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L’élection directe des maires et l’institutionnalisation du référendum local

Chapitre 2 : La diffusion d’une norme participative en France et en Allemagne France et en Allemagne

B) Vers une homogénéisation des systèmes de démocratie locale en Allemagne

1) L’élection directe des maires et l’institutionnalisation du référendum local

présidentialisme municipal en formalisant une demande extérieure qui est prise en considération par les élus et les fonctionnaires territoriaux. Ces contrepouvoirs sont réels si ces mécanismes sont contraignants ; dans le cas inverse, les dispositifs consultatifs ont tendance à légitimer le pouvoir local en présentant le maire comme enclin à la participation des habitants à la vie locale.

B) Vers une homogénéisation des systèmes de démocratie locale en Allemagne

L’élection directe des maires est devenue la règle en Allemagne1. Le référendum local a accompagné une transformation profonde du système de démocratie locale. On remarque que dans tous les Länder, l’élection directe du maire au suffrage universel a suivi ou précédé l’introduction de mécanismes de démocratie directe. Il existe un décalage en Bavière, dans la mesure où l’élection directe date de 1952 alors que les mécanismes plébiscitaires ont été introduits en 1995. En fait, l’introduction de ces mécanismes avait été discutée dans ce Land au début des années 1950 avant d’être ajournée. Pour les nouveaux Länder, les mécanismes plébiscitaires ont accompagné la reconfiguration du pouvoir mayoral car ils précèdent (pour le Brandebourg, le changement est simultané) l’élection du maire au suffrage universel direct.

1) L’élection directe des maires et l’institutionnalisation du référendum local

Les mécanismes référendaires renforcent le lien entre l’exécutif local et les citoyens. La démocratie directe locale permet incontestablement l’affirmation de leaderships locaux2. Le tableau suivant montre la relation existant entre l’élection du maire au suffrage universel direct, l’institutionnalisation du référendum et de l’initiative ainsi que les quorums exigés pour la révocation lorsque celle-ci existe dans le Land. L’évaluation de ces divers éléments permet d’apprécier l’ampleur de la transformation de la démocratie locale allemande.

1 Patrick LE GALÈS, 2003, Le retour des villes européennes, Sociétés urbaines, mondialisation,

gouvernement et gouvernance, Paris, Presses de la FNSP, p. 347.

2 Pierre SADRAN, 2000, « Le Maire dans le cursus politique : note sur une singularité française »,

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 139

Tableau 13 : La transformation de la démocratie locale allemande

Bundesland (date de légalisation des pratiques référendaires locales) Le maire préside le conseil municipal (oui = +, non = -) Election directe du maire depuisi Durée de la mandature Révocation du maire à l’initiative du conseil municipal : quorum Révocation du maire suite à une initiative populaire: quorum Révocation du maire : quorum exigé pour le référendum de révocation Bade-Wurtemberg (1956) + 1956 8 - - - Bavière (1995) + 1952 6 - - - Brandebourg

(1993) - 1993 8 Majorité des deux tiers 25%

ii 25%

Hesse (1993) - 1991 6 Majorité

des deux tiers - 25%

Mecklembourg-Poméranie extérieure (1994)

- 1999

7-9 des deux tiers Majorité - 33,3%

Basse Saxe

(1996)

-iii 1996 5 Majorité

des trois quarts - 25%

Rhénanie du Nord – Westphalie

(1994)

+ 1994 5 Majorité

des deux tiers - 25%

Rhénanie-Palatinat (1994) + 1993 8 Majorité des deux tiers - 30%

Sarre (1997) + 1994 8 Majorité

des deux tiers - 30%

Saxe (1993) + 1994 7 Majorité

des trois quarts 33,3% 50%

Saxe-Anhalt (1993)

+ 1994 7 Majorité des trois quarts

- 30%

Schleswig-Holstein (1990) - 1996 6-8 des deux tiers Majorité 25% 33,3% Thuringe (1993) + 1994 6 Simple

majorité - 30%

Source: (Norbert Kersting, 2004, Die Zukunft der lokalen Demokratie, Modernisierungs- und

Reformmodelle, Campus Verlag, Frankfurt, p.129)

D’après le tableau, trois Länder disposent d’une possibilité d’initiative populaire révocatoire et onze ont défini un quorum d’approbation en cas de révocation, ce qui prouve que malgré tout, l’initiative populaire et le référendum local exercent une pression sur le système représentatif. En fait, la tendance est à l’adoption d’un système mayoral complété par des outils plébiscitaires avec un quorum permettant d’éviter l’instrumentalisation du pouvoir local par des minorités agissantes. Le maire tend à présider le conseil municipal comme en

