• Aucun résultat trouvé

Le laboratoire états-unien

C. Nécessité d’une règle spécifique ?

1. Discrimination parmi d’autres

La Cour Suprême des Etats-Unis a considéré pour la première fois que le harcèlement sexuel représente une discrimination en raison du sexe interdite par le Titre II dans l’affaire Meritor Savings Bank v. Vinson674.

Dans un article intitulé « There  is  Nothing  Special  About  Sex », Rebecca White soutient toutefois que cette jurisprudence contribue également à ré-pandre l’idée selon laquelle le harcèlement sexuel est une forme de discrimi-nation spécifique675. Fondé sur la distinction entre harcèlement quid pro quo et environnement hostile676, consacrée par les lignes directrices de l’EEOC677, l’arrêt Meritor semble en effet suggérer que le harcèlement sexuel doit être sanctionné selon des règles différentes de celles applicables aux autres discri-minations prohibées par le Titre II678.

Durant les années qui suivirent Meritor, les tribunaux inférieurs ont multiplié les efforts pour comprendre de quelle manière la plainte pour har-cèlement sexuel entre dans le cadre général du Titre II. Les questions de savoir, en quoi le harcèlement est fondé sur le sexe et selon quels critères un employeur doit être jugé responsable, ont reçu des réponses toujours plus spécifiques. Bien que le droit du harcèlement sexuel trouve ses origines dans l’interdiction générale de discriminer résultant du Titre II, les cours d’appel

673 Voir les réflexions d’Abrams (1995, pp. 361-375), selon laquelle une telle dichotomie est due au fait que les plaintes impliquant une conduite sexuelle peuvent être qualifiées de « dominance-based (…) claim (…) interjected into a liberally oriented legal system. » (n. 246).

674 477 U.S. 57, 63-69 (1986) ; supra pp. 59-60

675 White, 1999, p. 726. On peut aussi se référer à Herbert (1995), qui préconise une règle de res-ponsabilité unique pour harcèlement fondé sur le genre incluant les formes sexuelles du harcè-lement. Il est à ce sujet intéressant de noter que le Californian Fair Employment & Housing Act prohibe dans une même disposition sur le harcèlement sexuel, le harcèlement fondé sur le sexe, ainsi que le harcèlement fondé sur le genre, la grossesse ou l’accouchement, California Govern-ment Code §§ 12940 (j) (4) (C).

676 477 U.S. 65, 70-72 (1986) ; supra p. 61.

677 29 C.F.R. 1604.11 (a) ; supra pp. 55-56.

678 White, 1999, p. 726.

appliquant la jurisprudence Meritor ont distingué de plus en plus les plaintes pour harcèlement sexuel des autres plaintes pour discriminations fondées sur le sexe, au motif que les premières – contrairement aux secondes – portent nécessairement sur une conduite de nature sexuelle679.

Amenée en 1998 à décider si le harcèlement sexuel entre personnes du même sexe viole le Titre II, la Cour Suprême juge toutefois, dans l’affaire Onacle v. Sundowner Offshore Services680, que la question de savoir s’il existe ou non un harcèlement sexuel doit être résolue à la lumière des principes applicables aux autres discriminations prohibées par le Titre II681. L’arrêt Onacle précise ainsi que le caractère sexualisé d’un comportement permet certes d’inférer l’existence d’une discrimination, mais ne suffit pas en soi à établir le caractère discriminatoire du harcèlement. Selon les juges suprêmes, les victimes de harcèlement sexuel sont discriminées en raison de leur sexe et non en raison de la nature sexuelle de la conduite682.

La reconnaissance, dans l’affaire Onacle, que le harcèlement sexuel ne doit pas être analysé différemment des autres discriminations interdites par le Titre II, entraîne des conséquences, selon White, notamment en matière de fardeau de la preuve et d’indemnisation des victimes683. Elle signifie qu’il appartient à la partie demanderesse de prouver que le harcèlement sexuel était motivé – au moins en partie – par son sexe684, et autorise celle-ci à rece-voir des dommages-intérêts compensatoires et punitifs pour discrimination intentionnelle685.

