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A) L’institution du référendum local

2) Les contours du référendum local en France et en Allemagne

En Allemagne, la demande de référendum (Bürgerbegehren ou Ratsbegehren, suivant l’origine de l’initiative) est distinguée du moment de la décision populaire au moment du vote (Bürgerentscheid)4. Le référendum local est construit en plusieurs phases : s’il provient d’une initiative populaire, on distingue d’abord la phase d’élaboration de la question (Bürgerinitiative), ensuite l’initiative populaire proprement dite (collecte de signatures et

1 Dictionnaire universel d’Antoine Furetière, 1984, tome I, Paris, Le Robert, article « comparaison ».

2 Abraham A. MOLES, 1990, Les sciences de l’imprécis, Paris, Seuil, p. 177.

3 Vincent HOFFMANN-MARTINOT, 2003, « Rôle et transformation des partis politiques urbains », dans Terry Nichols CLARK, Vincent HOFFMANN-MARTINOT (dir.), La nouvelle culture politique, Paris, L’Harmattan, p. 264.

4 Bürgerbegehren signifie littéralement demande de référendum, Bürgerentscheid veut dire décision populaire, c’est-à-dire référendum local. Ratsbegehren signifie que la demande de référendum provient des autorités municipales et non des citoyens.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 44 demande d’un référendum soit Bürgerbegehren), ensuite vient le moment du vote populaire (Bürgerentscheid) et enfin l’évaluation de la question (échec ou succès en comparant le résultat du vote à la volonté de l’initiateur). Nous sommes alors soit dans un rythme quaternaire pour le référendum d’initiative populaire, soit dans un rythme ternaire (demande de référendum par les autorités, décision populaire, évaluation du résultat). L’initiative citoyenne (Volksinitiative au niveau du Land) n’est qu’une étape préliminaire qui permet à un problème d’être formulé pour pouvoir ensuite être transformé en demande de référendum1. Du point de vue de la terminologie, la décision populaire (Bürgerentscheid pour la commune ou le Kreis, Volksentscheid pour le Land) signifie que le référendum provient d’une demande préalable formelle de référendum déposée soit par le conseil municipal soit par les citoyens (on a alors un référendum d’initiative populaire)2. Yannis Papadopoulos fait remarquer à juste titre que l’expression « référendum d’initiative populaire » est très inexacte en ce qu’elle confond deux procédures, l’initiative qui pointe un manque et le référendum qui permet d’inclure ces manques et de les adapter à la législation existante3. Le terme allemand désignant de manière neutre une votation populaire est Abstimmung (on trouve le terme

Gemeindeabstimmung en suisse allemand). En France, lorsque l’on évoque le terme de

« référendum », on parle du vote lui-même, la langue ne possède pas un terme permettant de définir la demande référendaire. Le référendum fonctionne comme élément médiateur capable de mettre en relation un collectif donné avec ses représentants à propos d’une décision importante.

Il importe de savoir qui contrôle cette procédure, quand elle a été réellement implantée au niveau local, dans quelles zones géographiques elle a été favorisée, comment elle a été intégrée au discours participatif et pourquoi elle subit un traitement législatif particulier. Le débat qui rappelle la joute profonde opposant les Fédéralistes

1 Lors d’une conférence prononcée par une responsable du Landtag de Thuringe (Christine Lieberknecht) à l’Institut de la démocratie directe de Dresde le 31 mai 2006, cette dernière a insisté sur le processus temporel d’une initiative au niveau du Land. Selon elle, l’initiative est une étape préliminaire (Vorstufe) qui ne peut en aucun cas être assimilée à une procédure de démocratie directe, dans la mesure où elle est incomplète. En d’autres termes, c’est une pétition qui prend de la valeur lorsqu’elle est convertie en demande de référendum. Ce passage initial n’est pas à négliger dans l’élaboration de la question référendaire.

2 Beate RUDOLF, 1998, « Référendum et fédéralisme allemand », dans Henry ROUSSILLON (dir.),

Référendum et démocratie, Toulouse, Presses de l’Université de sciences sociales, pp. 167-191.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 45 américains, partisans d’une représentation indépendante de la volonté des électeurs et les Anti-Fédéralistes soucieux de ne pas rabattre la représentation à une simple opération élective1, implique de saisir en quoi l’instrument référendaire participe d’une mutation du

principe représentatif. Il existe une appréciation différente du processus référendaire qui est

souvent en France la mesure de l’acceptation d’un projet alors qu’en Allemagne le référendum intervient la plupart du temps comme réaction à une décision locale, certains

Länder ayant défini le laps de temps pendant lequel une initiative populaire contestant une

décision locale pouvait être lancée. En comparant la mise en œuvre du scénario référendaire, nous comprenons comment les acteurs réagissent ou se projettent dans le temps politique local.

L’étude de la phénoménologie temporelle du référendum local devient essentielle car

dans certains cas, il est une réaction voire une demande de modification de politique publique alors que dans d’autres cas, il associe en amont des citoyens à la définition d’un projet. La comparaison franco-allemande permet en fait de distinguer l’état des pratiques

dans dix-sept législations différentes, l’Allemagne étant un État fédéral à tendance centralisatrice2 comprenant seize Länder depuis la Réunification et la France un État unitaire à vocation décentralisée. En Allemagne, la Loi fondamentale garantit le droit des autorités municipales de réglementer les affaires locales (article 28, §2) ; les autorités municipales peuvent lever des impôts et bénéficient aussi de paiements compensatoires en percevant notamment 15% des recettes nationales au titre de l’impôt sur le revenu ; elles sont constituées en association politique à l’échelle de la nation et entretiennent surtout des relations avec les Länder3. En France, la Constitution de la Ve République a défini l’ensemble des échelons locaux par le terme de « collectivités territoriales » (communes, départements, régions, collectivités à statut particulier et collectivités d’outre-mer) à l’article 72 en précisant qu’elles « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures ; la loi

1 Bruce ACKERMANN, 1991, We the people, I Foundations, Harvard University Press, 1998, We the

people, II Transformations, Harvard University Press.

2 Rapport du GRALE, janvier 2003, « Les régions entre l’Etat et les collectivités locales, étude comparative de cinq Etats européens à autonomies régionales ou constitution fédérale (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Royaume-Uni) », Ministère de l’Intérieur, Centre d’Eudes et de Prévision, p. 7.

3 Roger GIBBINS, mars 2001, « La gouvernance locale dans les systèmes politiques fédéraux », Revue

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 46 peut les autoriser à en fixer l’assiette et le taux dans les limites qu’elle détermine » (article 72-2).

Il est important de mesurer l’efficacité de l’instrument référendaire au sein de ces dix-sept législations et non pas de se restreindre à une comparaison générale de l’inscription du référendum local dans deux contextes nationaux. Les variations régionales permettent de

ne pas se limiter à une comparaison des cadres nationaux, mais plutôt d’identifier la manière dont le moment référendaire est défini au sein des espaces publics locaux.

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