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L A MESURE ( OU LES MESURES ) EN CAUSE

Dans le document Td corrigé ORGANISATION MONDIALE pdf (Page 23-27)

4.17 Les États-Unis ont observé que le Japon interdisait l'importation des pommes américaines si elles n'étaient produites, récoltées et importées conformément aux restrictions qu'il imposait pour lutter contre le feu bactérien. Le Japon imposait actuellement neuf prescriptions (relatives au feu bactérien) qui devaient être respectées pour que les pommes américaines puissent être importées.33 Ces neuf prescriptions devaient toutes être respectées avant que l'importation ne soit autorisée. Les États-Unis ont soutenu que l'interdiction imposée par le Japon d'importer des pommes américaines si toutes ces prescriptions n'étaient pas respectées était incompatible avec les obligations du Japon. En outre, chacune des prescriptions pouvait être considérée comme une mesure phytosanitaire distincte au sens de l'Accord SPS. Selon la définition figurant à l'Annexe A (et pertinente pour le présent différend), une mesure SPS était "[t]oute mesure appliquée pour … préserver les végétaux des risques découlant de l'entrée, de l'établissement ou de la dissémination de parasites, maladies, … ou organismes pathogènes" et ces "mesures … compre[naient] toutes lois, tous décrets, toutes réglementations, toutes prescriptions et toutes procédures pertinents, y compris, entre autres choses, les critères relatifs au produit final; les procédés et méthodes de production; les procédures d'essai, d'inspection, de certification et d'homologation; [et] les régimes de quarantaine".34 Par conséquent, chacune des neuf prescriptions et procédures nécessaires pour l'importation des pommes américaines était une mesure phytosanitaire, et chaque prescription était incompatible avec les obligations découlant pour le Japon de l'article 2:2 de l'Accord SPS.

4.18 Les États-Unis ont indiqué qu'ils ne contestaient pas le fait que le feu bactérien était une maladie des plantes ayant de graves conséquences biologiques et économiques, et ils ont reconnu que le Japon avait le droit de prendre des mesures pour se protéger contre les risques liés à la transmission de cette maladie sur son territoire. Toutefois, les États-Unis ont fait valoir que le Japon ne pouvait pas imposer des restrictions à l'importation des pommes sans avoir de preuves scientifiques que les pommes exportées pouvaient transmettre la maladie.

4.19 Le Japon a qualifié les prescriptions qu'il imposait à l'égard des pommes américaines d'"approche systémique"35 comprenant des mesures appliquées à divers stades, depuis la floraison jusqu'à l'expédition. L'"approche systémique" dans son intégralité constituait l'ensemble minimal de prescriptions nécessaire à l'obtention du niveau de protection que le Japon jugeait approprié. Même si les prescriptions étaient indépendantes du point de vue technique, elles étaient indissociables et faisaient partie intégrante d'une "mesure" unique. Certains des éléments étaient interdépendants. Par exemple, les prescriptions relatives à l'inspection et à la zone tampon étaient nécessaires pour faire en sorte que la prescription relative aux vergers exempts de la maladie soit respectée. Les prescriptions relatives à la certification et à la confirmation constituaient des étapes procédurales logiques visant à s'assurer que les autres prescriptions avaient été respectées. Pour ces raisons, le Japon a fait valoir que ses prescriptions devraient être considérées comme une seule et même mesure nécessaire pour protéger son territoire contre le feu bactérien.

4.20 Le Japon a fait valoir qu'étant donné que le degré de prévalence de la maladie sur les sites de production, à savoir les États de Washington et de l'Oregon, variait d'une année à l'autre, les mesures

33 Réponses des États-Unis aux questions additionnelles du Groupe spécial, 28 janvier 2003, paragraphe 1.

34 Accord SPS, Annexe A, paragraphe 1.

35 En anglais, "systemic approach", plus communément appelée "systems approach".

préventives devaient être de nature à assurer la sécurité même en cas de graves flambées, afin d'empêcher efficacement l'introduction du feu bactérien au Japon.

