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Chapitre III : Aménager et bâtir les Chasses

3- Loger les chasseurs et organiser les chasses

A Rambouillet, la chasse s’inscrit dans le paysage. La pierre et l’architecture incarnent la chasse. Ce passé oublié se dévoile rapidement sous un regard attentif : le quartier de la Vénerie, les chenils, les écuries, les maisons des gardes, la faisanderie. Les bâtiments de chasse à courre ont perdu leur fonction d’origine en revanche les maisons forestières, les portes et l’espace de la faisanderie conservent leur vocation cynégétique. La disparition des bâtiments ou la perte de

244 BENOIST Georges, Grandes chasses, grands fusils, Paris, S.a.d.e.i., 1952, p. 265.

leur vocation affaiblit le discours et le décor architectural qui prend place à Rambouillet entre la monarchie absolue et le Second Empire.

Les bâtiments des chasses réunissent hommes et animaux dans le même espace. Les chasseurs qu’ils soient à plumes, à poils, à deux ou quatre pattes sont unis par la pratique de la chasse dans le service du prince. Seul ce dernier et ses proches sont logés dans le château. La carte des bâtiments des chasses vient brouiller le clivage naturaliste et illustre la place centrale de la chasse dans le bâti rambolitain. Les bâtiments rayonnent aux abords immédiats du château et incarnent le service du souverain.

Le premier bâtiment de ce dispositif est placé dans l’alignement du château. Les Communs appelé à Rambouillet le Grand Corridor avec ses deux-cent mètres de long sont établis par le comte de Toulouse en 1710246 . Il accueille deux cents logements, des écuries, des ateliers, une

forge, et des cuisines. En 1764, Louis XV le fait rénover pour y accueillir la Vénerie royale lors de ses voyages à Saint-Hubert247. « La principale des écuries est pour cent deux chevaux, & est

ornée de deux cent quatre têtes de cerfs, sculptées avec soin et coloriées par des Portes. Les bois sont naturels 248 ». Louis XVI le fait rénover par Thévenin dès 1784 et l’ensemble du

service du château y est rassemblé ce qui « réduisit considérablement l'emplacement réservé aux écuries : il apparaissait donc nécessaire d'en construire de nouvelles249 ».

Le roi lance alors la construction des nouvelles Écuries pour remplacer le manque. Il peut accueillir le service de la Grande Écurie royale, trois cent trente-deux chevaux, le Grand Écuyer, les palefreniers, les pages mais aussi les piqueurs. Constitué autour d’une cour pavée rectangulaire, le bâtiment coûte 748 214 l. au roi250. C’est le plus grand chantier du règne. Les

cavaliers et leurs montures sont hébergés ensemble dans ce nouveau bâtiment. Lors des règnes suivants, la fonction des écuries évolue. Suite à la disparition de l’hôtel de la Vénerie pendant la Révolution, les écuries de Louis XVI deviennent la Vénerie sous Napoléon, la Restauration et le Second Empire. Le service des chasses y est entièrement hébergé : hommes, chevaux, chiens et rapaces logent ensemble dans l’enceinte de la Vénerie. Cette cohabitation symbolise le lien qui unit les chasseurs. Chevaux, hommes et chiens partagent le service du prince, chassent ensemble et vivent ensemble. La qualité des animaux brouille également la hiérarchie humaine, certains chiens et chevaux sont en effet bien plus importants aux yeux du prince, que

246 LENOTRE George, Le château de Rambouillet, op. cit., p. 103. 247 DE JANTI, p. 152.

248 PIGANIOL DE LA FORCE Jean-Aymar, Description de Paris, de Versailles, de Marly, de Meudon, de

S.Cloud, de Fontainebleau, et de toutes les autres belles maisons & châteaux des environs de Paris, Paris, T.

Legras, 1765, 10 vol. , p. 336.