D’après White, la reconnaissance que les plaintes pour harcèlement sexuel sont des plaintes pour traitement discriminatoire (disparate treatment) a surtout conduit la Cour Suprême à admettre une responsabilité de l’em-ployeur pour le fait d’autrui en cas d’environnement hostile créé par un

supé-679 Idem, pp. 726-728. Voir aussi les travaux de Franke (1997, pp. 716-718) et Schultz (1998, pp. 1689-1690, 1710-1720) qui décrivent cette tendance jurisprudentielle entraînant une sexuali-sation des plaintes pour harcèlement sexuel (mentionnée supra pp. 37-38).

680 523 U.S. 75 ; supra p. 65.

681 White, 1999, p. 729.

682 « Whatever evidentiary route the plaintiff chooses to follow, he or she must always prove that the conduct at issue was not mereley tinged with offensive sexual connotations, but actually consti-tuted discrimination because of sex. » 523 U.S. 80-81 ; White, 1999, p. 734 ; Zimmer/Sullivan/

Richards/Calloway, 2000, p. 577 (qui citent Steven Willborn, 1999, « Taking Discrimination Seriously : Onacle and Exceptionalism in Sexual Harassment Law », 7 William & Mary Bill of Rights Journal, p. 677).

683 White, 1999, pp. 736-739.

684 Selon la section 703 (m) de la loi civile de 1991 (amendant le Titre VII), le caractère discrimina-toire d’un comportement est établi lorsque la partie plaignante parvient à prouver que son sexe (ou sa race, religion, couleur, ou origine) « was a motivating factor for any employment practice, even though other factors also motivated the practice ».

685 Voir supra p. 86.

rieur hiérarchique, que le harcèlement soit fondé sur le sexe ou sur une autre caractéristique protégée par le Titre II686. Abandonnant en partie la distinc-tion, consacrée par Meritor, entre harcèlement quid pro quo et environnement hostile, les juges des affaires Ellerth et Faragher ont expliqué qu’il s’agit plutôt de distinguer les situations où une mesure est prise ayant des conséquences négatives sur le plan professionnel, de celles où l’emploi de la victime n’est pas affecté de manière significative687. Dans le premier cas, l’employeur est automatiquement responsable, dans le second, il peut renverser sa présomp-tion de responsabilité en prouvant qu’il a pris les mesures préventives et ré-pressives qui pouvaient raisonnablement être exigées de lui, et que la victime a omis, de manière injustifiée, de prendre les mesures susceptibles de réduire son dommage688.

Les plaintes pour harcèlement étant des plaintes pour traitement discri-minatoire, la jurisprudence Ellerth-Faragher devrait s’appliquer, selon White, également en-dehors du contexte du harcèlement689. Le critère de la mesure ayant des conséquences professionnelles tangibles se justifiant à la lumière du principe général d’auxiliarité de « l’aide dans la relation d’emploi »690, il devrait être déterminant dans tous les cas de discriminations commises par un supérieur hiérarchique, que celles-ci soient fondées sur le sexe, la race ou une autre caractéristique protégée par le Titre II691.

2. Risque professionnel parmi d’autres

La Cour Suprême a déclaré dans l’arrêt Meritor Savings Bank v. Vinson, d’une part, qu’un employeur ne doit pas être jugé automatiquement responsable en cas de harcèlement sexuel commis par un supérieur hiérarchique et, d’autre part, que sa responsabilité doit être déterminée à la lumière des règles tra-ditionnelles sur l’auxiliarité692. Afin de respecter le principe d’auxiliarité de

« l’aide dans la relation d’emploi »693, sans toutefois consacrer une responsa-bilité automatique, écartée par l’arrêt Meritor694, les magistrats des affaires

686 White, 1999, p. 729 ( « the Court confirmed that vicarious employer liability for sexual harassment, as for other forms of employment discirmination, is appropriate »), p. 743. Voir aussi les explica- tions données par l’EEOC (1999, II) dans ses lignes directrices exposées supra p. 73.

687 524 U.S. 753-754, 761 ; supra pp. 65-66.

688 524 U.S. 765, 807-808 ; supra p. 70.

689 White, 1999, pp. 730, 743, 753 ; White/Krieger, 2001, n. 145.

690 § 219 (2) d du Restatment of Agency ; supra pp. 68-69.

