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C HARGE DE LA PREUVE

Dans le document Td corrigé ORGANISATION MONDIALE pdf (Page 27-31)

4.34 Les États-Unis ont reconnu qu'en l'espèce, la charge leur incombait de prouver que les mesures du Japon contre le feu bactérien: i) étaient maintenues sans preuves scientifiques suffisantes;

ii) n'étaient pas établies sur la base d'une évaluation des risques appropriée en fonction des circonstances; iii) n'étaient pas les mesures les moins restrictives pour le commerce propres à assurer le niveau approprié de protection du Japon; et iv) n'avaient pas été notifiées conformément à l'article 7 et à l'Annexe B de l'Accord SPS. Vu que les preuves scientifiques communiquées par les États-Unis démontraient que les pommes mûres asymptomatiques n'avaient pas disséminé le feu bactérien et ne servaient pas de vecteur de la maladie, il était clair que rien ne justifiait la mesure du Japon. Les États-Unis estimaient qu'ils s'étaient acquittés de la charge de la preuve qui leur incombait au titre de l'Accord SPS.

4.35 Le Japon a estimé que la question de la charge de la preuve – qui l'assumait et comment – était cruciale pour déterminer si les preuves scientifiques sur lesquelles reposait sa mesure étaient ou non "suffisantes" au titre de l'article 2:2. Dans leur première communication, les États-Unis avaient tenté de démontrer leur "insuffisance" en fournissant des renseignements qui contredisaient les preuves scientifiques du Japon. La présentation de renseignements contradictoires ne démontrait pas en soi que les preuves scientifiques du Japon étaient insuffisantes. Cela signifiait uniquement qu'il existait diverses conditions qui influaient sur la présence ou l'absence de la bactérie dans les fruits et que le risque de dissémination pourrait ne pas se manifester dans certaines conditions. À moins que ces conditions ne soient clairement définies, le Japon ne pourrait pas savoir quand les pommes mûres asymptomatiques étaient saines. Les études que les États-Unis citaient démontraient simplement qu'il pourrait ne pas y avoir de risque dans certaines circonstances bien définies et non qu'il ne pouvait jamais y avoir de risque ou que la gestion des risques était inutile.

4.36 Le Japon a fait valoir que ce qu'une partie plaignante devait prouver, c'était que les preuves scientifiques fournies par le défendeur pour justifier la perception, l'identification et l'évaluation des risques étaient réfutées de manière probante ou qu'elles n'étaient pas pertinentes pour l'introduction ou le maintien de la mesure de gestion des risques en question. Pour établir des éléments prima facie à l'appui de son argumentation au titre de l'article 2:2, un pays exportateur devait prouver de manière positive l'"insuffisance" des preuves scientifiques dans ce sens. Le Japon a soutenu que cette interprétation était compatible avec la notion d'équité judiciaire, qui mettait l'accent sur la charge de la preuve incombant aux États-Unis en tant que partie qui disposait naturellement39 d'un grand nombre de preuves concernant la bactérie (E. Amylovora). En outre, l'objectif de la mesure du Japon était de gérer le risque en fonction du niveau de protection qu'il jugeait approprié. Afin de contrôler ce risque et de permettre l'importation, le Japon devait s'appuyer sur les propositions et la coopération du pays exportateur vu qu'il possédait les renseignements requis pour évaluer le risque.

39 Du fait de la présence d'E. Amylovora sur le territoire des États-Unis.

4.37 Les États-Unis ont rappelé que le Japon avait l'obligation au titre de l'article 2:2 de ne pas maintenir une mesure sans preuves scientifiques suffisantes. L'attribution de la charge de la preuve dans la procédure de règlement des différends ne pouvait pas modifier cette obligation. Dans l'affaire Japon – Produits agricoles II, les États-Unis avaient fait valoir qu'il serait impossible de prouver qu'il n'existait pas de preuves scientifiques à l'appui d'une mesure car il était impossible de prouver une proposition négative. L'Organe d'appel avait noté ce qui suit concernant un argument formulé au titre de l'article 2:2 selon lequel il n'y avait pas de preuves scientifiques à l'appui d'une mesure:

