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Chapitre 2 : La diffusion d’une norme participative en France et en Allemagne France et en Allemagne

B) Étude des référendums partisans

La recomposition des partis politiques en France et en Allemagne a été marquée par un usage de plus en plus fréquent du référendum interne permettant ainsi de légitimer la position majoritaire du parti politique. Par exemple, la refondation d’un nouveau parti à la gauche du SPD donnant lieu à une fusion entre le PDS et le WASG1 d’Oskar Lafontaine a été la source de négociations intenses. Une partie du WASG y est très hostile, en raison de la mauvaise image du PDS, héritier du SED, parti communiste orthodoxe. Un référendum interne a été organisé au sein de la WASG et 78,3% des adhérents ont approuvé la fusion qui a été entérinée lors du congrès de ce même parti le 30 avril 20062. Le référendum interne ne fait pas forcément taire toute opposition interne puisque malgré le résultat de ce vote, les fédérations du WASG de Berlin et de Mecklembourg-Poméranie occidentale ont maintenu leur refus de fusionner avec le PDS.

1) Le référendum au service de la cohérence des attitudes des partis politiques

Le référendum partisan peut prendre l’allure d’une position décisive à adopter sur un problème important ou celui d’un programme à accepter ou à rejeter. Il peut être l’occasion de valider une transformation ou une réorganisation des structures partisanes. Lorsqu’un parti fusionne des courants internes ou lorsqu’il change d’appellation, un référendum peut être organisé auprès des adhérents. Par exemple, en octobre 1997, François Léotard, alors président de l’UDF, avait donné son accord de principe au référendum interne sur la fusion des composantes de l’UDF3. Le Parti Socialiste français a eu recours au référendum interne en décembre 2004 (tout comme les Verts) à propos du référendum sur le projet de traité constitutionnel européen et a désigné sa candidate à la présidentielle lors d’une primaire le 16

1 PDS : Partei des Demokratischen Sozialismus, parti du socialisme démocratique (postcommuniste), WASG : Wahlalternative Arbeit und Soziale Gerechtigkeit, Alternative électorale pour l’emploi et la justice sociale (socialiste de gauche).

2 Adolf KIMMEL, 2006, « Les partis politiques : continuité et changement », La Documentation

française, p. 126.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 114 novembre 2006. Le référendum interne en vue d’un référendum national correspond exactement à ce qu’une élection primaire représente pour une élection nationale L’enjeu est d’assumer une cohérence à partir de débats internes devant trancher une position majoritaire.

Le référendum interne devient une manière d’insuffler de la démocratie au sein des partis politiques tout en risquant de solidifier les clivages, tels que ceux qui sont apparus au sein du PS à propos du projet de traité constitutionnel européen. Le PS a organisé un référendum interne en vue d’adopter une ligne politique pour le référendum portant sur le projet de traité constitutionnel. Malgré le résultat en faveur de l’adoption du traité, les dissonances n’ont pas cessé d’alimenter les querelles internes au parti. Certains partis politiques allemands ont intégré la possibilité du référendum interne. En effet, en 1993, il y eut une consultation (Befragung) au niveau fédéral au sein du SPD pour rendre possible le

référendum partisan (Mitgliederentscheid) sur des questions essentielles (Sachfragen) ainsi

qu’un système des primaires1. La CDU, lors de son congrès de 1995, a modifié ses statuts en y incluant la possibilité de consultations des militants (Mitgliederbefragungen).

Les partis politiques allemands ont depuis le début des années 1990 été affectés par l’extension des procédés de démocratie directe2 au point où l’on peut se demander si ces procédés affaiblissent les structures partisanes. En fait, l’inclusion de pratiques référendaires a des effets différents selon le type de structure partisane, qu’il s’agisse d’un groupe parlementaire lié à des leaders, d’un parti d’activistes organisés sur une base territoriale ou d’un parti créé autour d’un leader3. Lorsque le parti est créé autour d’un leader, le référendum interne a des effets plébiscitaires certains tandis que pour un parti d’activistes, le référendum a tendance à mettre en lumière les divergences.