4.21 Les États-Unis ont allégué que chacune des restrictions (ou prescriptions) imposées par le Japon pour lutter contre le feu bactérien pourrait être considérée comme maintenue sans preuves scientifiques suffisantes car il n'y avait pas de preuve scientifique que les pommes américaines mûres récoltées, c'est-à-dire la marchandise exportée, pouvaient constituer une filière d'introduction du feu bactérien au Japon. S'il n'y avait pas de preuve scientifique que chacune des étapes d'une quelconque filière hypothétique serait franchie, il n'y avait pas de preuve scientifique que la filière serait suivie jusqu'au bout et que les pommes exportées pourraient contribuer à introduire la maladie au Japon.

N'importe laquelle des restrictions (ou prescriptions) imposée par le Japon à l'égard de ces pommes pour lutter contre le feu bactérien était donc incompatible avec les obligations découlant pour le Japon de l'article 2:2 car il n'y avait pas de "preuves scientifiques suffisantes" pour étayer toute mesure autre que la restriction des importations à la marchandise exportée.

4.22 Le Japon a répliqué que l'article 2:2 de l'Accord SPS disposait ce qui suit: "Les Membres feront en sorte qu'une mesure … phytosanitaire … ne soit pas maintenue sans preuves scientifiques suffisantes …". Par conséquent, c'était la mesure et non chaque étape de la filière qui devait être étayée par des preuves scientifiques. Le Japon a néanmoins rappelé qu'il avait communiqué les preuves scientifiques pertinentes figurant dans la littérature scientifique, les normes internationales et les mesures SPS d'autres Membres, pour chaque élément de la mesure en question.

4.23 Les États-Unis ont répondu qu'ils ne pensaient pas que la prescription juridique de l'article 2:2 concernant les "preuves scientifiques suffisantes" s'appliquait à "chaque étape de la filière" identifiée par le Japon plutôt qu'aux mesures du Japon contre le feu bactérien. Toutefois, pour que le Japon puisse maintenir à l'égard des pommes importées des États-Unis des mesures contre le feu bactérien compatibles avec l'article 2:2, et pour qu'il puisse établir des mesures contre le feu bactérien à l'égard des pommes importées des États-Unis sur la base d'une évaluation des risques au sens de l'article 5:1 et de l'annexe A, la marchandise importée devait représenter un risque pour la préservation des végétaux sur le territoire japonais; il devait exister la probabilité ("probability" ou

"likelihood") que le feu bactérien soit introduit par la marchandise.

4.24 Les États-Unis ont soutenu que les experts scientifiques avaient confirmé qu'il n'y avait pas de preuve scientifique que le commerce des pommes avait jamais disséminé le feu bactérien. Les experts ont également confirmé, dans leurs réponses à des questions spécifiques sur le contenu des preuves scientifiques, qu'il n'y avait pas de preuve scientifique qu'une quelconque filière hypothétique via l'importation de la marchandise serait suivie jusqu'à bout car il n'y avait pas de preuve qu'au moins une des étapes d'une telle filière hypothétique serait franchie. Par conséquent, la probabilité que le feu bactérien soit introduit pour les pommes importées des États-Unis n'existait pas, et ces fruits ne représentaient aucun risque pour la préservation des végétaux sur le territoire japonais.

1. Situation du Japon en matière de feu bactérien

4.25 Les États-Unis ont noté que le Japon alléguait qu'il était exempt du feu bactérien alors même que des rapports scientifiques reproduits dans la littérature japonaise ne mettaient en évidence la présence et l'identification du pathogène au Japon. Malgré les preuves tangibles indiquant le contraire, les États-Unis étaient disposés aux fins du présent différend à supposer que le Japon était, comme il l'alléguait, exempt du feu bactérien et de la bactérie du feu bactérien.

