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Chapitre 1 : L’insertion du référendum dans les systèmes politiques locaux politiques locaux

C) L’autonomie locale au sein du Conseil de l’Europe

Depuis la Charte européenne de l’autonomie locale signée le 15 octobre 1985 à Strasbourg, l’homogénéisation des systèmes politiques locaux et le développement de la participation locale des citoyens sont encouragés au sein des pays membres du Conseil de l’Europe.

1) L’encouragement à la participation locale

L’article 3 de la charte définit l’autonomie locale en y faisant figurer les élections et les référendums :

« Article 3 – Concept de l’autonomie locale

1. Par autonomie locale, on entend le droit et la capacité effective pour les collectivités locales de régler et de gérer, dans le cadre de la loi, sous leur propre responsabilité et au profit de leurs populations, une part importante des affaires publiques.

2. Ce droit est exercé par des conseils ou assemblées composés de membres élus au suffrage libre, secret, égalitaire, direct et universel et pouvant disposer d’organes exécutifs responsables devant eux. Cette disposition ne porte pas préjudice au recours aux assemblées de citoyens, au référendum ou à toute autre forme de participation directe des citoyens là où elle est permise par la loi »1.

Cette charte affirme pour les États membres du Conseil de l’Europe l’importance de la décentralisation et du rôle structurant des collectivités locales en matière de gestion des affaires publiques. Le droit de la participation des citoyens à la vie locale est une valeur fondamentale de cette Charte qui renvoie néanmoins aux différents régimes juridiques pour la

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 102 mise en application de ce principe. L’élection et le référendum ne sont pas opposés, mais sont les deux modes d’expression du suffrage universel direct. L’article 5 de la Charte fait également référence au cas particulier du référendum territorial.

« Article 5 – Protection des limites territoriales des collectivités locales

Pour toute modification des limites territoriales locales, les collectivités locales concernées doivent être consultées préalablement, éventuellement par voie de référendum là où la loi le permet »1.

Cette charte vise à promouvoir la décentralisation territoriale et le principe de libre administration des communes conçus comme les critères d’une bonne gouvernance locale2. Lors du vingtième anniversaire de cette charte, l’objectif de parvenir à un système territorial complètement décentralisé a été réaffirmé avec vigueur. Les procédures de démocratie directe au niveau local sont conçues comme un moyen d’approfondir la démocratisation des systèmes locaux et vont de pair avec la généralisation du principe électif. Cette charte a été élaborée par le Congrès des communes et régions d’Europe, créé par le Conseil de l’Europe et dont les origines remontent à une conférence de 19573. La Conférence des pouvoirs locaux de 1957 est devenue par la suite la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux avant de donner naissance au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe en 1994 où plus de 200 000 collectivités européennes sont représentées.

2) Participation et autonomie locale

La première mouture de la Charte européenne remontait au 18 octobre 1953 dans le cadre des « États généraux des communes d’Europe » lorsque la « Charte européenne des libertés communales » avait été adoptée à Versailles. La Charte a été presque ratifiée par la totalité des 46 États-membres, à l’exception de l’Andorre, de Monaco et de la République de San Marin. Si la France a officiellement signé la Charte dès sa promulgation, elle ne s’est

1 Ibid., article 5.

2 Heinrich HOFFSCHULTE, 2005, « Europäische Kommunalcharta im Licht der Europäischen Verfassung: Charta des Europarates weiter entwickeln », Europa communal, Deutschlands große

Kommunalzeitschrift für Rat, Verwaltung und Wirtschaft, 29 Jahrgang, n°4, pp. 136-139.

3 Rolf DERENBACH, 2005, « Plenarsitzung des Kongresses der Gemeinden und Regionen Europas »,

Europa communal, Deutschlands große Kommunalzeitschrift für Rat, Verwaltung und Wirtschaft, 29