"[Il] suffi[t] … [d']établi[r] une présomption qu'il n'y a pas d'études ou de rapports pertinents. Établir une [telle] présomption … n'est pas une charge impossible. Les États-Unis auraient pu demander au Japon, conformément à l'article 5:8 de l'Accord SPS, de fournir "une explication des raisons" de sa prescription relative aux essais par variété, en particulier, telle qu'elle s'applique [à plusieurs produits]. Le Japon serait dans ce cas obligé de fournir cette explication. Le fait que le Japon ne présente pas d'études ou de rapports scientifiques à l'appui de sa [mesure] aurait fortement donné à penser qu'il n'y a pas de tels études ou rapports. Les États-Unis auraient pu également poser aux experts consultés par le Groupe spécial des questions spécifiques au sujet de l'existence d'études ou de rapports scientifiques pertinents, ou ils auraient pu présenter au Groupe spécial l'avis d'experts qu'ils auraient consultés sur ce point."40

4.38 Il en ressortait clairement que, bien que la charge de présenter des faits et des arguments établissant la présomption d'une absence de preuve incombe aux États-Unis, cette charge n'était pas, compte tenu de la nature de l'obligation, importante. Les États-Unis n'avaient pas simplement présenté des preuves qui contredisaient celles que le Japon avait citées (même si les preuves, lues correctement, contredisaient bien de manière significative la lecture qu'en faisait le Japon). Ils avaient présenté des preuves scientifiques établissant que: 1) il n'y avait pas de preuve scientifique que les pommes mûres avaient jamais transmis E. amylovora et introduit la maladie; 2) il n'y avait pas de preuve scientifique que les pommes mûres récoltées dans un verger pourraient être infectées par E. amylovora; 3) il n'y avait pas de preuve scientifique que les pommes mûres récoltées dans un verger pourraient être contaminées de manière endophyte par E. amylovora; et 4) il n'y avait pas de preuve scientifique de l'existence d'un vecteur permettant le transfert d'une bactérie qui aurait survécu sur une pomme mûre jetée sur le territoire japonais à une plante hôte sensible.

4.39 Les États-Unis ont par ailleurs observé que le Japon pouvait obtenir les preuves scientifiques de la même façon que n'importe quel autre Membre de l'OMC. En outre, il ne pouvait pas de manière crédible reprocher aux États-Unis d'avoir établi et présenté des preuves scientifiques pertinentes au cours des 15 dernières années. Pendant cette période, les États-Unis avaient procédé à un examen approfondi de la littérature relative au feu bactérien, ainsi qu'à quatre expériences, et avaient même refait une étude mettant en évidence l'absence de bactéries endophytes dans les fruits mûrs, dans le simple but d'obtenir les preuves en présence des scientifiques japonais. Le fait que le Japon continuait de contester les preuves scientifiques positives indiquant que les pommes mûres ne représentaient aucun risque étayait la conclusion non pas que le Japon ne pouvait pas obtenir les preuves, mais plutôt qu'il ne souhaitait pas les obtenir.

4.40 Le Japon a fait valoir que les arguments des États-Unis reflétaient leur approche de la prise de risque. Les États-Unis n'avaient rien à perdre en cas de dissémination du feu bactérien au Japon ou dans un autre pays. En tant que telle, l'approche des États-Unis n'était pas objective. Ils reconnaîtraient immédiatement le risque représenté par les pommes s'ils étaient tenus de garantir que celles-ci ne dissémineraient pas la maladie. Le Japon a noté que M. Paulin, lorsqu'il avait commenté le projet d'évaluation des risques établi par l'Australie concernant le feu bactérien, avait clairement

40 Rapport de l'Organe d'appel Japon – Produits agricoles II, paragraphe 137.

indiqué que le risque était "différent de zéro".41 Ainsi, on ne pouvait pas nier que le risque était réel.

