/Furrer Iseli, 2000, pp. 193, 197-198. La moitié des cantons environ a cependant étendu la compétence de conciliation aux rapports de droit public (FF 2003 7137).

776 Art. 11 al. 2 LEg. A ce sujet : Steiger-Sackmann, 2000, n° 41-46 ad art. 11 LEg.

777 Art. 11 al. 4 LEg.

778 A ce sujet : Steiger-Sackmann, 1996, p. 87 ; 2000, n° 6-8. L’autrice (1996, p. 87) relève cepen-dant que la complexité des procès en matière d’égalité rend parfois le recours à une procédure simple et rapide impossible. Barone (2003, p. 159) ajoute à ce propos : « Quant à la « rapidité » de la procédure, force est de constater qu’elle restera souvent un vœux pieux… »

de la maxime inquisitoire779, ainsi que celui de la gratuité de la procédure780. Ce dernier principe est également réservé par l’art. 13 al. 5 LEg, applicable aux rapports de travail de droit public. Mettant fin à une différence de traitement injustifiée entre, d’une part, le personnel de la Confédération et le personnel de certains cantons, ainsi que les travailleuses et travailleurs du secteur privé, d’autre part,781 l’art. 13 al. 3 LEg institue depuis peu une commission de conciliation pour le personnel de la Confédération782.

779 La maxime inquisitoire impose au tribunal d’établir les faits d’office et d’apprécier librement les preuves, comme exposé infra pp. 161-162. Le principe inquisitoire est applicable également lorsque la partie demanderesse fait aussi valoir des prétentions qui ne sont pas fondées sur la loi sur l’égalité (Geiser, 2001, pp. 449-450).

780 La gratuité libère les parties uniquement du paiement des émoluments au tribunal ; elle n’exclut pas de devoir payer une participation aux frais de l’autre partie. Le principe de la gratuité est applicable à toutes les instances, y compris au Tribunal fédéral. A ce sujet : Steiger-Sackmann, 2000, n° 15-17 ad art. 12 LEg ; Barone, 2003, p. 159.

781 FF 2003 7135, 7139.

782 Modification du 8 octobre 2004 (FF 2004 5113/ RO 2005 1023). Le nouvel art. 13 al. 3 LEg prévoit que le personnel de la Confédération peut s’adresser à une commission de conciliation qui conseille les parties et tente de les amener à un accord. Une ordonnance du 10 décembre 2004 (RS 172.327.1) précise l’organisation de cette commission et la procédure applicable. L’ancien art. 13 al. 3 instituait une commission consultative spécialisée qui avait pour rôle de rendre un préavis uniquement dans le cadre d’une procédure de recours. A propos de cette commission : Steiger-Sackmann, 1996, p. 85 ; 2000, n° 12 ad art. 11 LEg ; Bigler-Eggenberger, 2000, n° 54 ad art. 13 LEg ; Arioli/Furrer Iseli, 2000, pp. 193, 197-198 ; infra p. 190.