4.26 Le Japon n'a pas nié que des rapports avaient régulièrement fait état de la présence du feu bactérien au Japon depuis le début du XXe siècle. Toutefois, ces rapports étaient jugés peu fiables par des études postérieures, et le point de vue scientifique le plus largement admis n'étayait pas les

conclusions de ces études antérieures.36 Le Japon a en outre affirmé que, si les découvertes antérieures avaient concerné le feu bactérien, la maladie – compte tenu de sa capacité de propagation avérée – serait désormais disséminée sur l'ensemble du territoire japonais. Il a également dit que, dans les années 90, on avait signalé qu'une bactérie pathogène des végétaux très proche d'E amylovora avait causé une maladie des poires semblable au feu bactérien à Hokkaido. Cette maladie, appelée "bacterial shoot blight of pear", avait été éradiquée d'Hokkaido à l'issue d'un programme sur cinq ans au début des années 90.

2. Historique du différend

4.27 Les États-Unis ont indiqué qu'ils avaient demandé pour la première fois un accès aux marchés pour les pommes en novembre 1982. Ils avaient fourni au Japon des preuves scientifiques indiquant que le feu bactérien ne se transmettait pas aux pommes dès 1983.37

4.28 Le Japon a noté que sa Loi sur la protection des végétaux de mai 1950 et son règlement d'application de juin 1950 interdisaient l'importation de plantes-hôtes de 15 organismes de quarantaine, y compris la bactérie du feu bactérien et les parasites du riz n'existant pas au Japon. Le Japon pouvait décider au cas par cas de lever l'interdiction d'importer des plantes et des produits sur la base d'une mesure de remplacement proposée par le gouvernement du pays fournisseur, si le niveau de protection assuré par cette mesure était équivalent à l'interdiction d'importer. La charge incombait au gouvernement du pays exportateur de prouver que la mesure proposée assurait le niveau de protection requis. Les prescriptions phytosanitaires actuelles étaient une "mesure de remplacement"

proposée par les États-Unis. En avril 1991, les États-Unis avaient d'abord proposé un ensemble de mesures phytosanitaires au Japon pour examen puis ils avaient présenté une autre proposition en mars 1994. Sur la base de ces propositions, et compte tenu des discussions bilatérales menées par la suite par les autorités phytosanitaires le Japon avait adopté le 22 août 1994, les prescriptions phytosanitaires concernant le feu bactérien qui devaient actuellement être respectées pour l'importation des pommes en provenance des États-Unis. Ces prescriptions constituaient la mesure faisant l'objet du différend.

4.29 Les États-Unis ont noté que la Nouvelle-Zélande avait aussi demandé la levée de l'interdiction d'importer des pommes imposée par le Japon pour lutter contre le feu bactérien. Les efforts de la Nouvelle-Zélande avaient abouti à un accord bilatéral antérieur à celui que les États-Unis avaient conclu avec le Japon, et qui contenait les restrictions actuelles. Les États-Unis avaient accepté les mesures contre le feu bactérien imposées par le Japon en 1994 en remplacement d'une interdiction pure et simple des importations de pommes. Toutefois, ils ont assuré qu'ils avaient accepté ces mesures avec réticence car ils estimaient que les preuves scientifiques n'étayaient pas les restrictions.

Les États-Unis ont fait valoir qu'ils s'étaient par la suite efforcés activement, pendant longtemps et de bonne foi, de travailler avec le Japon afin de régler le différend au niveau technique. Cela avait notamment consisté à présenter et à expliciter au cours de nombreuses réunions bilatérales les preuves scientifiques indiquant que les pommes mûres n'étaient pas une filière d'introduction du feu bactérien au Japon, et à proposer des mesures de remplacement au Japon pour examen. Les États-Unis avaient même mené des recherches conjointes avec le Japon en 2000, alors même qu'ils étaient conscients que ces recherches faisaient double emploi avec de nombreuses études scientifiques antérieures qui avaient évalué l'incidence des bactéries endophytes et épiphytes sur ou dans les pommes mûres.

