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Nature des preuves scientifiques

Dans le document Td corrigé ORGANISATION MONDIALE pdf (Page 32-35)

E. A RTICLE 2:2

2. Nature des preuves scientifiques

4.53 Les États-Unis ont fait valoir que ce qui pouvait parfois apparaître comme un différend très technique portait en fait sur une réalité biologique simple: les pommes mûres n'entraient pas dans le cycle de la maladie du feu bactérien. En conséquence, il n'y avait pas de preuve scientifique que les pommes mûres avaient jamais transmis le feu bactérien ou pouvaient constituer une filière de cette maladie. Comme les importations de pommes mûres ne représentaient aucun risque pour la préservation des végétaux sur le territoire japonais, la restriction des importations de pommes aux pommes mûres (la marchandise exportée) était une mesure qui était raisonnablement applicable et permettait d'obtenir le niveau de protection jugé approprié par le Japon.

4.54 Le Japon a maintenu qu'un risque s'entendait généralement d'un événement négatif et stochastique, dont la probabilité devait être évaluée sur la base d'observations antérieures. Les États-Unis faisaient erreur parce qu'ils limitaient trop le champ des "observations", c'est-à-dire aux seules preuves "directes" établissant l'existence d'une filière. Rien dans l'Accord SPS ne limitait le type de preuves visées à l'article 2:2 aux seules preuves "directes"; l'article faisait uniquement

référence aux "preuves scientifiques". De plus, en matière de protection phytosanitaire, il se pourrait qu'il n'y ait pas de telles preuves "directes". Il y avait toujours un risque même s'il n'y avait pas de preuve "directe" de l'existence d'une filière et, pour évaluer le risque, le champ de l'enquête devait être étendu pour inclure diverses observations "indirectes". Compte tenu des difficultés inhérentes à l'identification d'une cause précise de la dissémination, il était fort improbable que quiconque puisse découvrir un élément de preuve direct. Le risque qu'il existe une filière devait être évalué sur la base d'observations indirectes. Écarter ces éléments de preuve indirects n'était pas scientifique.

4.55 Les États-Unis ont allégué que le Japon n'avait pas pu identifier la moindre preuve scientifique établissant que les importations de pommes représentaient un risque d'introduction du feu bactérien au Japon. Les preuves scientifiques que les pommes représentaient un risque d'introduction du feu bactérien au Japon auraient pu être: 1) des preuves que les fruits avaient en fait introduit la maladie dans d'autres zones; et 2) des preuves que les fruits étaient une filière d'introduction.

S'agissant du premier point, le Japon n'avait pas identifié de preuves établissant que les importations de pommes avaient jamais transmis E. amylovora à une zone nouvelle. S'agissant du deuxième point, le Japon n'avait pas identifié chacune des étapes nécessaires pour que les pommes importées constituent une filière hypothétique (par exemple les cinq étapes mentionnées par la Convention internationale pour la protection des végétaux)47, ni cité les preuves scientifiques sur lesquelles il se fondait pour établir que chaque étape de la filière hypothétique serait franchie. Le Japon n'avait pas identifié de preuves établissant qu'il était probable que les pommes pourraient introduire le feu bactérien au Japon parce que ces preuves n'existaient pas. Les États-Unis estimaient que les experts scientifiques avaient unanimement dit qu'il n'y avait pas de preuve scientifique que le commerce des pommes avait jamais constitué un moyen d'introduire le feu bactérien dans une nouvelle zone. Les experts avaient aussi unanimement confirmé qu'il n'y avait pas de preuve scientifique qu'une quelconque filière hypothétique serait suivie jusqu'au bout.