On ne pouvait pas confondre la prise de risque et l'objectivité. Pour les pays dans lesquels le feu bactérien était présent, les preuves disponibles pourraient indiquer un risque trop faible pour qu'ils s'en inquiètent. Mais pour les pays exempts de la maladie, les mêmes preuves et le même risque pourraient être importants. Par conséquent, même si certaines preuves ne semblaient pas être

"suffisantes" d'après l'"opinion dominante", elles devaient être évaluées à la lumière du droit du Membre d'agir de façon discrétionnaire et d'assurer son niveau de protection.

4.41 Le Japon a affirmé que son interprétation était compatible avec la décision rendue par l'Organe d'appel dans l'affaire Communautés européennes – Mesures concernant les viandes et les produits carnés (Hormones) au sujet de l'article 5:1. L'Organe d'appel avait dit ce qui suit:

"[D]es gouvernements tout aussi responsables et représentatifs peuvent agir de bonne foi sur la base de ce qui peut être, à un moment donné, une opinion divergente provenant de sources compétentes et respectées. En soi, cela ne témoigne pas nécessairement de l'absence d'une relation raisonnable entre la mesure SPS et l'évaluation des risques, notamment lorsque le risque en question peut être mortel et qu'il est perçu comme posant une menace évidente et imminente pour la santé et la sécurité publiques. L'existence ou l'absence de cette relation ne peut être déterminée qu'au cas par cas, après avoir tenu compte de toutes les considérations qui influent logiquement sur la question des effets négatifs potentiels sur la santé."42

Cette décision indiquait clairement que la réfutation par une opinion dominante pourrait ne pas être suffisante pour établir prima facie le bien-fondé d'une argumentation au titre de l'article 5:1, qui pouvait être considéré comme renforçant l'article 2:2.

4.42 En outre, le Japon a estimé qu'une argumentation au titre de l'article 2:2 soulevait inévitablement des questions concernant le niveau approprié de protection du Membre importateur, qui était également évoqué à l'article 4 sur l'équivalence. Afin d'appréhender l'Accord SPS de façon cohérente, il fallait donc interpréter l'article 2:2 à la lumière de l'article 4. Un Membre importateur appliquait une mesure visant à obtenir le niveau de protection qu'il jugeait approprié; lorsqu'un Membre exportateur remettait en question le caractère suffisant des preuves scientifiques se rapportant à cette mesure, il devait démontrer objectivement que le niveau approprié de protection du Membre importateur serait obtenu au moyen d'une mesure SPS de remplacement. Sinon, le Membre importateur serait obligé de supprimer la mesure sans être assuré d'obtenir le niveau de protection qu'il jugeait approprié. En conséquence, le niveau approprié de protection du Membre importateur serait affaibli et l'objet et le but de la mesure SPS, qui étaient de protéger la vie des personnes et des animaux et de préserver les végétaux tout en favorisant le commerce international, ne seraient pas atteints. Par conséquent, le Japon a fait valoir que l'on ne pouvait pas conclure qu'un Membre exportateur avait établi prima facie qu'il y avait incompatibilité avec l'article 2:2 quand il avait seulement montré qu'il pourrait ne pas y avoir de risque dans certaines circonstances bien définies.

4.43 Les États-Unis ont fait valoir que le Japon avait mal défini la relation existant entre l'article 2:2 et l'article 4. L'article 4, qui obligeait un Membre à accepter une mesure comme équivalente à sa propre mesure si le Membre exportateur démontrait objectivement que la mesure permettait d'atteindre le niveau approprié de protection du Membre importateur, présupposait que la mesure imposée par le Membre importateur était maintenue avec des preuves scientifiques suffisantes.

L'article 4 ne pouvait pas être lu de telle façon qu'un Membre importateur puisse se dérober à cette

41 J.P. Paulin, Communication, Biosecurity Australia, Draft Import Risk Analysis on the Importation of Apples (Malus x domestica Borkh) from New Zealand (2000), (pièce n° 4 de la Nouvelle-Zélande).

42 Rapport de l'Organe d'appel, Mesures communautaires concernant les viandes et les produits carnés (Hormones), paragraphe 194.

obligation fondamentale au titre de l'article 2:2. Par conséquent, bien que l'article 4 puisse fournir aux États-Unis un moyen particulier de faire reconnaître leur mesure comme équivalente à une mesure japonaise conforme à l'article 2:2, le Japon devait tout d'abord avoir des preuves scientifiques suffisantes pour maintenir sa mesure au titre de l'article 2:2. Le niveau approprié de protection du Japon n'avait aucun rôle à jouer dans cette analyse.