691 White, 1999, pp. 730, 743-748, 753 ; White/Krieger, 2001, p. 520 n. 145.

692 477 U.S. 72 (1986) ; supra pp. 60-62.

693 § 219 (2) d du Restatment of Agency ; supra pp. 68-69.

694 524 U.S. 757-760, 793-803 ; supra p. 60.

Ellerth et Faragher ont jugé qu’un employeur ne répond automatiquement du harcèlement sexuel commis par un supérieur hiérarchique que lorsque ce comportement entraîne une mesure affectant de manière tangible l’emploi de la victime695.

L’adoption de la preuve libératoire énoncée par les arrêts Ellerth et Faragher ne se justifie toutefois, selon Grossman, que par le souci de la Cour d’adopter une règle qui soit cohérente avec sa volonté, énoncée dans l’arrêt Meritor, de ne pas consacrer une responsabilité automatique de l’employeur en cas de harcèlement sexuel696. Une application correcte du principe de « l’aide dans la relation d’emploi » devrait en effet conduire, à la reconnaissance d’une res-ponsabilité automatique de l’employeur, même dans les cas où aucune mesure de rétortion n’a été prise contre la victime697. Les juges de l’arrêt Faragher ont souligné ainsi, à juste titre, que la simple existence d’une relation de super-vision permet au supérieur hiérarchique d’entrer en contact avec l’employée harcelée, donne à sa conduite un caractère particulièrement menaçant, em-pêche la victime de résister de la même manière qu’elle l’aurait fait en cas de harcèlement commis par un collègue et rend plus difficile le dépôt d’une plainte par celle-ci. Le supérieur hiérarchique est donc aidé par sa relation d’auxiliarité même lorsque le harcèlement sexuel n’entraîne aucune mesure affectant de manière tangible l’emploi698.

Krieger observe que l’application des règles sur l’auxiliarité mène dans plusieurs domaines à l’admission d’une responsabilité du fait de l’entreprise.

Ce type de responsabilité repose sur l’idée selon laquelle un employeur qui tire profit de son activité économique doit également supporter les coûts prévisibles liés à l’exploitation de son entreprise. Une compagnie de camions, par exemple, répond ainsi en cas d’accident, non pas en raison de sa négligence, mais au motif que les accidents font partie des risques inhérents au fonctionnement de la compagnie. L’entreprise de transport prend, dès lors, des mesures de pré-vention afin de rendre moins probable la survenance d’un dommage et non parce que ces mesures la soustraient nécessairement à sa responsabilité699.

L’application d’une responsabilité du fait de l’entreprise au problème du harcèlement sexuel commis par un supérieur hiérarchique signifierait, selon

695 524 U.S. 763-765, 805-808 ; supra pp. 67 ss.

696 Grossman, 2000, p. 695 ; voir aussi White, 1999, p. 743.

697 Grossman, 2000, pp. 694-695. Voir également Oppenheimer (1995, pp. 74-76, 150) selon lequel une application correcte des lignes directrices de l’EEOC de 1980 et des règles sur l’auxiliarité devrait conduire à l’adoption d’une responsabilité automatique en cas de harcèlement sexuel commis par un supérieur hiérarchique, telle que consacrée par le § 12940 (j) (1) du Fair Employ-ment & Housing Act californien.

698 Grossman, 2000, p. 694 qui cite un passage de l’arrêt Faragher (524 U.S. 802-804) se référant à Estrich, 1991, pp. 802-804 ; supra pp. 68-69.

699 Krieger, 2001, p. 196.

Krieger, que les mesures prises par l’employeur dans le but de réduire l’at-teinte cesseraient d’être prises en considération lors de la détermination de sa responsabilité. L’absence de plainte de la victime devrait également être dépourvue de conséquences700. Telle n’est toutefois pas la solution consacrée par la jurisprudence Ellerth-Faragher qui, comme souligné plus haut, élève au rang de preuve libératoire des « symbolic compliance structures » dont l’adop-tion permet à un employeur de ne pas répondre d’un harcèlement sexuel sur-venu dans son entreprise et qui, pour la première fois, impose à un groupe de plaignant-e-s l’obligation de recourir à une procédure de plainte interne, avant de déposer une plainte administrative ou judiciaire701.