4.56 Le Japon a fait valoir qu'il fallait faire une distinction entre les preuves scientifiques

"directes" et "indirectes". Une preuve "directe" s'entendait d'une découverte scientifique probante, par exemple la transmission d'E. amylovora et du feu bactérien par les pommes. Des preuves "indirectes"

montraient que les pommes contaminées pouvaient passer par chacune des étapes nécessaires pour causer en fin de compte le feu bactérien dans le pays importateur. Si l'interprétation des États-Unis était correcte, les Membres importateurs seraient autorisés à se protéger uniquement contre les filières de dissémination connues et établies et aucune autre mesure ne pourrait être prise. Conformément à cette argumentation, le Japon estimait qu'il serait privé de toute protection phytosanitaire contre la maladie parce que la filière exacte de dissémination transocéanique de la maladie n'avait pas été complètement établie. Par exemple, il n'y avait pas de preuves directes établissant que les pommes

"non mûres présentant des symptômes" constituaient une filière. Il n'était toutefois pas raisonnable que le Japon soit forcé d'accepter des envois de pommes atteintes du feu bactérien au titre de l'Accord SPS simplement parce qu'il n'y avait pas de preuves "directes" établissant l'existence d'une filière.

4.57 Les États-Unis ont allégué que le Groupe spécial devrait examiner non pas si les preuves étaient directes ou indirectes mais si elles étaient scientifiques.48 L'article 2:2 de l'Accord SPS disposait qu'un Membre ferait en sorte qu'une mesure SPS ne soit pas maintenue "sans preuves

47 Op. cit., NIMP n° 11, paragraphes 2.2.1.1 à 2.2.1.5.

48 Les États-Unis ont noté que, dans leur première communication écrite, ils avaient dit ce qui suit:

"Les preuves que le Japon cite sont des preuves circonstancielles et non directes ou scientifiques, et le Japon ne procède à aucune évaluation de l'efficacité relative de cette mesure pour ce qui est de réduire la probabilité d'entrée ou le risque global de maladie" lorsqu'il examine les preuves qu'il a citées pour étayer sa prescription voulant que les conteneurs utilisés pour la récolte soient traités au chlore. Les États-Unis ont précisé que si l'utilisation du terme "directes" dans ce passage avait abouti à l'invocation répétée des termes "indirect" et

"direct" par le Japon, ils regrettaient que cela ait fait perdre du temps au Groupe spécial et ils se contenteraient de faire simplement valoir que des preuves "circonstancielles" n'étaient pas des preuves "scientifiques".

scientifiques suffisantes". L'expression "preuves scientifiques" n'était pas définie dans l'Accord SPS mais pouvait être interprétée selon le sens ordinaire des termes dans leur contexte et à la lumière de l'objet et du but de l'Accord. "Preuve" s'entendait de "quelque chose servant à prouver".49

"Scientifique" était défini comme "étant relatif à, appartenant à, ou étant de la nature de la science;

fondé sur, réglementé par ou participant de l'application de la science ...; valable selon les principes objectifs de la méthode scientifique".50 La "méthode scientifique" s'entendait d'"une façon de procéder qui caractérisait la science naturelle depuis le XVIIe siècle et consistait en l'observation systématique, l'expérimentation et la modification des hypothèses".51 Par conséquent, on devrait entendre par "preuve scientifique" quelque chose servant à prouver valablement selon les principes objectifs de la méthode scientifique, considérée comme l'observation systématique, l'expérimentation et la modification des hypothèses. Les États-Unis n'ont pas affirmé que les preuves suffisantes pour que le Japon maintienne ses mesures contre le feu bactérien devaient être directes ou qu'elles ne pouvaient pas être indirectes mais que, au titre de l'article 2:2, ces preuves devaient être scientifiques, c'est-à-dire valables selon les principes objectifs de la méthode scientifique.

4.58 Le Japon a rappelé que les États-Unis alléguaient que les prescriptions phytosanitaires qu'il appliquait actuellement avaient été maintenues sans preuves scientifiques suffisantes dès 1994 et que le Japon s'était trouvé en situation de violation de l'Accord SPS à l'entrée en vigueur de l'instrument en 1995. Toutefois, la mesure actuelle avait été établie sur la base d'un accord conclu entre les deux gouvernements afin de permettre l'importation des pommes américaines tout en empêchant l'introduction d'E. amylovora avec une mesure équivalant sur le plan de la sécurité à une interdiction d'importer. Il n'était pas raisonnable de la part des États-Unis d'alléguer maintenant que les preuves étaient insuffisantes dès le départ.

