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Éloge du référendum comme remède à l’indifférence politique en France

Chapitre 2 : La diffusion d’une norme participative en France et en Allemagne France et en Allemagne

B) L’invocation référendaire comme motif récurrent du discours politique

1) Éloge du référendum comme remède à l’indifférence politique en France

En France, depuis la fin des années 1970, un certain nombre d’hommes politiques plaident pour l’utilisation plus fréquente des référendums nationaux et l’intégration du référendum local. Ce refrain se retrouve dans un nombre non négligeable de professions de foi de candidats à l’élection présidentielle ou d’anciens responsables politiques. Tous les courants politiques s’accordent à conférer un statut au référendum local au sein de la démocratie participative. Par conséquent, la mythologie d’une participation locale3 est valorisée dans les discours politiques, comme si la forme référendaire permettait d’accroître la participation politique en luttant contre l’abstentionnisme et la désaffection à l’égard de

1 Nicos POULANTZAS, 1982, Pouvoir politique et classes sociales, Paris, éditions Maspero (1ère

édition, 1967), p. 263.

2 Bruno LATOUR, 2004, « Et si l’on parlait un peu politique ? », dans Alain BLANC et Alain PESSIN (dir.), L’Art du terrain, Mélanges offerts à Howard S. Becker, Paris, L’Harmattan,, p. 274.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 156 l’action des gouvernants. On retrouve une demande constante d’institutionnalisation de référendum d’initiative populaire au niveau national. Par exemple, Valéry Giscard d’Estaing écrivait en 1984 :

« Le référendum d’initiative populaire vise une autre situation : celle où le pouvoir politique a proposé, et le Parlement accepté, une loi sur laquelle l’opinion publique veut revenir et demander l’abrogation. On imagine que cela pourrait être le cas, par exemple, d’une loi restreignant la liberté des parents concernant le choix de l’école de leurs enfants. Ici encore des conditions devraient être exigées pour éviter le risque de multiplication des référendums, en particulier un nombre élevé de signatures d’électeurs provenant de plusieurs départements »1.

Dans ce cadre, le référendum d’initiative aurait pour fonction d’interpeller le pouvoir central afin de lui faire part d’un certain nombre de problèmes récurrents rencontrés par la population, le tout étant de contrôler cette demande de part en part. Plus on remonte les échelons, plus l’initiative populaire doit toucher un collectif plus grand, ce qui présente l’avantage d’éliminer toute revendication spécifique d’un groupe particulier. La réforme institutionnelle envisagée par les hommes politiques via l’extension de l’outil référendaire est la réorganisation des pouvoirs locaux et leur dialogue avec le pouvoir central. C’est bien dans le sens de l’association de la population aux décisions qu’un consensus est recherché afin de pacifier les relations sociales. La demande de référendum d’initiative populaire a été relayée en France par des projets de loi d’origine parlementaire tentant de l’institutionnaliser. Une proposition de loi constitutionnelle n°422 a été déposée le 2 juin 1983 par Charles Pasqua et d’autres membres du groupe RPR afin de modifier l’article 11 de la Constitution et d’y introduire le référendum d’initiative populaire. Le taux de signatures de 500 000 électeurs y est retenu avec le parrainage de 500 élus tandis que la proposition de loi constitutionnelle n°842 déposée le 11 juin 1987 à l’Assemblée Nationale par Yvan Blot (Front National), Jacques Hersant (RPR) et Jacques Médecin (RPR) souhaitait modifier les articles 10, 11 et 72 de la Constitution afin d’instituer le référendum d’initiative populaire avec le quorum de 5% des électeurs. Le groupe du Front National a également fait une proposition de loi constitutionnelle n°972 le 21 octobre 1987 en vue de l’institutionnalisation du référendum d’initiative populaire2. Ce sont à l’époque des parlementaires de l’opposition qui avaient demandé l’institutionnalisation du référendum d’initiative populaire.

1 Valéry GISCARD D’ESTAING, 1984, Deux Français sur trois, Paris, Flammarion, pp. 144-145.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 157 Le référendum est souvent vu comme un instrument permettant de dénouer des conflits qui se prolongent, il consacre la règle majoritaire tout en respectant les minorités1. En 2002, le candidat à la présidentielle Lionel Jospin déclarait pour sa part :

« Il serait également souhaitable de développer la possibilité de référendums locaux et régionaux qui n’auraient certes qu’un caractère consultatif mais qui éclaireraient utilement les décisions »2.

Le référendum local ne peut pas avoir des conditions favorables lorsque la décentralisation elle-même subit des difficultés structurelles. Jacques Delors, ex-commissaire européen, estime qu’une décentralisation véritable irait dans le sens d’une participation accrue des citoyens.

« Je continue à penser, déclare-t-il dans un entretien réalisé en 2000, que la démocratie d’opinion est une mauvaise chose et qu’il faut donc des intermédiaires, des relais, de la démocratie à portée de main en quelque sorte »3.

Le journaliste lui demande ce qu’il ferait à propos de la Corse, s’il était en responsabilité. « Je pense que j’organiserais un référendum, répond-il. Je ferais un référendum en Corse, avec deux ou trois questions bien posées, après avoir diffusé un document signifiant ce que représenteraient l’indépendance, l’autonomie dans une France vraiment décentralisée qui reste à faire, ou bien dans le maintien du statu quo »4.

Sa réponse est sans ambages car le référendum est un instrument permettant de trancher de problèmes politiques. Ainsi le référendum régional aurait des conséquences au niveau national et aurait pour mérite d’approfondir la question de la décentralisation.

Ces prises de position personnelles sont divergentes au sein des partis, même si ceux-ci promeuvent un accroissement de la participation politique locale et nationale. Autant les partis politiques valorisent à l’unisson la démocratie participative, autant les désaccords surgissent lorsque l’on détaille les caractéristiques du référendum local. Suivant les

1 La règle majoritaire et le respect des minorités ne sont pas forcément contradictoires. Lorsqu’une règle est établie, rien n’empêche qu’elle soit remise en question ni que la minorité d’hier gagne la majorité des voix sur une question. Il faut bien comprendre que le référendum s’envisage du point de vue de la majorité dégagée et aussi du droit des minorités à lancer un référendum suivant le quorum établi. Angelika VETTER., 2002, Lokale Politik als Ressource der Demokratie in Europa ? Opladen, Leske+Budrich, p. 148.

2 Lionel JOSPIN, 2002, Le temps de répondre, Entretiens avec Alain Duhamel, Paris, éditions Stock, p. 206.

3 Jacques DELORS, 2000, « Le territoire repensé », Panoramiques, n°49, p. 9.

Christophe Premat – « La pratique du référendum local en France et en Allemagne » 158 distributions électives et les territoires considérés, le référendum n’a pas la même tonalité pour l’élu local. Ainsi Jean Glavany met en garde l’utilisation de référendums d’initiative populaire tels qu’ils avaient été souhaités par François Mitterrand, dans sa Lettre aux

Français de 19881. C’est bien en tant qu’élu local qu’il réagit. À droite, d’aucuns, à l’instar de Pierre Mazeaud2, regrettent que l’extension de cette procédure aille dans le sens d’un dessaisissement des pouvoirs du Parlement et d’une autonomie des pouvoirs locaux. La réflexion sur l’institutionnalisation des référendums locaux a pris place au sein d’un débat constitutionnel ayant abouti à la révision du 28 mars 2003, dans laquelle le référendum local décisionnel a été reconnu pour la première fois3.

2) Le renouvellement du pacte démocratique au moment des campagnes

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