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 103 engagée que récemment par la loi n°2006-823 du 10 juillet 20061 à autoriser l’approbation de la Charte européenne alors que l’Allemagne l’a signée le 15 octobre 1985 puis ratifiée le 17 mai 1988 avant qu’elle n’entre en vigueur le 1er septembre 19882. Ce décalage s’explique certainement par les réticences de certains élus à un approfondissement trop rapide de la décentralisation en cours. Cependant, on peut s’interroger, au moment où l’acte II de la décentralisation a été entériné en 2003, sur les raisons de ce refus d’adopter cette Charte alors que tous les grands États européens l’ont fait depuis un certain temps. On peut penser, à l’instar des réflexions de Nicolas Tenzer, au fait que la France n’ait toujours pas défini clairement sa politique de décentralisation3 ou alors à la différence de degrés entre l’autonomie locale française et la Selbstverwaltung allemande. Selon Gérard Marcou, « l’autonomie communale peut être définie comme une liberté reconnue à une collectivité instituée, ayant pour objet la satisfaction de besoins collectifs et qui s’exerce dans le cadre d’un système d’action public »4 alors que la Loi Fondamentale rappelle que la

Selbstverwaltung signifie « le droit de régler, sous sa propre responsabilité, toutes les affaires

de la communauté locale »5. Le référendum local décisionnel est plus facilement institué dans des pays où l’autonomie locale est la plus forte alors que dans des pays où cette autonomie est limitée, le référendum local n’est pas encouragé, comme s’il risquait de menacer les autorités centrales. Ce point est tout à fait important dans la mesure où les demandes de citoyens auront moins d’impact si les compétences des collectivités locales sont elles-mêmes limitées.

La situation franco-allemande de l’insertion du référendum local permet de présenter une comparaison contrastée entre un pays où les législations locales semblent beaucoup plus favorables au développement de la pratique du référendum local (les Länder allemands) et un pays où la législation propose deux offres référendaires, la consultation locale et le référendum décisionnel. Pour mesurer la variation des modalités d’organisation du

1 Lettre hebdomadaire du Carrefour local n°261 du 27 juillet 2006.

2 Document du Conseil de l’Europe présenté dans Europa communal, Deutschlands große

Kommunalzeitschrift für Rat, Verwaltung und Wirtschaft, 2005, 29 Jahrgang, n°4, p. 145.

3 Nicolas TENZER, 2004, France: la réforme impossible? Paris, éditions Flammarion, pp. 138-141.

4 Gérard MARCOU, 2000, « L’autonomie communale : étude comparative », Pouvoirs, n°95, p. 69.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 104 référendum local en France et en Allemagne, les pays où la tradition référendaire est la plus forte, à savoir les Etats-Unis et la Suisse, ont permis de révéler plusieurs types de situations référendaires. La perturbation du système représentatif est la plus forte lorsque le référendum et l’initiative populaire remettent en cause une décision locale, elles est moindre lorsque le référendum est une proposition voire une suggestion de politique publique. En d’autres termes, le référendum de réaction s’apparente à un veto alors que le référendum de proposition est la mise sur agenda d’une demande citoyenne. Les conséquences sur le développement des politiques locales ne sont donc pas les mêmes. La comparaison des pratiques référendaires sur le plan international a révélé que l’échelle était un facteur à prendre en considération puisque le référendum local et le référendum national ne coexistaient pas forcément. Cette remarque sera amplifiée dans le cadre de la comparaison franco-allemande où l’inversion des échelles est déterminante : là où le référendum national existe (la France), il devient l’une des expressions de la souveraineté nationale alors que le référendum local, malgré son caractère second, est difficilement toléré ; là où le référendum national n’existe pas (l’Allemagne), le référendum local devient l’un des instruments majeurs du répertoire de participation des citoyens au sein de la vie politique locale.

L’institutionnalisation du référendum local n’est donc pas synonyme d’encouragement à la pratique, elle peut même être un frein voire un verrou. La comparaison franco-allemande a pour objectif de déterminer ce point pour évaluer la manière dont les acteurs de ces procédures interprètent le cadre législatif et s’approprient le référendum local. En France et en Allemagne, le référendum relève plutôt d’une norme en extension, c’est-à-dire que l’institutionnalisation du référendum local est à comprendre à la lumière de la diffusion d’une norme participative définie par la nécessité de consulter les membres d’un collectif, que ce collectif soit une collectivité locale, une entreprise, une administration ou un parti

politique. Dans tous ces cas de figure, la consultation reste configurée localement, même si le

terme local n’a pas un ancrage territorial mais institutionnel. L’injonction référendaire dans les deux pays est à resituer au sein de la diffusion de cette norme participative par rapport à laquelle les individus agissent et l’interprètent sans la contredire.

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Chapitre 2 : La diffusion d’une norme participative en

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