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Chapitre 2 : La diffusion d’une norme participative en France et en Allemagne France et en Allemagne

B) Vers une homogénéisation des systèmes de démocratie locale en Allemagne

2) Le panachage des listes et le cumul de voix

Les différents Länder ont inclus des possibilités de panachage de listes et d’ajouts de noms, ce qui a pour effet de modifier la composition des majorités municipales et d’accentuer le choix des personnes plutôt que les choix partisans. Le panachage signifie que l’on peut modifier la composition d’une liste municipale en ajoutant des noms d’une autre liste. Il existe également la notion de cumul des voix qui signifie que l’on peut décider de voter plusieurs fois pour la même personne d’une liste pour accentuer ses préférences, le cumul étant limité (une même personne d’une liste peut être choisie plusieurs fois). Il s’agit en réalité d’un vote à coefficients qui accentue les préférences individuelles dans le choix des électeurs.

La possibilité de panachage des listes existe dans tous les Länder à l’exception de la Rhénanie du Nord-Westphalie, la Sarre, le Schleswig-Holstein2. En Bavière, le panachage existe même pour les élections au Landtag3. Andreas Henke considère qu’en 1994, plus de 90% des électeurs des petites communes du Bade-Wurtemberg ont fait usage de leur droit de panachage et d’ajout des noms4. Paul Tiefenbach considère qu’en Rhénanie-Palatinat, la

1 Ibid., p. 138.

2 Norbert KERSTING, 2004, Die Zukunft der lokalen Demokratie, Modernisierungs- und

Reformmodelle, Frankfurt, Campus Verlag, p. 138.

3 Paul TIEFENBACH, März 2006, « Kumulieren, Panaschieren, Mehrmandatswalkreise – mehr Demokratie beim Wahlrecht ? », Zeitschrift für Parlamentsfragen, p. 116.

4 Andreas HENKE, 1997, « Kumulieren und Panaschieren », in Oscar W. GABRIEL, Frank BRETTSCHNEIDER, Angelika VETTER (Dir.), Politische Kultur und Wahlverhalten in einer

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 144 moitié des électeurs ont fait usage du panachage et du cumul de voix lors des premières élections locales ayant succédé à l’introduction de cette nouvelle règle en 1989, 20% des conseillers municipaux ont dû leur mandat au panachage et au cumul de voix1. Un quart des têtes de liste ont perdu le leadership et la moitié des candidats présents en deuxième ou troisième position ont régressé dans le classement des préférences. En France, les électeurs ne peuvent pas panacher les listes dans les communes de plus de 3 500 habitants : comme ces communes rassemblent les deux tiers des électeurs, on peut en déduire que le panachage des listes ne concerne qu’un tiers des électeurs français. Les électeurs ne peuvent pas effectuer des choix de compétence personnels, dans la mesure où la liste est imposée et où les premiers candidats de la liste sont assurés d’être élus2. En Bavière, le panachage et le cumul des voix a permis au début des années 1990 à 16% des conseillers municipaux de la ville d’Aschaffenburg d’être élus et à 14% des conseillers de Münich, ce qui prouve le brassage occasionné par ce type de procédure3. Là encore, les personnes engagées dans des initiatives citoyennes peuvent capitaliser ce genre d’action par une accession au conseil municipal.

Lors de trois sondages menés par l’Institut de science politique de Stuttgart entre 1993 et 1995 (un sondage auprès des conseillers municipaux de Stuttgart, un sondage auprès de la population de Stuttgart en août-octobre 1994 et un sondage auprès du même échantillon qui avait répondu en juin-août 1995), les raisons du panachage ont été évoquées4. Parmi les 64,8% de répondants qui ont reconnu avoir utilisé le panachage et l’ajout de noms à Stuttgart, 69,2% l’ont fait en jugeant que les personnes élues s’occupaient au mieux des citoyens. Les personnes étant peu intéressées par la politique ont utilisé cette modalité à 57,8% tandis que les personnes très intéressées ont fait usage du panachage et de l’ajout de noms à 74,3%5. Le choix des candidats apparaît bien plus important aux yeux de ces répondants que les simples

1 Paul TIEFENBACH, März 2006, « Kumulieren, Panaschieren, Mehrmandatswalkreise – mehr Demokratie beim Wahlrecht ? », Zeitschrift für Parlamentsfragen, p. 117.

