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La lutte entre les laïques et les catholiques s'inscrit dans un contexte métropolitain plus large.

Chapitre I er L’assimilation, un axe politique et social central dans la Guadeloupe coloniale (premier quart du XXe S.)

7 La lutte de la hiérarchie catholique guadeloupéenne contre la laïcisation

7.2 La lutte entre les laïques et les catholiques s'inscrit dans un contexte métropolitain plus large.

7.2.1 Un contexte métropolitain favorable

Œuvrant à la fois sur le terrain de l’opposition à la laïcité et aux croyances magico-religieuses, l’Église guadeloupéenne poursuit l’entreprise de rechristianisation de la société adoptée par l’Église Catholique romaine et l’Église de France depuis la décennie 1880. Les origines de cette orientation sont à rechercher dans la politique éducative de la jeunesse menée par l'Église métropolitaine entre 1880 et 1920. En effet, ces quatre décennies sont marquées par l’expulsion de l’Église en dehors de l'État et de la société. L’État républicain cherche à laïciser la société française, à l’écarter de l’influence de l’Église, et en réaction, cette dernière devient militante. Les questions sociales sont au centre de l’Encyclique Rerum Novarum (15.05.1891), écrite par Léon XIII. La décennie 1880 voit les mouvements catholiques se structurer et le contrôle de la jeunesse devenir un des grands enjeux du moment. Ce contrôle va prendre différentes formes : création d’écoles libres en réaction contre les lois Ferry et multiplication des patronages afin d’investir le temps extrascolaire des jeunes1

. Ses successeurs, Pie XI (1922-1939) et Pie XII (1939-1958), suivront les propositions de Léon XIII. Dans un tel contexte, les activités physiques deviennent des outils incontournables de cette politique de reconquête sociale :

« Les activités physiques sont pour eux (les patronages catholiques) un moyen (…) pour lutter contre la laïcisation de la société et, notamment, contre les progrès de l’idéal socialiste au sein de la classe ouvrière. »2

Dans la période qui va de 1920 à 1955, l’Église catholique française va renforcer son emprise sur la société. L’historien Y. M. Hilaire appellera cette période : « les 30 glorieuses du catholicisme français »3. Dès 1922, Pie XI lance avec l’Encyclique Ubi Arcano Dei, la « nouvelle chrétienté ». Cette nouvelle orientation du catholicisme rejette le capitalisme libéral, le communisme, et dénonce le corporatisme d’État des dictatures fascistes. Son projet repose sur trois piliers : la famille, le travail et l’État. Dans cette centration sur l’action sociale, les organisations de jeunesse deviennent pour l’Église des moyens de christianiser la population, de lutter contre la laïcisation. Cette période voit la naissance de mouvements de jeunesse militants pour le catholicisme ; les Jeunesses ouvrières chrétiennes sont créées en 1926 ; les Jeunesses agricoles chrétiennes et les Jeunesses étudiantes chrétiennes en 1929.

1

Notons que le monde des adultes ne fut pas écarté : « association des chefs de familles » ; « Ligues féminines » ; création d’une caisse de retraite en 1898 ; création de la « société de secours mutuel » en 1908 ; action dans le monde ouvrier ; etc.

2

L. Munoz, P. Tétard, op. cit. P. 136.

3

Cité par P. Portier, Eglise et politique en France au XIXe siècle, Paris, Mont chrétien, collection « Clefs politiques », 1993, p.63.

7.2.2 Le développement des organisations de jeunesse catholiques ou la lutte contre la laïcisation de la société.

Les organisations de jeunesse qui voient le jour dans le premier tiers du XXe siècle en Guadeloupe s’inscrivent dans ces lignes directrices de l’action catholique envers les jeunes. La politique de « reconquête » de la jeunesse, développée par l’Église, s’applique en France métropolitaine comme dans le reste de l'empire colonial. « Les Patronages permettent à l’Église de montrer

qu’elle est une réalité sociale face à une République hostile et mêlent pratiques culturelles et sportives. »1 La spécificité des patronages guadeloupéens se situe

ainsi dans le contexte plus large qu’est celui de leur développement en métropole. Les patronages vont se développer rapidement au sein des paroisses du diocèse, surtout à partir des années trente, et ce sont les sociétés sportives qui vont devenir les plus populaires et connaître une croissance remarquable. Les activités physiques deviennent des vecteurs de civilisation et d'assimilation dans l'Empire colonial, comme le précise le rapport annuel du Comité central d'éducation physique et de préparation militaire de 1937-1938 rédigé par le Colonel Bonavita : « L'organisation de l'éducation physique constitue un des

buts les plus éminents et les plus essentiels de l'action civilisatrice dans un pays neuf. » Les vieilles colonies d'Amérique n'échapperont pas à cette logique et

l'Église guadeloupéenne s'y conformera. Les activités sportives jouent ainsi leur rôle d’acculturation : « Le grand souci des cultures dominantes de contrôler et

de soumettre les corps se retrouve à l’époque moderne lors de l’implantation et de la diffusion des pratiques sportives. »2 Les promoteurs des sports en

Guadeloupe s’inscrivent dans cette logique. L’auteur écrit plus loin : « Cette

vaste entreprise d’encadrement collectif permet d’assurer le pouvoir de l’État sur les corps et par là même les consciences. (…) Les normes de comportements, les valeurs morales de la République française contribuent à façonner des mentalités métropolitaines. »3

Sans que disparaissent les anciennes formes d’organisation, le scoutisme va aussi prendre une place importante dans le système éducatif extrascolaire de l’Église Catholique dans les colonies, jusqu'à détrôner les sociétés sportives des patronages. L’Église Catholique voit dans le scoutisme un autre puissant moyen de maintenir la jeunesse en son sein. La création des Cœurs Vaillants et de son homologue féminin les Âmes Vaillantes, dans une perspective d’action catholique, se situera dans cette logique de contrôle. En Guadeloupe, ces organisations vont supplanter les Sonis dès le début de la décennie 1950, et vont concurrencer le scoutisme catholique local.

1

M. Héluwaert, Pour l’éducation populaire, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 57.

2

H. P. Mephon, op. cit., p. 9.

3

CHAPITRE 2 Les sociétés sportives catholiques guadeloupéennes : un

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