4.30 Le Japon a fait valoir que les États-Unis avaient jeté la confusion en présentant des propositions incohérentes et n'avaient présenté aucune nouvelle preuve convaincante suffisant à justifier un quelconque assouplissement de la mesure phytosanitaire du Japon.

36 A. Mizuno et al. (2002, original japonais), "Examination of Alleged Occurrence of Fire Blight in Japan", Research Bulletin of the Plant Protection Service Japan 39 (pièce n° 13 du Japon).

37 Chronology of US Efforts to Resolve the Dispute Bilaterally (pièce n° 1 des États-Unis).

4.31 Le Japon a indiqué que le tableau ci-dessous rendait compte des contacts pris et des propositions faites au niveau bilatéral par les deux parties en ce qui concernait la mesure phytosanitaire du Japon.

Tableau – Contacts bilatéraux et propositions des États-Unis et du Japon au sujet des restrictions relatives au feu bactérien appliquées aux pommes, 1995 - 2002

Date Proposition

Février 1995 Proposition des États-Unis visant à ramener la largeur de la zone tampon de 500 mètres à 400 mètres

Novembre 1996 Proposition des États-Unis visant 1) à ramener la largeur de la zone tampon à dix mètres, 2) à ramener le nombre d'inspections régulières des sites de trois à une uniquement au moment de la récolte, et 3) à maintenir le traitement au chlore. Le Japon a rejeté la proposition des États-Unis en décembre 1996.

Septembre 1998 Proposition des États-Unis en vue de 1) la suppression de la prescription relative à la zone tampon et 2) l'assouplissement des inspections régulières des sites qui passeraient de trois à une au moment de la récolte, et 3) la présentation de nouvelles preuves établies par Roberts et al. (1998).38 Le Japon n'a pas accepté les méthodes et les résultats de l'étude Roberts, ni la proposition des États-Unis.

Août 1999 Proposition des États-Unis concernant 1) une zone tampon de dix mètres de large, 2) une seule inspection au moment de la récolte, et 3) l'exportation de pommes provenant uniquement de vergers dans lesquels le taux de présence du feu bactérien ne dépassait pas 1 pour cent, à l'exception des pommes provenant d'arbres infectés et de la zone de dix mètres les entourant.

Octobre 1999 Le Japon a proposé de réaliser conjointement avec les États-Unis deux expériences, l'une sur la largeur de la zone tampon et l'autre sur le nombre d'inspections.

Avril à

décembre 2000

Expériences conjointes des États-Unis et du Japon dans l'État de Washington pendant la période de végétation 2000.

Février 2001 Les États-Unis ont communiqué au Japon les résultats des expériences conjointes. Le Japon a dit que, entre autres choses, l'expérience sur la largeur de la zone tampon était insuffisante car elle n'avait pas permis d'obtenir des preuves scientifiques indiquant le niveau de risque pendant les périodes de fortes flambées de feu bactérien. L'expérience sur les inspections régulières n'avait pas été menée conformément à la proposition du Japon car les États-Unis n'avaient pas pu trouver de vergers appropriés pour l'expérience. À la place, ils avaient conçu et réalisé une expérience à l'aide de rameaux de pommiers auxquels la bactérie avait été artificiellement inoculée.

Octobre 2001 Réunion bilatérale, mais absence d'accord sur la manière d'évaluer les résultats de l'expérience de 2000. Le Japon a demandé aux États-Unis de fournir des renseignements additionnels sur cinq questions supplémentaires.

Mars 2002 Présentation par les États-Unis d'une demande de consultations au titre du Mémorandum d'accord au sujet des restrictions imposées par le Japon à

38 R.G. Roberts et al. (1998), "The potential for spread of Erwinia amylovora and fire blight via commercial apple fruit; a critical review and risk assessment", Crop Protection 17, pp. 19-28. (Pièce n° 5 du Japon, pièce n° 4 des États-Unis).

Date Proposition

l'importation de pommes.

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