2 Michel KOEBEL, 2006, Le pouvoir local ou la démocratie improbable, Paris, éditions du Croquant, p. 17.

3 Paul TIEFENBACH, März 2006, « Kumulieren, Panaschieren, Mehrmandatswalkreise – mehr Demokratie beim Wahlrecht ? », Zeitschrift für Parlamentsfragen, p. 117.

4 Pour l’analyse de la représentativité des données, du taux des répondants, voir Angelika VETTER, 1997, « Die verwendeten Daten und ihre Repräsentativität », in Oscar W. GABRIEL, Frank BRETTSCHNEIDER, Angelika VETTER (Dir.), Opladen, Westdeutscher Verlag, pp. 277-285.

5 Andreas HENKE, 1997, « Kumulieren und Panaschieren », in Oscar W. GABRIEL, Frank BRETTSCHNEIDER, Angelika VETTER (Dir.), Opladen, Westdeutscher Verlag, pp. 175-176.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 145 thématiques. En d’autres termes, le panachage des listes et l’ajout des noms ne fait que renforcer les préférences personnelles au détriment des identifications partisanes1. Outre les possibilités de panachage, il convient également d’analyser la manière dont les candidatures des maires sont présentées. Alors que dans le Bade-Wurtemberg et la Saxe-Anhalt, les candidats se présentent spontanément et organisent leur propre campagne, la plupart des

Länder ont ajouté à ces candidatures libres la présentation du candidat par un groupe

d’électeurs ou un parti politique local. Dans le Schleswig-Holstein, ou bien le candidat se présente spontanément ou il peut être déclaré par l’intermédiaire d’un parti politique représenté au conseil municipal2.

L’adoption du système du Conseil du Sud se traduit par une plus grande indépendance des maires vis-à-vis des partis politiques locaux, même si cette indépendance est encore relative dans certains Länder, et une tendance à la personnalisation du pouvoir politique

local3. L’introduction de mécanismes plébiscitaires est alors conçue comme

l’institutionnalisation de contre-pouvoirs locaux, permettant occasionnellement aux citoyens de contrôler le développement de certaines politiques locales. L’Allemagne met en évidence une double combinaison des pratiques de démocratie directe avec le système politique : lorsque les partis locaux sont puissants, ils peuvent se saisir des initiatives et des référendums pour s’opposer ou appuyer une politique locale tandis que lorsqu’ils sont faibles, les pratiques acquièrent des effets plébiscitaires, légitimant ou contredisant l’action des maires. De ce point de vue, il existe une similarité certaine entre le cas français et les cas des Länder du Sud dans la mesure où le maire devient la personne centrale du jeu référendaire : soit il lance lui-même un référendum (France) soit il est interpellé par une initiative (Bavière) à laquelle il doit réagir. Le développement des pratiques référendaires a accentué une personnalisation du

pouvoir local en France et en Allemagne avec cependant une différence fondamentale. Alors

que l’introduction des procédures de démocratie semi-directe a succédé à une

1 Paul TIEFENBACH, März 2006, « Kumulieren, Panaschieren, Mehrmandatswalkreise – mehr Demokratie beim Wahlrecht ? », Zeitschrift für Parlamentsfragen, p. 115.

2 Jörg BOGUMIL, Lars HOLTKAMP, 2006, Kommunalpolitik und Kommunalverwaltung, eine

policyorientierte Einführung, Wiesbaden, Verlag für Sozialwissenschaften, p. 63.

3 Jean-Benoît PILET, Kristof STEYVERS, Herwig REYNAERT, Carl DEVOS, 2005, “Three Regions, Three Debates, Three Outcomes? The Appointment of Mayors in Belgium”, in Kristof STEYVERS, Jean-Benoît PILET, Herwig REYNAERT, Pascal DELWIT (Dir.), Revolution or

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 146 parlementarisation du pouvoir local en Allemagne, en France, l’effet plébiscitaire se trouve accentué par l’absence de séparation de pouvoir entre l’assemblée locale et le maire1. La personnalisation du pouvoir local en Allemagne intervient dans un système où les assemblées locales jouent un rôle plus important qu’en France.

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