4.44 Le Japon a observé qu'au titre de l'article 4, il serait obligé d'accepter les pommes sur la base du critère "mûres asymptomatiques" si, et seulement si, les États-Unis démontraient objectivement que les prescriptions phytosanitaires actuelles du Japon et le critère "mûres asymptomatiques" étaient équivalents. Si la seule preuve requise de la part des États-Unis au titre de l'article 2:2 était la preuve qu'il pouvait ne pas y avoir de risque dans certaines circonstances bien définies, il y aurait clairement incompatibilité avec l'article 4. Le pays exportateur n'aurait pas à fournir la preuve de l'équivalence mais pourrait l'emporter simplement en contredisant les preuves du pays importateur. Le Japon a fait valoir que si cette approche devait être admise, le pays exportateur serait toujours en mesure de modifier ou de supprimer la mesure SPS du pays importateur en fournissant de telles preuves non concluantes. Cette preuve ne démontrait évidemment pas objectivement que le critère "mûres asymptomatiques" équivalait au niveau approprié de protection du Japon, que celui-ci qualifiait d'équivalent à une prohibition à l'importation. Les conséquences pour le pays importateur pourraient être désastreuses car le Japon serait forcé d'accepter une mesure assurant un niveau de protection dont il n'avait pas été objectivement démontré qu'il était équivalent au niveau assuré par sa mesure actuelle, et il serait donc soumis à un niveau de risque supérieur.

4.45 À cet égard, le Japon a demandé au Groupe spécial d'examiner soigneusement si le critère

"mûres asymptomatiques" permettrait objectivement d'obtenir le niveau de protection du Japon.

C'était la seule garantie de protection contre le feu bactérien qui était nécessaire selon les États -Unis.

Si le Groupe spécial n'était pas convaincu par la garantie offerte par ce critère, le Japon a fait valoir que l'argumentation présentée au titre de l'article 2:2 devait être rejetée car la charge de la preuve incombait aux États-Unis.

4.46 Les États-Unis ont allégué que le Japon tentait d'inclure dans l'analyse de l'allégation formulée par les États-Unis au titre de l'article 2:2 la notion du niveau approprié de protection énoncée à l'article 5:6. Le niveau approprié de protection d'un Membre faisait partie intégrante de l'engagement qu'il avait pris au titre de l'article 5:6 de faire en sorte qu'une mesure phytosanitaire ne soit pas plus restrictive pour le commerce qu'il n'était requis pour obtenir le niveau de protection qu'il jugeait approprié, compte tenu de la faisabilité technique et économique. En conséquence, dans les procédures de règlement des différends, un Membre plaignant pourrait fournir des éléments justifiant prima facie ses allégations en montrant, entre autres choses, qu'une mesure de remplacement permettait d'obtenir le niveau de protection jugé approprié par le Membre importateur. En l'espèce, rien ne justifiait d'inclure cette notion dans l'allégation formulée par les États-Unis au titre de l'article 2:2 selon laquelle les mesures du Japon contre le feu bactérien étaient maintenues sans preuves scientifiques suffisantes.

4.47 Les États-Unis ont fait valoir que, pour établir prima facie le bien-fondé de leur allégation, ils pouvaient démontrer qu'il n'y avait pas de "lien rationnel ou objectif" entre la mesure SPS imposée à l'égard de la marchandise exportée et les preuves scientifiques relatives au risque que cette marchandise représentait pour la préservation des végétaux sur le territoire du Japon. Les États-Unis s'étaient acquittés de la charge qui leur incombait de démontrer (comme l'avaient confirmé les experts scientifiques) qu'il n'y avait pas de preuve scientifique que la marchandise exportée (pommes mûres récoltées) représentait un risque pour la préservation des végétaux sur le territoire japonais. Le niveau approprié de protection du Japon ne jouait aucun rôle dans cette analyse.

E. ARTICLE 2:2

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