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Chapitre III : Aménager et bâtir les Chasses

2- Château, pavillons et haltes de chasse

Le centre du domaine de Rambouillet est son château236. L’arrivée de Louis XVI à

Rambouillet fait perdre au château sa fonction de siège politique du duché. Il en fait le centre de résidence et d’habitat et en écarte toutes les fonctions politiques, juridiques et économiques. Le bailliage construit entre 1785 et 1787 et l’Hôtel du Gouvernement commencé en 1784 prennent en charge ces aspects237. Le baillage accueille la prison, le tribunal jusqu’en 1896 et

les archives du domaine. Il devient l’hôtel de ville de Rambouillet vers 1792 et en 1809 Napoléon Ier donne le bâtiment à la commune. « Les résidences royales à la campagne sont d’abord des maisons de chasse ; il est logique que leur plan, leur architecture, leur décor en soient affectés238 ». Le château de Rambouillet est la résidence de chasse du domaine. Situé

idéalement au centre du domaine, il permet de relier directement le Grand Parc et les différents massifs forestiers. Le château joue un rôle central sur l’ensemble de la période et il n’est pas un simple paysage architectural. Ses pierres incarnent l’antiquité de ses propriétaires et ses pièces incarnent la fonction cynégétique de Rambouillet. La tour médiévale des d’Angennes symbolise et structure le paysage rambolitain jusqu’en 1871, où est achevée la nouvelle église de Saint-Lubin sur la colline voisine. C’est jusqu’à cette date le plus haut bâtiment de Rambouillet. Pour les chasseurs, le château est le lieu de début et de fin de la chasse. Les courtisans et invités sont accueillis dans le château avant la chasse, ils s’y changent et se préparent au laisser-courre ou aux tirés. Louis XVI y prépare même savamment ses chasses dans la Salle du Conseil. Cette salle abrite une carte du domaine jusqu’en 1815, date à laquelle le maréchal Blücher la constitue comme butin de guerre. Cette carte est aujourd’hui dans la Salle du Conseil municipal de l’hôtel de ville. Ce document est un véritable palimpseste. Produite sous les Bourbon-Penthièvre, Louis XVI en hérite et l’annote personnellement239. Il y

ajoute les carrefours dorés encore visibles. La carte a également été modifiée sous le Premier Empire comme en témoigne la figuration des filets de chasse dessinés sur le modèle de la Carte

des Chasses Impériales. L’état de la carte est malheureusement assez mauvais. Butin de guerre

en Allemagne, les voyages ont dû commencer sa détérioration, puis, les conseillers municipaux n’hésitent pas à s’y adosser au XXe siècle. La disparition des couleurs en change fortement la

lecture. C’est l’une des rares cartes du domaine qui documente l’apogée du domaine des

236 JAUME SAINT-HILAIRE Jean-Henri, Mémoire sur le domaine forestier de Rambouillet, Paris, Imprimerie de Firmin Didot frères, 1831, p. 2.

237 L’Hôtel du Gouvernement est le siège du gouverneur, le comte d’Angeviller. Il y réside et commande les travaux du domaine entre 1784 et 1789. Inachevé, Napoléon Ier y fait reprendre les travaux et le renomme Palais du Roi de Rome, son fils. Pour aller plus loin sur ce bâtiment : BLÉCON Jean, Le palais du roi de Rome,

Napoléon II à Rambouillet, Paris, Somogy, 2004.

238 SALVADORI Philippe, op. cit., p. 229.

Bourbons avec les forêts de Dourdan et d’Épernon. Louis XVI a une relation très spécifique avec son domaine de Rambouillet et ses domaines en général. Il les connaît extrêmement bien et c’est lui qui décide des assemblées les veilles de chasse dans la Salle du Conseil. Il place lui- même les assemblées, les rendez-vous et les relais en forêt. Cette connaissance parfaite de Rambouillet est attestée également dans son Journal dans lequel il précise les distances des relais et rendez-vous240. L’ensemble de ces rendez-vous prennent pour point de référence le

château, centre de l’étoile que dessinent alors les branches et routes qui mènent à l’assemblée. Il faudrait revenir sur le mobilier cynégétique du château et du parc : tapisseries, sculptures, peintures, décorations et objets d’art qui ne sont que des preuves supplémentaires que la chasse et les animaux entrent dans le château. Le programme de décor cynégétique est riche : tapisserie des Gobelins, d’une chasse à Compiègne sous Louis XV, d’après Jean-Baptiste Oudry, des peintures et boiseries de trophées de chasse du XVIIIe siècle, les reproductions des statues de

la Diane d’Anet ou l’Artémis à la biche, les faisans peints de la salle à manger rappellent la fièvre cynégétique de tous les propriétaires de Rambouillet241.