4.59 Les États-Unis ont fait observer qu'ils avaient accepté les mesures contre le feu bactérien imposées par le Japon en 1994 car elles étaient préférables à une interdiction pure et simple des importations de pommes, bien qu'ils aient été conscients que les preuves scientifiques n'étayaient pas les restrictions du Japon. Ils n'avaient jamais reconnu la compatibilité de ces mesures avec les obligations contractées par le Japon dans le cadre de l'OMC.

4.60 Le Japon a dit que ce n'était qu'au cours de la procédure qu'il avait eu accès à de nouveaux renseignements qui pourraient justifier une nouvelle évaluation des risques à la lumière de la possible insuffisance des preuves antérieures. Le caractère suffisant des preuves n'avait pas été remis en question jusqu'à, au plus tôt, la date de la première communication des États-Unis.

4.61 Les États-Unis ont noté que l'Australie avait aussi fait valoir qu'une partie plaignante ne pouvait pas "alléguer l'incompatibilité [avec l'article 2:2] du fait que la mesure n'était pas fondée sur des preuves scientifiques suffisantes, si les allégations relatives au caractère suffisant des preuves incluaient des preuves dont la partie défenderesse ne disposait pas au moment du dépôt de la plainte à l'OMC".52 L'Australie avait de plus fait valoir qu'"il fallait ménager à un Membre de l'OMC informé de nouvelles preuves scientifiques la possibilité de réévaluer le risque en fonction de la pertinence des preuves pour les facteurs énumérés à l'article 5:2 de l'Accord SPS". Toutefois, les États-Unis ont fait valoir qu'une règle voulant que des preuves factuelles qui n'étaient pas disponibles au moment où la procédure de règlement des différends a été engagée ne puissent pas être examinées par un groupe spécial aurait pour effet d'exclure des preuves pouvant être pertinentes pour les déterminations factuelles du groupe spécial. L'Australie semblait faire valoir qu'une allégation selon laquelle des preuves scientifiques étaient insuffisantes ne pouvait pas s'appuyer sur des preuves scientifiques produites après que l'allégation eut été formulée. Toutefois, la situation que l'Australie postulait ne se

49 The New Shorter Oxford English Dictionary, Volume 1, page 867, Oxford University Press, 1993.

50 Ibid., page 2717.

51 Ibid., page 2717.

52 Déclaration de l'Australie à la réunion du Groupe spécial avec les tierces parties, 22 octobre 2002, paragraphe 10.

présentait pas en l'espèce. L'allégation des États-Unis selon laquelle les mesures japonaises contre le feu bactérien étaient maintenues sans preuves scientifiques suffisantes ne reposait pas sur la déclaration de M. van der Zwet ou sur la lettre du professeur Thomson, ni même les invoquait. En revanche, les mesures japonaises contre le feu bactérien étaient incompatibles avec l'article 2:2 parce qu'il n'y avait jamais eu de preuves scientifiques que les pommes mûres transmettaient la maladie.

4.62 Le Japon a allégué que, parmi les renseignements nouveaux que les États-Unis avaient cherché à présenter dans la présente procédure, il ne considérait pas que les documents signés par M. van der Zwet ou le professeur Thomson contenaient des renseignements scientifiques sérieux ou des preuves nouvelles qui justifieraient une nouvelle évaluation des risques. Le caractère suffisant des preuves ne serait pas non plus remis en cause par ces documents. Le Japon estimait que les seuls éléments de preuve nouveaux figuraient dans Roberts (2002) et Taylor et al. (2002).53 Lorsqu'il les avait analysés, ces éléments de preuve n'étaient encore pas suffisants pour justifier une révision des prescriptions phytosanitaires actuelles. Toutefois, le Japon a invité les États-Unis à compléter le document Roberts (2002) en apportant des réponses à cinq questions supplémentaires. Le document et les réponses pourraient alors être examinés ensemble dans le cadre d'une nouvelle analyse formelle du risque phytosanitaire afin de décider si les prescriptions phytosanitaires actuelles devaient être révisées.

Dans le document Td corrigé ORGANISATION MONDIALE pdf (Page 32-35)