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Chapitre I er L’assimilation, un axe politique et social central dans la Guadeloupe coloniale (premier quart du XXe S.)

CHAPITRE 3 Les Groupes de Sonis 1 Que sont les Groupes de Sonis ?

3.1 Analyse contextuelle

L'ordre de mobilisation signé par le président de la République le 1er septembre 1939 est promulgué par le gouverneur de Guadeloupe F. Pierre Alype, le 7 octobre 1939. Dans toutes les communes se mettent en place des comités de soutien aux combattants ; les syndicats et les associations professionnelles affirment aussi leur solidarité.

Juin 1940, c'est la défaite. Le 16, le Maréchal Pétain est appelé au pouvoir par le président de la République Albert Lebrun. Le 22 l'armistice est signé à Rethondes avec Hitler ; la moitié de la France métropolitaine est occupée par les Allemands. Le 10 juillet, les députés votent les pleins pouvoirs à Pétain. Un régime de collaboration avec l'Allemagne nazie s'installe. Durant cette période, l'histoire de la Guadeloupe et de la Martinique sera tributaire des décisions de l'amiral Robert, commandant en chef du théâtre d'opérations de l'Atlantique- Ouest depuis avril 1939. Vichyste convaincu, il se donne pour premier objectif que les Antilles ne tombent pas sous domination américaine. Soumis aux ordres de Robert, en vertu de son titre de haut-commissaire de France, Constant Sorin gouverne la Guadeloupe à partir du 30 avril 1940. Ses pouvoirs de décision sont limités et il laisse un souvenir ambigu auprès des Guadeloupéens. À la fois aux ordres de Vichy, il sait toutefois mettre tout le monde au travail dans ces temps difficiles. Sorin impose toute une série de mesures destinées à améliorer l'économie de la colonie qui en temps de guerre doit subvenir à ses besoins

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(mise en valeur des terres incultes ; rationnement du pain ; encouragement de la culture du manioc ; fixation des prix des denrées…).

Ainsi, dans cette période de Seconde Guerre mondiale, la Guadeloupe connaît des années difficiles de pénurie économique due à son isolement et à l'arrêt des relations avec la métropole. Pour la population, cette période est synonyme de « misère ». Le gouvernement de la colonie instaure une politique autarcique destinée à subvenir aux besoins vitaux de la population. Les Guadeloupéens cultivent leurs lopins de terre : fruit à pain, banane, manioc, igname et malanga1 deviennent les produits les plus utilisés. La solidarité s'installe entre les campagnes et les villes ; le troc se met en place ; les paysans, qui disposent de plus de denrées fraîches, échangent les fruits et les légumes contre des produits de première nécessité : savon, bougie ou autres. Les gens des villes se rendent dans les campagnes pour se procurer quelques légumes :

« Les gens de Pointe-à-Pitre montaient dans les campagnes pour acheter des légumes. Ce n'était pas les paysans qui descendaient, comme pour vendre au marché, non. C'est les gens qui montaient chercher des choses. J'ai vu des grands fonctionnaires qui montaient à la campagne chercher à manger. Des sacs sur la tête, à pieds avec des ânes ou des chevaux. »2 Des cartes de

rationnement sont mises en place, tout comme en métropole. Une demi livre de pain est autorisée par personne et par jour. La colonie connaît aussi le marché noir. Nombreux sont ceux qui complètent leur nourriture grâce à la pêche ou qui revendent leurs prises. Mme Minos se souvient : « An tan Sorin on descendait à

la mer ; on allait pêcher en canot. Il n'y avait rien à manger, pas de lait… Tous les jours il fallait chercher à manger. On mangeait du riz et de la farine de manioc. C'est tout ! » 3

Très vite la possession de potagers par la plupart des Guadeloupéens ne permet pas de subvenir aux besoins de chacun, d'autant plus que le gouvernement rationne les cultures afin d'approvisionner les deux navires de guerre à quai dans la rade de Pointe-à-Pitre. Les enfants vont à l'école à mi- temps, souvent trop faibles pour en faire davantage et à cause de la pénurie de matériel. Chaque école cultive son potager afin de permettre aux enfants de disposer d'un minimum de nourriture. Le papier fait cruellement défaut et Camille Trébert, ancien EDF de Pointe-à-Pitre, se souvient qu'il allait chercher des morceaux de sac de ciment sur les chantiers pour pouvoir écrire ! Tout est rationné, même le tissu : « Le tissu était rationné. Pour les femmes enceintes, on

donnait 4 m de coton, 4 m de serviette, du fil, et de la laine pour faire des chaussons. C'est tout ! »4 Le caoutchouc est réquisitionné pour l'armée. Au-delà de ces pénuries, la Guadeloupe s'enfonce dans une logique de guerre. La colonie

1 Le Manioc, et l'igname sont des tubercules ; le malanga est une plante herbacée, sorte de chou. 2

Entretien avec Léon Celini, ancien Sonis du Gosier. 30 juillet 1999. Gosier.

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Entretien avec Mme Minos. 28 février 1999. Baillif.

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devient une dictature sous la « botte » du gouverneur Sorin. L'armée est aux aguets. La Jeanne d'Arc patrouille régulièrement dans les eaux de l'archipel à la recherche des dissidents désireux de gagner les îles anglaises pour rejoindre les forces alliées. L'isolement par rapport à la métropole accroît le sentiment de peur dans la population comme dans le gouvernement local : par peur d'être bombardé par les alliés le couvre-feu est instauré, les vitres de maisons sont peintes en bleu. On craint aussi l'intervention de sous-marins allemands qui viendraient occuper la colonie, base française avancée dans l'Atlantique face aux Anglais et aux Américains.

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