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Les facteurs de la dépendance des scouts guadeloupéens à l'Église locale

Chapitre I er L’assimilation, un axe politique et social central dans la Guadeloupe coloniale (premier quart du XXe S.)

CHAPITRE 4 Les Scouts de France de Guadeloupe

5 Le scoutisme guadeloupéen, un « outil » au service de l’Église locale

5.1 Les facteurs de la dépendance des scouts guadeloupéens à l'Église locale

Le scoutisme est d'abord un mouvement catholique, porteur du message de l'Église. Il est fondé par les prêtres, et en ce sens, il en dépend. Dans les années d'entre-deux-guerres, les prêtres sont fortement investis dans leurs paroisses. Ils encadrent toutes les activités. Ils sont les seuls à avoir reçu une formation le permettant, surtout pour le scoutisme. Ils offrent les seuls loisirs de la colonie. Cette situation de fait n’est pas propre à la Guadeloupe ; toutes les colonies françaises développent un scoutisme soumis à l’Église : « En Afrique-

Équatoriale Française, il est aux mains de l’Église missionnaire, il est instrument de cette mission (…). »2

Les exemples des pères Durand et Dugon

sont significatifs de la main mise de l'Église sur l'éducation extrascolaire de la jeunesse de cette époque. Michel Feuillard signale à ce propos que le cas du Père Durand est parlant. Il était partout chaque fois qu'il y avait des manifestations de jeunesse, sportives surtout. À tel point qu'il semble que la frontière entre Sonis, scoutisme et clubs sportifs reste floue dans la commune du Moule jusque dans les années soixante (Le Père Durand meurt en 1967). Oscar Lacroix, qui fut son vicaire, reconnaît que la personnalité du Père Durand a

1

A. Baubérot, N. Duval, op. cit. P. 198.

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marqué les scouts du Moule. Peut-être aussi en raison son passé militaire et patriote.

La relation à Dieu, cinquième relation de la Loi scoute fait du scoutisme un mouvement de spiritualité chrétienne qui ne peut pas être étranger aux directives de la hiérarchie ecclésiastique et des préceptes qu'elle véhicule. L'objectif de spiritualité ancre le mouvement dans le giron de l'Église. « Parce

que nous avons obligation ; la relation à Dieu fait partie de nos missions. Alors qui mieux qu'un prêtre peut le faire. » (G. Berry). D'autant plus que les

aumôniers sont en général d'anciens scouts. Dans la vie du mouvement, ils suivaient les mêmes rites que les scouts ; ils faisaient aussi leur engagement à la Loi. La hiérarchie émet son avis quant aux nominations aux postes de responsabilité du mouvement (au niveau des districts et de la Province Guadeloupe). Commissaires et aumôniers scouts sont agréés par l’évêque. Le prêtre est choisi pour porter le message du Christ et accompagner la démarche spirituelle des jeunes scouts. Dans les paroisses où se crée une troupe, le curé de la paroisse en devient l'aumônier. En principe, une troupe scoute ne peut pas exister sans aumônier. Il y a donc toujours un lien entre la base du mouvement et la hiérarchie de l'Église locale. L'aumônier est souvent le seul adulte du groupe scout. Beaucoup plus âgé que les chefs (20 ans en moyenne), il se situe ainsi comme la référence pour les jeunes des troupes. Il a un rôle éducatif important. Il exerce par là une autorité morale non négligeable. Un rapport de « paternité » s'installe entre l’aumônier et les chefs qu'ils ont pour mission de former. « L'aumônier doit être attentif à faire mûrir le chef. Dans les premières

années, il y avait peu de chefs majeurs (d’autant que la majorité était à 21 ans). Il a fallu former toute une génération de chefs. » (O. Lacroix). Le prêtre

constitue aussi souvent le seul cadre stable. Les chefs, puisque plus jeunes, partent souvent faire leurs études en métropole, et le prêtre assure la continuité de l'encadrement. La configuration géographique de la Guadeloupe et sa totale dépendance à la France sont responsables de cet état de fait, puisque, jusqu'à la création de l'Université des Antilles et de la Guyane dans les années soixante, il n'y a pas d'études possibles sur place. L'avis de l'aumônier n'est pas négligeable dans les décisions des groupes scouts. Il y est associé, et même si ce n'est pas lui qui prend les décisions, il est en général écouté. Dans les réunions de troupes, de groupes ou au niveau départemental, il y a toujours un temps de parole pour que l'aumônier donne son avis. « L'aumônier faisait quand même partie de la

réflexion dans le domaine de la hiérarchie. » (M. Feuillard). Enfin, les liens

entretenus entre l'Église et le scoutisme se mesurent aussi au nombre important d'anciens scouts devenus prêtres. Le scoutisme s'avère être une « pépinière » de prêtres, et la Guadeloupe n'échappe pas à cette logique. Une enquête effectuée par l'Église de France après Vatican II montre qu'un nombre important de prêtres était issu du scoutisme.

Moins prégnante que chez les Sonis, l'allégeance à la hiérarchie catholique et aux dogmes qu'elle véhicule est bien présente dans le scoutisme guadeloupéen.

Les différents facteurs que nous avons identifiés font du scoutisme local un mouvement fortement ancré dans les conceptions de l'Église romaine en matière d'éducation de la jeunesse. Si sa structure et sa méthode lui donnent une certaine autonomie par rapport à l’évêché et à ses prêtres, il reste un outil de l'Église au service d'une formation chrétienne des jeunes, voire d'un certain embrigadement idéologique. Cet embrigadement se manifeste d’une part dans la volonté de contrôler les jeunes au sein du mouvement, et d’autre part dans l'occupation de l'espace public, outil de propagande et de bonne santé du mouvement local.

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