249 MAES Antoine, L’ameublement du domaine de Rambouillet sous Louis XVI (1783-1792), op. cit., p. 119. 250 Ibid., p. 49 et ADY, 6Q 464.

certains de ses domestiques. A la fois par le coût d’achat et d’entretien mais aussi par l’attachement du souverain à sa meute. Louis XVI fait transformer l’ancien chenil des Bourbon- Penthièvre. D’Yauville le décrit en 1788 :

la grande meute étoit autrefois à Saint-Léger, et la petite à Rambouillet ; mais depuis la réforme de celle- ci, la grande a toujours été à Rambouillet, où le chenil est très beau et très commode ; il appartient, ainsi que celui de Saint-Léger, à M. le duc de Penthièvre, qui a fait faire dans l’un et dans l’autre des augmentations des bâtiments depuis que le Roi a voulu que chacune de ses meutes fût séparée en différens chenils : l’ébat de Rambouillet est d’autant plus commode que les chiens y entrent en ouvrant la porte de leur chenil, et que d’ailleurs il est entouré de murs pour leur sûreté. Cet ébat qui est fort grand est partagé en deux par une rangée de claies, au moyen de quoi les deux parties de la meute s’y promènent en même temps sans se communiquer. M. le duc de Penthièvre donne, dans la maison du chenil, un logement au premier piqueur, un autre au boulanger, et une grande chambre pour les valets de chiens.251

Sous Louis XVI, le premier lieutenant des chasses Jean-François Antoine est également logé dans le chenil252. Un plan que Pierre de Janti date de 1785 précise que l’ancien chenil de

Penthièvre n’est autre que la Vénerie de Louis XVI253. La Vénerie fait l’objet d’amélioration :

191 000 l. pour le bâtiment lui-même, 21 691 l. sont destinées au chenil et 13 200 l. pour la création de l’abreuvoir. Les eaux du sous-sol étant insalubres, il faut faire venir l’eau autrement. Il est impensable de ne pas pourvoir aux besoins des chasseurs. Le chenil de Saint-Léger évoqué par d’Yauville est attesté depuis le XVIIe siècle. Robert de Salnove écrit que « pour courre à la

forest de Montfort, le logement des chiens et veneurs à Saint Léger, l’assemblée au même lieu254 ». L’accueil des chiens disparaît au XVIIIe siècle, mais jusqu’au Second Empire des

gardes sont en poste dans l’ancien château. Les installations sont luxueuses et durables. Si le bâtiment du chenil ou vénerie est transformé, la Vénerie est au XIXe siècle récupérée par

l’Armée qui en occupe toujours les bâtiments.

D’autres chasseurs, les chasseurs permanents du domaine que sont les gardes sont répartis dans l’ensemble de Rambouillet. Sous Louis XVI, l’inspecteur des chasses François Symphorien Brou loge dans un pavillon muni d’écuries, de trois entrées, et de nombreuses pièces255. Ce pavillon se situe dans l’allée du château il s’agit de l’actuel pavillon de la Vénerie.

Ce bâtiment accueille les bureaux du service des chasses présidentielles au XXe siècle et les

bâtiments voisins sont occupés par l’Office national des Forêts. Les maisons forestières sont

251 YAUVILLE Jacques d’, Traité de vénerie, par M. d'Yauville, premier veneur et ancien commandant de la

vénerie du Roi, Paris, Pygmalion, [1788] 1987, p. 182.

252 Ibid., p. 120.

253 DE JANTI Pierre, « Plan de Rambouillet vers 1785 (collection de M. le Marquide la Fayette) », op. cit, p. 92. 254 Cité par DE JANTI Pierre, op. cit., p. 30. SALNOVE Robert de, La vènerie royale, Paris, 1665.

entretenues ou même construites pour surveiller la forêt. Si les portes du parc datent du début du XVIIIe siècle, certaines maisons forestières datent du Second Empire ou de la Troisième République telles que la Maison du Cerisaie bâtie en 1859, la maison de l’Étang de la Tour en 1860 la Maison de la Croix Vilpert construite en 1862, ou celle des Rapières ou du Malbran 1875256.