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 140 France sauf dans certains Länder où il conserve une certaine indépendance vis-à-vis du conseil municipal. L’élection directe du maire au suffrage universel direct ne saurait être considérée comme un outil de démocratie directe. Jörg Bogumil et Lars Holtkamp effectuent une distinction entre Personalentscheidungen (décisions sur des personnes parmi lesquelles ce type d’élection) et les Sachentscheidungen sur des objets de politique publique. Pour eux, la démocratie directe met en évidence une forme spécifique de régulation des conflits ainsi qu’une recherche de décision et inclut ces deux modalités1. Lors d’un entretien avec l’un des responsables de l’association Mehr Demokratie dans le Land du Bade-Wurtemberg, celui-ci a confirmé le fait que si l’élection directe des maires n’était pas un outil de démocratie directe, elle est un acquis démocratique incontestable.

« J’ai vu dans plusieurs ouvrages que l’élection directe des maires était considérée

comme un instrument de démocratie directe, ce n’est pas un peu étonnant non ?

-Non, Mehr Demokratie se bat pour l’introduction des référendums et initiatives et pour la généralisation de l’élection à tous les niveaux, aussi bien sur le plan communal que sur le plan du Kreis. C’est la combinaison qui est un progrès vers plus de démocratie, pas uniquement les éléments pris un par un. Il est évident que l’élection directe des maires est un instrument représentatif »2.

C’est en fait une tradition bien ancrée dans le sud de l’Allemagne et déterminante dans l’auto-administration locale. Depuis 1849, dans le Land du Wurtemberg, il existe une élection directe des maires par les citoyens masculins de plus de 25 ans et qui paient un impôt dans la commune depuis au moins trois ans avant les échéances électorales. Le droit de vote des femmes fut introduit en 1919 pour ce Land qui abaissa alors la majorité électorale à vingt ans. Dans le pays de Bade, les maires sont élus au suffrage universel direct depuis 1891 et ce jusqu’en 1907 avant que des systèmes de nomination par le pouvoir central apparaissent, notamment pour les grandes villes. L’idée est d’assurer une indépendance administrative de la commune vis-à-vis du pouvoir politique. On trouve même dans les pays de Bade et du Wurtemberg une commission citoyenne (Bürgerauschuss) au XIXe siècle chargée

1 Jörg BOGUMIL, Lars HOLTKAMP, 2006, Kommunalpolitik und Kommunalverwaltung, eine

policyorientierte Einführung, Wiesbaden, Verlag für Sozialwissenschaften, p. 45 et p. 102.

2 Entretien réalisé en face-à-face avec Christian Büttner, membre du bureau de l’association Mehr

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 141 d’approuver les décisions d’une grande importance1. Quant au régime d’auto-administration locale, il remonte en fait au XIIe et au XIIIe siècle2. Dans le sud du Land Wurtemberg-Hohenzollern, zone occupée par les Français au sortir de la guerre, un système politique local d’influence française avait été instauré avec en plus l’élection directe des maires qui avait été arrachée au gouverneur français de l’époque : 84,1% des maires élus le 5 décembre 1948 étaient sans étiquette partisane. Avec la fondation du Land du Bade-Wurtemberg en 1952 et l’adoption d’une charte locale dès 1955, des règles spécifiques ont été instaurées, comportant l’élection directe des maires ainsi que des mécanismes plébiscitaires3. Le maire est membre du conseil municipal (§25 al. 1) et préside les séances du conseil municipal, il est élu pour une période de huit ans. Dans le Land bavarois, on retrouve les deux organes principaux de l’administration locale, à savoir le maire élu directement et le conseil municipal élu au scrutin de liste (§29). Le maire est considéré comme étant le premier fonctionnaire de la commune, il dispose d’au moins un ou deux adjoints choisis par le conseil municipal4.

