• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : La diffusion d’une norme participative en France et en Allemagne France et en Allemagne

B) L’invocation référendaire comme motif récurrent du discours politique

3) La demande de référendum fédéral en Allemagne

En Allemagne, la discussion sur l’institutionnalisation d’un référendum fédéral ravivée au moment de la campagne référendaire sur le projet de traité européen en France, pose d’une certaine manière la question de l’identité politique du peuple allemand. En Allemagne, la demande d’un référendum sur le projet de Constitution européenne a clairement pris de l’ampleur au moment des élections européennes de juin 2004. Le FDP3, les Verts4 et le PDS5 ont exigé un référendum permettant de soumettre au vote populaire les

1 http://www.npd-burgenland.de/PDF%20Wahl%20BLK.pdf, site consulté pour la dernière fois le 10 février 2007.

2 Dominique ROUSSEAU (dir.), 1995, La démocratie continue, Bruxelles, éditions Bruylant, p. 16.

3 « Die FDP hatte einen Gesetzentwurf eingebracht, der die rechtlichen Voraussetzungen für einen

Volksentscheid über den EU-Verfassungsvertrag schafft. SPD, CDU/CSU und Grüne haben diesen Antrag mehrheitlich abgelehnt » (Le FDP avait introduit une proposition de loi qui crée les conditions

juridiques pour un referendum sur le traité constitutionnel), dans Wir können Europa besser! –Für ein

freies und faires Europa-, Programm der FDP zur Europawahl 2004, décidé lors du Congrès de

Sarrebrücke, le 17 janvier 2004, p. 6. Le FDP a rappelé la nécessité d’une democratisation des institutions européennes, http://files.liberale.de/fdp-wahlprogramm.pdf, p. 46, site consulté la dernière fois le 11 février 2007.

4 « Europa grün gestalten ». Europawahlprogramm 2004 von Bündnis 90/Die Grünen.

5 « Alternativen sind machtbar: Für ein soziales, demokratisches und friedliches Europa ! »,

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 173 résultats de la Convention européenne, alors que le CDU1 et le SPD2 y étaient opposés, réaffirmant par là même une tradition hostile à l’usage du référendum au niveau fédéral depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Parmi ces partis, seul le PDS s’est prononcé contre l’adoption de ce projet de Constitution. Cependant, excepté le PDS, les partis politiques peinent à avoir une position cohérente à l’égard du référendum national. En effet, à la variable partisane s’ajoute le niveau de responsabilité politique de l’élu. L’ex-chancelier Gerhard Schröder, ainsi que le secrétaire du SPD, Franz Müntefering ont rappelé le fait que la Constitution excluait le recours à un référendum fédéral, alors même que des responsables du SPD en Basse-Saxe (Sigmar Gabriel), en Sarre (Heiko Maas), à Hambourg (Michael Neumann), en Thuringe (Christophe Matschie) et en Bavière (Franz Maget) ont contredit la ligne du parti. Le président du Bundestag lors de la 14e législature, Wolfgang Thierse, et le vice-président du groupe parlementaire SPD ont suggéré la possibilité de faire ratifier le projet de Constitution européenne par les citoyens. Cela n’a pas empêché la fraction rouge / verte (SPD, Verts) de rejeter la proposition du FDP visant à organiser un référendum sur le projet de Constitution3 alors même qu’elle avait proposé une loi le 12 mars 2002 sur l’introduction de la pétition, l’initiative populaire et le référendum au niveau national4. L’argumentation contre le projet du FDP était la suivante :

« La FDP vient avec une vieille casquette, qu’elle croit pouvoir vendre seulement parce que le débat sur la Constitution européenne renaît – et naturellement parce que le 13 juin de cette année il y a les élections européennes pour lesquelles elle veut se donner un profil populiste ; mais ce n’est pas une contribution sérieuse »5.

Certes, les stratégies politiques causent des distorsions dans les positions des partis, le groupe parlementaire de la SPD expliquant que si elle avait introduit l’idée d’un référendum

1 Europa-Manifest der CDU. Beschluss der Bundesvorstands der Christlich Demokratischen Union

Deutschlands am 22. März 2004, Berlin.

2 Europamanifest der SPD. Europadelegiertenkonferenz am 16. November 2003, Berlin, 2003.

3 Rüdiger VEIT, Séance plénière du Bundestag du 28 mai 2004, discussion du projet d’introduction du

référendum sur une Constitution européenne,

http://www.spdfraktion.de/cnt/rs/rs_dok/0,,29854,00.html. Site consulté le 25 mai 2005.