Un pareil résultat non seulement ne se justifie pas à la lumière des règles traditionnelles sur l’auxiliarité, mais il reflète également une application erro-née de la doctrine des avoidable consequences702. Grossman relève en effet que la règle générale selon laquelle une victime doit diminuer son dommage – dont on peut du reste se demander si elle a une place en matière de harcèlement sexuel703 – n’entraîne en principe jamais de conséquences sur la responsabilité704.

3. Supérieur ou collègue : un employé en vaut un autre

Les juges des affaires Ellerth et Faragher ont renonçé à rendre un employeur responsable sur la base du critère du « lien avec l’emploi », au motif que l’ap-plication de ce principe d’auxiliarité aurait pour effet de rendre obsolètes les jugements des tribunaux inférieurs consacrant à l’unanimité une res-ponsabilité fondée sur la négligence en cas de harcèlement sexuel commis par un collègue705. La Cour Suprême a refusé, pour cette raison également, d’admettre que la simple existence d’un rapport de travail suffise à rendre applicable le principe de « l’aide de la relation d’emploi ». Une telle solution serait contraire à celle entérinée par les différentes cours d’appel ainsi que

700 Idem, pp. 196-197.

701 Idem, p. 172 ; supra pp. 97, 103.

702 Grossman, 2000, pp. 729-730.

703 Grossman, 2001, p. 729. Voir la critique exposée infra (pp. 310 ss, 315 ss) concernant l’applica-tion du principe de la faute concomittante au domaine du harcèlement sexuel.

704 « There is no precedent in tort, contract, or discrimination law for using a principle of mitigation to erase liability. » Grossman, 2001, p. 730.

705 « The rationale for placing harassment within the scope of supervisory authority would be the fairness of requiring the employer to bear the burden of foreseeable social behaviour, and the same rationale would apply when behaviour was that of co-employees. The employer generally benefits just as obviously from the work of supervisors ; they simply have different jobs to do, all aimed at the success of the enterprise. (…) If we use scope of employment reasoning to require the employer to bear the cost of an actionably hostile workplace created by one class of employees (i.e. , supervisors), it could appear just as appropriate to do the same when the environment was created by another class (i e., co-workers). » 524 U.S. 799-800 ; supra pp. 67-68.

par l’EEOC, puisqu’elle aurait pour conséquence de rendre l’employeur res-ponsable du fait d’autrui, non seulement en cas de harcèlement sexuel com-mis par un supérieur hiérarchique, mais également en cas de harcèlement commis par un collègue706.

L’adoption d’une règle de responsabilité qui diffère selon la position de l’auteur du harcèlement se justifie, selon la Cour Suprême, si l’on considère qu’une employée harcelée par un de ses collègues peut se détourner de lui ou rejeter ses avances plus facilement que si elle se trouvait face à son supérieur hiérarchique707. La Cour a ainsi souhaité instaurer une responsabilité pour le fait d’autrui – plus sévère que le standard minimal de la négligence708 – en cas de harcèlement commis par un supérieur hiérarchique709. Dans son opinion dissidente aux affaires Burlington et Faragher, le juge Thomas déplore que la Cour n’ait pas retenu – comme elle l’avait fait dans l’affaire Meritor – une res-ponsabilité de l’employeur fondée sur sa négligence en cas d’environnement hostile, indépendamment de la position de l’auteur du harcèlement710.

L’analyse du premier élément de la preuve libératoire de la jurisprudence Ellerth-Faragher (selon lequel l’employeur peut renverser sa présomption de responsabilité en prouvant qu’il a pris les mesures de prévention et de ré-pression adéquates) montre que l’employeur répond en réalité sur la base de sa négligence, même lorsque l’auteur du harcèlement sexuel est un supérieur hiérarchique711.Le second élément de la preuve libératoire (selon lequel l’em-ployeur peut se libérer en prouvant que la victime a, de manière déraison- nable, omis d’utiliser les procédures mises à sa disposition) contraignant par ailleurs les personnes harcelées par un supérieur hiérarchique à se comporter de manière raisonnable712, ces dernières se retrouvent, depuis l’adoption de la jurisprudence Ellerth-Faragher, dans une situation paradoxalement plus diffi-cile que si elles avaient été harcelée par un collègue. Le second élément de la preuve libératoire ne trouvant pas application sous un régime de simple

né-706 « In a sense, most workplace tortfeasors are aided in accomplishing their tortious objective by the existence of the agency relation. (…) Were this to satisfy the aided in the agency relation standard, an employer would be subject to vicarious liability not only for all supervisor harassment, but also for all co-worker harassment, a result enforced by neither the EEOC nor any court of appeals to have considered this issue. », 524 U.S. 760 ; supra p. 69.