Situé quelques centaines de mètres plus loin mais toujours dans la proximité du château se trouve le complexe de la faisanderie. Le terme de complexe peut être appliqué aux vues de l’importance des installations et de l’effort permanent qui occupe les chasseurs de Rambouillet autour de la Faisanderie. La faisanderie de Rambouillet est transformée par la nouvelle pratique de la chasse à tir dans les tirés au début du XIXe siècle. Louis XVI transforme la Ménagerie des

Bourbon-Penthièvre et en fait un logement des chasses spécifiquement. Il y greffe en face un nouveau bâtiment, la couverie bâtie en forme d’octogone, qui lui donne son surnom. L’Octogone est bâti entre 1784 et 1788. Pierre de Janti avance la date de 1786 pour la création de ce nouveau bâtiment destiné à accueillir les jeunes faisandeaux du domaine257. Même s’il

épouse la même forme que la Ménagerie de Versailles et la forme d’un panoptique, le bâtiment ne semble pas répondre à cet objectif de vision totale et permanente258. En face de ces bâtiments

s’ajoute le lieu d’élevage des faisans que nous abordons dans le chapitre VII. En 1795, l’Octogone, le bâtiment qui sert de couverie est transformé en bergerie pour l’Établissement rural, fonction qu’il garde jusqu’en avril 1805259. A cette date le Grand Veneur de l’Empereur

demande son retour comme bâtiment des chasses en échange de la construction des nouvelles bergeries ou bergeries neuves : la future Ferme impériale.

Le pavillon de la Faisanderie, situé en face de l’Octogone, devient « en 1880, l’ancien poste de garde de la Faisanderie est transformé en « rendez-vous de chasse » du président260 ».

Depuis 1880, le bâtiment renommé Pavillon de la Faisanderie accueille les invités de la République. Il s’agit en réalité du manoir de Montorgueil comme l’attestent les trois niveaux de caves situées sous le bâtiment. Ce manoir est détruit à la fin du XVIIe siècle et un pavillon

du XVIIIe le remplace.

256 CHAPERON André, Rambouillet, op. cit., p. 95.

257 DE JANTI Pierre, Forêt, chasse et château de Rambouillet, op. cit., p. 108.

258 FOUCAULT Michel, Surveiller et punir : Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 202-204 et pour la Ménagerie de Versailles : PIERAGNOLI Joan, op. cit. et SALVADORI Philippe, op. cit., p. 230.

259 LANG Christine, La Bergerie nationale, op. cit., p. 659

260 EGLEMME Albanne, Un bien d’État en location : la location privée d’un château délaissé. Le domaine

national de Rambouillet de 1832 à 1880, Mémoire de recherche en histoire, sous la direction d’Éric Mension-

Tous les chasseurs, humains et non-humains sont unis autour du service du souverain. Cette relation hybride s’incarne dans le paysage du Grand Parc et du domaine de Rambouillet. Aux abords directs du souverain les chasseurs, le matériel, le gibier sont concentrés autour du pôle attractif qu’est le château. Le château centre de l’étoile de chasse, reflète l’image de ce roi soleil et du président-soleil (surnom donné à Félix Faure) qui rayonne sur son domaine à travers la chasse. Proche, convoité, protégé l’animal n’est pas rejeté en dehors de l’habitat à Rambouillet il en fait partie. Cette proximité architecturale est aussi paysagère. L’entretien de milieux cynégétiques riches, amènent les animaux à déborder des murs ou à entrer directement dans l’enceinte dite domestique : trophées, bois, os, poils, chiens, rapaces sont ainsi autorisés à entrer dans le château ou dans les habitats partagés que sont la Faisanderie ou la Vénerie.

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