2) L’apparition de référendums militants locaux

Les écologistes ont eu recours dans les deux pays à des référendums militants

localisés, permettant aux membres de prendre une position forte sur certains sujets tout en

1 Klaus SEIDEL, 1998, Direkte Demokratie in der innerparteilichen Willensbildung, Frankfurt am Main, éditions Peter Lang, p. 228.

2 Susan E. SCARROW, 1997, « Party Competition and Institutional Change: the Expansion of Direct Democracy in Germany », Party Politics, p. 451.

3 Matthew MENDELSOHN, Andrew PARKIN (eds.), 2001, Referendum Democracy, Citizens, Elites

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 115 soignant la démocratie interne1. Ils ont émergé progressivement au début des années 1980 en militant pour une démocratie de base (Basisdemokratie) qui privilégierait l’expression de la base militante du parti. Des référendums militants régionaux ont eu lieu dans les pays comme en Rhénanie du Nord en 1984 et en Ile-de-France en 19922. Les Verts ont toujours milité pour l’institutionnalisation du référendum local tout en pratiquant le référendum militant à l’intérieur de leur parti politique3, que ce soit en Allemagne ou en France. Selon Jérôme Vialatte, « le référendum local est un instrument de débat politique constamment mis en avant par les Verts, en tant que faisant partie de leur patrimoine culturel alternatif, du mythe de la démocratie directe »4. L’usage des consultations locales de militants indique également une territorialisation des partis politiques où des fédérations n’hésitent pas à marquer leur originalité sur certaines politiques à suivre.

De manière plus anodine, nous trouvons des exemples curieux de pratique référendaire partisane liée à des confrontations de projets personnels au sein du parti politique. Ainsi le 19 janvier 2005, le député-maire de Castelnau-le-Lez (Hérault) avait annoncé qu’il organiserait, dans la première quinzaine de mars, un référendum auprès des militants de sa circonscription pour rappeler à l’ordre Nicolas Sarkozy lorsque ce dernier était ministre de l’Intérieur et qu’il critiquait l’action du président Chirac5. Lors d’un entretien téléphonique que nous avons eu avec le responsable de la permanence de Monsieur Grand, celui-ci nous a indiqué que

« Monsieur Grand a fait au début de l’année une demande de référendum local militant pour s’assurer que les militants de la 3e circonscription soutenaient l’action du président de la République [de l’époque]. Il voulait s’assurer la fidélité de ses militants. Il n’est pas allé au terme de sa démarche, des rencontres diverses l’ont apaisé »6.

Il s’agit d’une annonce d’un référendum local partisan, puisqu’un élu choisit d’organiser une consultation locale au sein de sa section pour lancer un signal politique.

1 Noël Mamère a émis l’idée d’un référendum militant dans le cadre de la rénovation du parti et de la structuration des courants internes. Sud-Ouest, 25 juin 2007, p. 5. Le même appel est lancé par des responsables socialistes souhaitant accélérer le calendrier de la rénovation de leur parti.

2 Jérôme VIALATTE, 1996, Les Partis Verts en Europe Occidentale, Paris, éditions Economica, p. 81.

3 Ibid., p. 81. Les référendums d’initiative militante sont prévus dans les statuts des Verts français à la

demande d’un dixième des adhérents.

4 Ibid., p. 175.

5 Le Monde, 19 janvier 2005.

6 Entretien réalisé par nos soins le 21 septembre 2005 avec le responsable de la permanence parlementaire de M. Grand, député-maire de Castelnau-le-Lez.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 116 Ainsi, les référendums sont non seulement défendus dans les programmes des partis mais aussi pratiqués lorsque le parti politique procède à des votes sur des questions importantes. Les circonstances politiques et l’idéologie moins stable des partis politiques ont tendance à favoriser le recours au référendum interne. In fine, le référendum interne peut contribuer à renforcer le débat idéologique au sein du parti (input envers les militants) et à clarifier la position majoritaire au sein du parti politique (output envers l’opinion publique).

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