4 Deutscher Bundestag, 14e législature, Projet de loi des députés Hermann Bachmaier, Peter Struck, de la fraction SPD et des députés Gerald Häfner, Kerstin Müller et de la fraction Bündnis 90/ les Verts, n°14/8503.

5 Rüdiger VEIT, Séance plénière du Bundestag du 28 mai 2004, discussion du projet d’introduction du référendum sur une Constitution européenne, traduit en français par nous,

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 174 national sur différentes sortes de projets, il n’était pas souhaitable d’improviser un référendum exceptionnel à la dernière minute et qu’on ne pouvait sans cesse jouer sur l’invocation référendaire à des fins politiciennes. Par la même occasion, la SPD a rappelé sa volonté de débattre de questions fondamentales concernant les domaines référendaires possibles, les conditions que les initiatives populaires devraient remplir au niveau national pour ne pas être instrumentalisées (initiatives législatives et constitutionnelles), les taux de participation et d’approbation requis. La CDU a également été divisée concernant le recours au référendum sur le projet de traité sur la Constitution européenne. La secrétaire de la CDU lors de la 14e législature a refusé un référendum sur ce type de question alors que les ministres-présidents de Bavière (Edmund Stoiber, CSU), de Sarre (Peter Müller), de Saxe-Anhalt (Wolfgang Böhmer) et de Thuringe (Dieter Althaus) se sont clairement prononcés pour.

Il n’existe pas de possibilité de référendum au niveau national sauf en cas de « restructuration du territoire fédéral » prévue par la Loi fondamentale. Le régime fédéral est d’ailleurs garanti par la Loi fondamentale puisque selon l’article 79 alinéa 3 de la Loi fondamentale, « toute modification de la présente Loi fondamentale qui toucherait à l’organisation de l’État en Länder, au principe du concours des Länder à la législation ou aux principes énoncés aux articles 1er et 20 est interdite »1. Contrairement au droit constitutionnel français (article 3 de la Constitution de 1958), le droit allemand ne reconnaît pas d’expression directe de la souveraineté populaire au niveau de la Fédération. Le référendum n’est donc pas reconnu comme mode d’expression de la souveraineté nationale. Une enquête a été réalisée sur les souhaits d’une modification de la Constitution en 1991 dont les résultats sont présentés dans le tableau suivant2.

Tableau 16 : Désirs de modifier la Loi Fondamentale

Thème Nouveaux Länder Anciens Länder Différence Nouveaux

Länder – Anciens Länder

Protection de

l’environnement 91% 83% +8

1 Thierry RAMBAUD, 2 février 2007, « "Das Volk" en droit constitutionnel allemand », Sens Public,

http://www.sens-public.org/spip.php?article386

2 Dieter FUCHS, 1997, « Welche Demokratie wollen die Deutschen? », in Oscar W. GABRIEL (Dir.),

Politische Orientierungen und Verhaltensweisen im vereinigten Deutschland, Opladen,

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 175 Participation directe,

référendums législatifs 79% 66% +13

Structures fédérales : plus de droits et d’argent pour les Länder

74% 48% +26

Source : d’après NOELLE-NEUMANN / KÖCHER, 1993, Allensbacher Jahrbuch der Demoskopie

1984-1992, Münich, K.G. Saur, Volume 9, p. 567 (le nombre de répondants n’a pas été précisé)

Selon les résultats de cette enquête menée dans les deux catégories de Länder, le désir d’avoir une modification de la Constitution incluant le référendum fédéral est plus fort à l’Est qu’à l’Ouest de même que la redistribution des pouvoirs et des moyens de la Fédération aux

Länder. L’inclusion de préoccupations environnementales est également souhaitée ; or, les

répondants privilégiant cette inclusion sont le plus souvent sensibles aux thématiques participatives. La possibilité du référendum fédéral a constamment été discutée depuis le début des années 19901 et nécessiterait en soi une révision de la Loi fondamentale. Le 7 juin 2002, la proposition instituant le référendum fédéral a échoué car le quorum des deux tiers du Parlement n’a pas été atteint pour pouvoir la ratifier2. La Réunification n’a pas abouti à la restauration du référendum fédéral ; en 1992, la Commission Jointe avait été installée par le Bundestag et le Bundesrat pour préparer les amendements de la Constitution fédérale (Grundgesetz) issue de la Réunification3. La majorité conservatrice avait alors nettement rejeté l’introduction du référendum fédéral4. Les controverses sur ce sujet réapparaissent et de nombreux responsables politiques prennent position sur la nécessité ou non d’avoir un

Volksentscheid au niveau de la fédération.

Documents relatifs