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Analyse des effectifs des organisations de jeunesse 1 Le déclin des Groupes de Sonis

DEUXIEME PARTIE La prise de conscience identitaire : les organisations de jeunesse catholiques comme révélatrices de crises et

CHAPITRE 5 Analyse des effectifs des organisations de jeunesse 1 Le déclin des Groupes de Sonis

Courbe nº 3

Cette seconde période se caractérise par une baisse constante des adhérents entre 1950 et 1976, même si certaines années les effectifs remontent. La régression moyenne est de 24,9 % par an. Entre 1942-1948 et 1950-1956, la baisse est spectaculaire (57 %), marquant ainsi une désaffection massive des Sonis. L’intérêt de la jeunesse ne semble plus résider dans ce type d’organisation. Durant cette période, les groupes des paroisses les plus représentatives se maintiennent : Gosier, Capesterre-de-Marie-Galante et Port- Louis. Mais de nombreux patronages mettent un terme aux Sonis, traduisant d'autres orientations dans l'éducation catholique des jeunes1. En 1976 seules trois communes ont encore des Sonis : Anse-Bertrand, Capesterre-de-Marie- Galante et Gosier. Mais ces groupes ont transformé leurs objectifs, leurs activités, ainsi que leurs modalités de fonctionnement en s'orientant vers des

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Saint Louis disparaît en 1958 ; Saint-Pierre et Saint-Paul de Pointe-à-Pitre en 1962 ; Sainte- Rose, en 1963 ; Le Moule en 1969.

pratiques culturelles (musique principalement) ou en se transformant en Cœurs Vaillantes.

Partant là encore de l'hypothèse selon laquelle le nombre de garçons inscrits au catéchisme représente la quasi-totalité des garçons d'une commune (ce que montre le recensement de la population effectué en 19541), nous pouvons mesurer l'impact des organisations de jeunesse sur la population guadeloupéenne. La proportion des Sonis par rapport à l'ensemble des garçons inscrits au catéchisme marque cette régression du mouvement. Alors qu'ils représentaient 19,8 % de l'ensemble des garçons entre 1936 et 1948, les Sonis ne représentent plus que 2,16 % de l'ensemble entre 1950 et 19762. La baisse de représentativité de ce type d'organisation de jeunesse dans les paroisses est d'autant plus significative qu'elle se situe dans une période de croissance du nombre de garçons qui s'inscrit au catéchisme3. Cet accroissement de la fréquentation du catéchisme est significatif d'une augmentation de l'audience de l'Église catholique auprès de familles guadeloupéennes. Si la proportion des Sonis tend à remonter à partir de 1967, elle ne semble imputable qu’à une baisse du nombre de garçons participant au catéchisme (près de 46 % entre 1970 et 1976). Cette baisse de l'audience des Sonis durant cette seconde période s'identifie dans les paroisses qui possèdent les groupes les plus importants. Ainsi, à Pointe-à-Pitre, alors qu'ils représentaient 39,5 % des garçons dans la première période, les Sonis ne représentent plus que 3,6 % des garçons entre 1950-1951 et 1961-1962. À Port-Louis leur représentativité passe de 68,5 % à 7,6 % ; à Anse-Bertrand, de 23,5 % à 5,7 % ; à Vieux-Habitants, de 64,5 % à 12,6 %. Seule Capesterre-de-Marie-Galante maintient son impact sur les garçons du Bourg en passant de 19,8 % en première période à 10,8 %. L'isolement de Marie-Galante du reste de la Guadeloupe (4 heures de bateau pour se rendre à Pointe-à-Pitre) n'est sans doute pas étranger à la persistance de la popularité des Sonis dans l'île. Jusqu'à la mise en place des vedettes rapides entre Marie-Galante et Pointe-à-Pitre à la fin de la décennie 1980, l'isolement de la grande dépendance la rend étrangère aux transformations sociales que connaît la Guadeloupe. Peuplée principalement de Noirs, profondément rurale, elle demeure dans une économie autarcique, étroitement liée à la culture de la canne

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Le recensement de la population effectué en 1954 (premier recensement mené par l'Etat et non plus par l'Eglise, et qui, d'après l'INSEE s'avère être le plus fiable) laisse apparaître cette forte proportion de catholiques dans les communes de l'archipel. Basse-Terre, Pointe-à-Pitre, Trois- Rivières, Vieux-Habitants, et d'autres bourgs, comptabilisent autant de catholiques que d'habitants.