L’organisation institutionnelle allemande n’a jamais été homogène puisqu’on pouvait distinguer au sortir de la Seconde Guerre Mondiale quatre régimes internes, celui du Conseil en Allemagne du Nord, celui du Magistrat en Hesse et au Schleswig-Holstein, celui du maire en Sarre et le système du Conseil en Allemagne du Sud. Le système du Conseil en Allemagne du Nord était connu dans l’ancienne zone d’occupation britannique (Rhénanie du Nord-Westphalie, Basse-Saxe) et a donc été influencé par le système communal anglais, l’idée étant de séparer l’organe chargé de prendre une décision et l’organe chargé de l’exécuter. Le Conseil, élu directement au suffrage universel, dispose d’une compétence de principe, l’administration étant assurée par un directeur élu par le Conseil qui a la faculté de régler les affaires courantes. Le bourgmestre a un titre honorifique et est le président du Conseil. Le système du Magistrat est pratiqué en Hesse, à Bremerhaven, en Basse-Saxe et dans les villes

1 Hans-Georg WEHLING, 2000, « Zur Geschichte der kommunalen Selbstverwaltung im deutschen Südwesten », in Theodor PFIZER, Hans-Georg WEHLING, Kommunalpolitik in Baden-Württemberg,

Landeszentrale für politische Bildung, p. 30.

2 Ibid., p. 23.

3Ibid., p. 37.

4 Manfred WEGMANN, 2001, Die kommunalen Ebenen in Bayern: Kommunal-Ordnungen und

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 142 du Schleswig-Holstein1. C’est un système caractérisé par la présence de deux organes distincts, le Conseil disposant des compétences les plus importantes. Les fonctions exécutive et législative sont séparées, l’exécutif étant à caractère collégial. Le système du bourgmestre est inspiré par le cas français puisqu’on le trouvait sur la rive gauche du Rhin, historiquement occupée par les troupes napoléoniennes (Rhénanie-Palatinat, Sarre). Le bourgmestre était élu au sein du Conseil avant qu’il ne soit élu directement par les citoyens depuis le 11 mai 1994 en Sarre2, le 5 octobre 1993 en Rhénanie-Palatinat et le 22 décembre 1995 dans le Schleswig-Holstein. La Rhénanie du Nord-Westphalie et la Basse-Saxe connaissaient le système du Conseil du Nord de l’Allemagne avant d’avoir adopté le modèle du Sud avec quelques différences notables3.

Certaines études ont montré que les Länder où le maire dispose d’un pouvoir important ont une relation distante à l’égard des partis politiques locaux. En effet, selon des enquêtes réalisées dans les villes d’Arnsberg en Rhénanie du Nord-Westphalie et de Schwäbisch Gmünd dans le Bade-Wurtemberg, 45% des interrogés d’Arnsberg se prononcent pour le renforcement des partis politiques locaux contre 25% à Schwäbisch Gmünd4. Le Land du Bade-Wurtemberg a développé un modèle de démocratie de concordance où les étiquettes politiques importent moins que la personne du maire ; en d’autres termes, le maire affiche moins son appartenance partisane que son homologue de Rhénanie du Nord. C’est pourquoi les répondants du Bade-Wurtemberg ne voient pas la nécessité de renforcer le poids des partis politiques locaux. Du point de vue du développement des pratiques de démocratie directe, la Rhénanie du Nord connaît une situation plus favorable que dans le Bade-Wurtemberg ; les partis politiques locaux étant plus forts, ils peuvent contribuer au lancement d’initiatives ou parrainer une demande de référendum.

1 Xavier VOLMERANGE, 2004, « Les mécanismes de la démocratie locale en Allemagne », dans Stéphane GUÉRARD (dir.), Crise et mutation de la démocratie locale en Angleterre, en France et en

Allemagne, Paris, éditions L’Harmattan, pp. 325-358.

2 Selon le §42 al 1, phrase 2 du code communal de la Sarre, le bourgmestre ne dispose toujours pas de droit de vote au sein du Conseil.

3 Selon le §36 al.3 phrase 2 du code communal de la Rhénanie-Palatinat, le bourgmestre a un droit de vote au sein du Conseil, mais celui-ci reste limité aux affaires de la compétence du bourgmestre et de ses adjoints.

4 Lars HOLTKAMP, Jörg BOGUMIL, Leo KIβLER, 2006, Kooperative Demokratie, Das politische

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 143 Selon les études menées par Lars Holtkamp, Jörg Bogumil et Leo Kiβler, 90% des maires du Bade-Wurtemberg ayant une étiquette politique refusent de la mettre en avant ou de s’y référer d’une quelconque manière lors de la campagne précédant leur élection alors qu’en Rhénanie du Nord Westphalie, 70% des maires la mettent en avant1. Les maires rhénans consacrent plus de temps à établir des contacts avec la fraction de leur parti représentée au conseil, la démocratie de ce Land tendant vers un modèle de concurrence partisane. Si l’institutionnalisation du référendum local a accompagné une transformation des systèmes de démocratie locale et une relative harmonisation de leur profil en Allemagne, le système politique local varie d’un Land à l’autre selon le poids des partis politiques locaux.

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