Lieu d’arrivée des chasseurs, lieu des repas, lieu du départ de la chasse, lieu de fin de la chasse, le château structure la journée des chasseurs. Le château est notamment le théâtre de la cérémonie finale des chasses des Républiques. On y célèbre le tableau de la journée, c’est-à- dire la mise en ordre des gibiers morts sur la terrasse du château face au canaux242. Les invités

placés sur les balcons du château assistent à la présentation du gibier que les gardes s’appliquent à disposer par rangées de dix animaux, formant des tableaux de cinquante ou cent pièces. Ces lignes géométriques et numériques permettent de prendre en compte rapidement le nombre de pièces au tableau et de mesurer la réussite de la journée. Le château ne sert pas seulement pour les chasses car à partir de 1896, Rambouillet devient résidence d’été du Président de la République jusqu’en 2009. Les présidents font également du château un haut lieu de diplomatie internationale. De hautes personnalités étrangères sont conviées au château, ce dernier participe alors de la diplomatie et de l’entente cordiale ou non, entre différentes nations243.

Les princes de Rambouillet disposent dans le massif ouest du château de Saint-Hubert, inauguré en 1758. Vite abandonné il ne sert plus qu’aux haltes et aux déjeuners de Louis XVI.

240 AN, AE/I/4/3 : Journal de Louis XVI, Tome III contenant des cahiers relatant les chasses du roi dans les forêts de Versailles et de Rambouillet de 1769 à 1791, t. III.2.

241 Les cartes postales documentent la Tapisserie des Gobelins : ADY, 4Fi4713. 242 ADR, chasses présidentielles (avant 1995).

243 En 1975, par exemple, le G6 a lieu au château de Rambouillet et réunit les chefs d’État et hauts responsables des six plus grandes puissances mondiales. Soient la France représentée par le président Giscard d’Estaing, l’Allemagne de l’Ouest (RFA), représentée par son chancelier Helmut Schmidt, l’Italie représentée par le président du Conseil Aldo Moro, le premier ministre du Japon, Takeo Miki et le premier ministre britannique Harold Wilson, et les États-Unis représentés par le président Gerald Ford.

En 1809, en face de Saint-Hubert, Napoléon Ier décide d’établir le Pavillon de Pourras pour

accueillir ses haltes pendant la chasse. Il s’agit d’un petit pavillon qui peut accueillir les veneurs lors des laisser-courre. Du côté est du domaine, le duc de Penthièvre avait fait aménager en 1757 pour les chasses du roi Louis XV deux pavillons sur la rive sud-est de l’Étang de la Tour. Le Pavillon des Princes accueille le roi et les courtisans, et l’autre, le Pavillon des Piqueurs est destiné au personnel de la Vénerie. Napoléon Ier les fait rénover en 1809, puis ils sont transférés

en 1836 aux Eaux et Forêts de Versailles qui les fait démolir. Dans le Grand Parc, en 1857, Napoléon III fait construire un pavillon pour le déjeuner lors des chasses dans les tirés. Situé à l’angle des tirés des Plaisirs et de la Ferme il est nommé le Petit pavillon des tirés. Il apparaît sur une carte postale du début du XXe siècle sous le nom de Pavillon de l’Empereur avant d’être

détruit en 1928244. « S.M a désigné elle-même l’Emplacement, cette construction ne doit être

qu’un simple abri contre le mauvais temps, les jours de chasse245 », il est bâti sur lieu habituel

où l’Empereur à l’habitude de déjeuner.

Les pavillons sont des relais du pouvoir princier ils incarnent le pouvoir et la souveraineté du prince sur les terres de Rambouillet. Pour le Pavillon de Pourras il s’agit même d’instaurer un dialogue entre les régimes politiques, voisin sur l’autre rive du château de Louis XV, il se situe aux bords des étangs du Grand Roi, Louis XIV et vient nouer la chaîne des temps entre la monarchie absolue et l’empire. Ces pavillons sont également un document précieux quant aux considérations sur le corps du prince à la chasse. Si François Ier, le père des veneurs

peut faire halte dans une chaumière ou même une grange pendant la chasse, il n’est plus question avec la monarchie absolue et Versailles de laisser le chef de l’État déjeuner ou faire halte dans un espace non aménagé. Le corps du prince doit être mis à l’abri des intempéries et il faut protéger le corps – de l’État – pendant la chasse.

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