2 Dès le début de la décennie 1950, alors que le nombre de garçons inscrits au catéchisme est

croissant, les Sonis ne représentent plus que 2,8 % d'entre eux entre 1950 et 1956 ; 2,12 % entre 1956-57 et 1960-61 ; 1,75 % entre 1961-62 et 1967-68 ; et 2,2 % entre 1968-69 et 1975-76.

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Ainsi, entre 1947-48 et 1950-51, ce nombre augmente de 93,9 %. Pour la totalité de la première période, ce nombre s'élevait à 41496 ; il passe à 113829 pour la période 1950-1962 augmentant de 147 % ; et à 134879 pour la période 1962-1970 (soit 18,5 % d'augmentation). Recensement de 1954.

à sucre et à sa transformation. Ancrés dans un système social colonial quasi intact malgré la départementalisation, les Marie-Galantais perpétuent les traditions issues de la métropole.

Les Groupes de Sonis subissent la concurrence d'autres organisations de jeunesse qui prennent de l'importance au sein des paroisses. Ainsi entre 1950- 1951 et 1961-1962, les SDF, progressent de 55 % par rapport à la période précédente. À Saint-Pierre et Saint-Paul de PAP ils sont près de quatre fois plus nombreux que les Sonis, alors qu'ils étaient deux fois moins nombreux entre 1936 et 1948. Ils fédèrent 14 % des garçons de la paroisse. La concurrence entre Sonis et SDF ne s'établit véritablement qu'à PAP, Basse-Terre et Vieux- Habitants (graphique nº 5).

Les Cœurs Vaillantes (CV) vont, par contre, entrer en concurrence directe avec les Sonis, s'implantant souvent dans les mêmes paroisses, faisant régresser ces derniers. Sur l'ensemble du diocèse de Guadeloupe, les effectifs des Sonis reculent de près de 25 % par an alors que les effectifs des CV progressent de 76 % entre 1950 et 1962. Entre 1962 et 1974, l'audience des Sonis va encore reculer en ne fédérant plus que 1,7 % de l'ensemble des garçons du diocèse. Seule la paroisse de Capesterre-de-Marie-Galante fédère encore 23,8 % d'entre eux. Dans les autres paroisses, les SDF deviennent le mouvement le plus représentatif auprès des garçons en affiliant 2,8 % d'entre eux sur l'ensemble du diocèse1. Les Cœurs Vaillantes, quant à eux, perdent de leur audience à partir de 1962, leurs effectifs chutant de 20 % entre 1962 et 1974. Enfin, signalons le développement du Mouvement Rural des Jeunesses Chrétiennes (MRJC) qui, s'il ne concurrence pas directement les Sonis ou le scoutisme dans les mêmes paroisses, va avoir un impact non négligeable sur la jeunesse des communes. Cette organisation de jeunesse prend naissance en 1963 et concerne 0,7 % des garçons du diocèse entre 1963 et 1974. Dans certaines paroisses il a une audience non négligeable : 3 % à Trois-Rivières, 3,5 % à Bouillante. La progression de ses effectifs sur la période nous paraît importante à prendre en compte puisque les MRJC progressent de 450 % !

Ce déclin des Sonis guadeloupéens s’inscrit dans une logique métropolitaine de désaffection des patronages, de crises et de reconversions. « Le choix

ultérieur d’une affectation différente tournée vers l’action catholique priverait les patronages de ses bons pédagogues, et leur absence justifierait la crise bientôt manifeste dont ces organisations sont victimes. »2

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A Saint-Pierre et Saint-Paul de PAP ils fédèrent 14 % des garçons ; à Capesterre-Belle-Eau, 5 % ; à Saint-Claude, 6,7 %.