707 L’arrêt Faragher (524 U.S. 803) renvoie aux réflexions de Estrich (1991, p. 854).

708 524 U.S. 759 ; supra p. 68.

709 524 U.S. 804.

710 « If a supervisor creates a hostile work environment, however, he does not act for the employer.

As the Court concedes, a supervisor’s creation of a hostile work environment is neither within the scope of his employment, nor part of his apparent authority. Indeed, a hostile work environment is anthetical to the interest of the employer. In such circumstances, an employer should be liable only if he has been negligent. » 524 U.S. 767-771, 769, 810-811.

711 Grossman, 2000, pp. 709-711, 718-720, spéc. 704, 729 ; supra pp. 91 ss.

712 Krieger, 2001, p. 172 ; supra pp. 100 ss.

gligence, les employées harcelées par un collègue ne sont soumises à aucune obligation extraordinaire de recourir aux procédures de plainte mises à leur disposition au sein de l’entreprise.

4. Synthèse

Bien que le droit du harcèlement sexuel trouve ses origines dans l’interdic-tion générale de discriminer résultant du Titre II, la règle de responsabi-lité instaurée par la jurisprudence Ellerth-Faragher diffère de celle applicable aux autres discriminations prohibées par cette loi. La possibilité pour l’em-ployeur de renverser la présomption de sa responsabilité lorsque le harcèle-ment n’est pas suivi d’une mesure affectant de manière tangible l’emploi de la victime existe, en effet, uniquement en matière de harcèlement. La preuve libératoire de la jurisprudence Ellerth-Faragher ne se justifie pourtant, ni à la lumière des principes applicables en matière d’auxiliarité, ni à celle des règles générales en matière d’indemnisation. Une utilisation correcte de ces prin- cipes devrait conduire à la reconnaissance d’une responsabilité automatique de l’employeur en cas de harcèlement commis par un supérieur hiérarchique, qui soit applicable même dans les cas où aucune mesure professionnelle n’a été prise à l’encontre de la victime et qui n’ait pas pour effet de placer les personnes harcelées par leur supérieur hiérarchique dans une situation plus difficile que si elles avaient été harcelées par un collègue.

5. Désavantage par rapport aux victimes d’autres discriminations

Afin de respecter sa volonté, énoncée dans l’arrêt Meritor, de ne pas rendre un employeur automatiquement responsable en cas de harcèlement sexuel, la Cour Suprême des États-Unis a adopté une règle de responsabilité qui de-meure basée sur le comportement de l’employeur et qui entraîne pour les vic-times de harcèlement sexuel une obligation implicite de se plaindre713. La res-ponsabilité instaurée par la jurisprudence Ellerth-Faragher place, dès lors, les personnes confrontées à un environnement hostile émanant d’un supérieur hiérarchique dans une situation moins favorable que si leurs plaintes étaient tranchées à la lumière des principes applicables en matière d’auxiliarité et de la doctrine générale des « avoidable consequences »714. L’application d’une règle

713 Voir supra pp. 91 ss, 100 ss.

714 Grossman, 2000, p. 732 ; Krieger, 2001, p. 172 ; voir aussi Oppenheimer (1995, p. 152), selon lequel le fait de libérer l’employeur de sa responsabilité lorsque la victime ne s’est pas plainte, est contraire aux directives de l’EEOC de 1980 et revient à traiter les victimes de harcèlement sexuel moins bien que d’autres victimes de discriminations.

de responsabilité spécifique en cas de harcèlement sexuel désavantage ainsi, sans raison, les personnes harcelées par rapport aux autres plaignant-e-s in-voquant une violation du Titre II. Elle rend de surcroît l’indemnisation des personnes harcelées par leur supérieur hiérarchique plus difficile que celle des personnes harcelées par un collègue dénué de pouvoir hiérarchique.

D. Remarques finales : Objectifs de prévention