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2 Les Scouts de Guadeloupe : l’embellie et la crise. 1950-1976

Courbe nº 4 2.1 1950-1951/1964-1965. « L'âge d'or »

1950-1965 constitue la période de plus forte adhésion de la jeunesse guadeloupéenne au scoutisme. La croissance moyenne sur la période est de 28,47 % jusqu'au pic maximum de 1964-1965 (456 adhérents). Entre 1950 et 1965, le scoutisme local connaît son « âge d'or ». Il va s'imposer dans de nombreuses paroisses comme le mouvement le plus représentatif, supplantant les Sonis et résistant aux Cœurs Vaillants. De nouvelles paroisses sont concernées par cette expansion du scoutisme. Le mouvement se diffuse dans les communes de l'archipel qui, de quatre dans la première période, passent à neuf en 1964-1965 (carte nº 4). Les paroisses qui ont vu la naissance du mouvement durant la période précédente vont s'imposer avec les plus fortes adhésions1. À côté de ces paroisses d'origine, des groupes se créent dans des paroisses de

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Ainsi, la paroisse de Saint-Pierre et Saint-Paul de PAP compte entre 100 et 160 scouts sur la période. Le Moule entre 30 et 70 scouts. La troupe de la paroisse de la Cathédrale de Basse-Terre compte entre 50 et 100 jeunes garçons. Saint-Claude verra son effectif maximum atteindre 52 membres en 1956-57.

moindre importance telle que Trois-Rivières qui ne comptera qu'un maximum de 7 scouts sur la période (une patrouille) ou Vieux-Habitants qui en comptera 14 (2 patrouilles). L'année 1960-61 voit la naissance d'un groupe important de l'île de par son effectif et son rayonnement : le groupe de Capesterre-Belle-Eau qui comptera jusqu'à 78 membres en 1964-1965. En fin de période, en 1965, Capesterre-Belle-Eau, la Cathédrale de Basse-Terre, Le Moule, Saint-Claude et Pointe-à-Pitre s'affirment comme les pôles du scoutisme local, comptabilisant 87,3 % des effectifs. Les SDF guadeloupéens se maintiennent dans les paroisses urbaines. Le scoutisme guadeloupéen reste un mouvement plus citadin que rural.

Carte nº 4

Cependant, si en nombre d'adhésions cette période représente le taux le plus important, l'effectif total sur la période comparé au nombre de garçons inscrits au catéchisme est en baisse ; il passe de 3,72 % en première période à 2,91 %

dans cette période. Certaines paroisses représentatives du mouvement dans la première période voient cette proportion baisser. C'est le cas du groupe de la Cathédrale de Basse-Terre qui voit ce chiffre régresser à 9,5 % des garçons de la commune. Le groupe de Saint-François est, quant à lui, dissous dès la fin de la guerre (1945). Il apparaît que cette baisse globale de représentativité du scoutisme sur la période est imputable à l'accroissement de la population des bourgs, et donc du nombre d'inscrits au catéchisme. Sur l'ensemble de la période et pour les paroisses ayant eu des troupes de scouts, le nombre de garçons inscrits au catéchisme progresse de 69,8 %. La forte progression des inscriptions au catéchisme masque l'augmentation significative du nombre d'adhérents au mouvement scout. Dans l'ensemble, les paroisses vont accroître leur nombre de scouts, même de façon minime pour certaines. La paroisse de Saint-Pierre et Saint-Paul de PAP passent ainsi de 14,5 % à 15 % ; Le Moule, de 5,7 % à 6 %. Dans certaines paroisses, le scoutisme masculin s'implante de façon plus représentative : à Basse-Terre il fédère encore 9,5 % des garçons ; à Saint-Claude, il représente 8,5 % des garçons de la paroisse. (Graphique nº 6)

Graphique nº 6

La proportion des effectifs des SDF par rapport aux autres organisations de jeunesse des paroisses est aussi un indicateur de la croissance du mouvement scout. Entre 1950-1951 et 1964-1965, les SDF, en fédérant 2,9 % des garçons du diocèse, constituent le mouvement de jeunesse ayant le plus d'impact auprès des jeunes Guadeloupéens (graphique nº 7). Les Groupes de Sonis ne représentent plus que 2,35 % des garçons, ayant diminué leur audience de plus

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