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La République reine d’un Petit Rambouillet (1870-1995)

II- Un mode de gouvernement : le parc de chasse

1- Le Grand Parc

Le Grand Parc de Rambouillet forme le noyau domanial et cynégétique de Rambouillet. Composé du château, des jardins, des canaux et pièces d’eau, et du parc de chasse, s’ajoute en

150 VIGNE Jean-Denis, « Domestication ou appropriation pour la chasse : histoire d’un choix socio-culturel depuis le néolithique. L’exemple des cerfs », Exploitation des animaux sauvages à travers le temps, Juan-les- Pins, Éditions APCDA-CNRS, 1993, p. 203.

151 ALLSEN Thomas T., The Royal Hunt in Eurasian History, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2011, p. 34.

1786 l’Établissement rural, la future Bergerie nationale. Il est constitué d’une variété de paysages et s’y rencontrent plusieurs usages et pratiques de la nature : agriculture et élevage, sylviculture, jardinage, promenade et vision, et chasses. Parmi l’ensemble de ces relations la chasse est l’activité la plus ancienne et la plus structurelle du Grand Parc. Elle lie les espaces, les pratiques et les acteurs. Car si elle se déroule majoritairement dans le Parc de chasse à proprement dit, la chasse déborde également dans les jardins anglais ou exceptionnellement sur les canaux, où sont chassés oiseaux et nuisibles. Mais le château est également conçu comme une résidence cynégétique pour les chasseurs qui y séjournent, de Louis XVI jusqu’au présidents de la République et leurs invités. Et le jardin français accueille également les tableaux c’est-à-dire la cérémonie qui clôt la journée de chasse sous les républiques. Le gibier et ses prédateurs débordent également du parc de chasse pour se retrouver dans les jardins et aux abords du château et des espaces de promenade.

La première mention d’un Parc à Rambouillet remonte à la seigneurie de Jacques Ier

d’Angennes, seigneur de Rambouillet de 1514 à 1562. Pierre de Janti écrit en 1947 que « le jardin ou enclos de Rambouillet avait été porté à 1 000 arpents clos de murs vers 1540152 » et

semble citer un document daté de 1541 mentionnant un Parc et deux garennes : la Petite et la Grande Garenne. La première carte à documenter le parc de Rambouillet n’apparaît que dans la bibliographie153. Elle est reproduite dans certains ouvrages sur Rambouillet et permet de voir

le parc de Rambouillet selon Pierre de Janti vers 1700. Il s’agit de l’état du parc à l’achat du domaine par Fleuriau d’Armenonville.

Entre 1699 et 1706 ce dernier modifie grandement le parc. Il l’agrandit de 75 arpents aux Malnoues et à Mocquesouris à l’ouest et de 49 arpents à la Porte Verte154. Il aménage les

carrefours, les routes et la Patte d’Oie du parc. Le passage de Fleuriau d’Armenonville et son rôle dans l’aménagement de l’espace cynégétique peut être confirmé par la Carte particuliere

de la forest de Saint Leger et Rambouillet avec leurs environs, qui date de 1708. Les deux cartes

attestent une version très similaire du parc au début de la période des Bourbons de Rambouillet. Les acquisitions du comte de Toulouse aux abords de son parc et des aux alentours directs de Rambouillet lui permettent d’agrandir le Grand Parc. Le comte de Toulouse donne son état définitif au Grand Parc de Rambouillet entre 1708 et 1716. Aucune archive n’a permis de

152 DE JANTI Pierre, op. cit., p. 28.

153 Voir Annexes – C&P 1 : Plan de Rambouillet, vers 1700. 154 DE JANTI Pierre, op. cit., p. 39.

confirmer la date avancée par Pierre de Janti, qui dit que le nouveau mur de 8 348 toises de long daterait de 1713155.

La vocation principale du parc comme le documente les plans est cynégétique. Le comte de Toulouse en tant que Grand Veneur du Roi, accueille les rois Louis XIV et Louis XV à Rambouillet. Il fait aménager en 1716 les plattes-bandes dans le parc. Il s’agit d’un aménagement paysager basé sur une alternance de bandes de cultures à gibier et de bois, qui servent de remises au gibier. Il s’agit de favoriser la présence de gibier à la fois pour la chasse mais également pour la promenade dans le Grand Parc.

En 1782, le duc de Penthièvre fait dresser un atlas qui documente la Réformation générale des bois du domaine. Le Grand Parc est concerné par cette réforme. Les plattes-bandes du comte de Toulouse sont à l’abandon, des accrues de bois blancs poussent dans les bandes destinées à la culture et les bois sont en mauvais état à cause de la dent du gibier qui retarde la pousse des arbres. Le duc de Penthièvre décide de valoriser les aspects sylvicoles et la promenade dans son parc n’étant pas chasseur malgré sa fonction de Grand Veneur. Il ordonne de mettre sous coupe réglée les plattes-bandes pour les exploiter : les bois durs tels que le chêne et le hêtre servent au chauffage du château depuis le comte de Toulouse, tandis que les bois blancs servent au chauffage des gardes, du corps de garde et la faisanderie. La présence d’étoiles de chasses et de carrefours spécifiques à la chasse à courre invite à penser que le parc pouvait servir à la vénerie sous les Bourbon-Penthièvre mais l’espace restreint du Grand Parc d’environ 1 000 hectares permet de relativiser la pratique de telles chasses. Joan Pieragnoli explique que la chasse à courre en parc constitue la deuxième étape sur trois dans l’apprentissage de la vénerie par les princes156.

Entre 1784 et 1788, Louis XVI n’effectue que cinq chasses à tir dans le Grand Parc et une dans le Petit Parc. Il chasse deux chevreuils le samedi 6 mars 1784, le tableau est de 128 pièces le 19 août 1784, de 141 pièces le 16 août 1785, de 200 pièces le 28 août 1786 et de 184 pièces le 23 août 1788. Ce faible nombre de chasses à tir et les résultats relativement faibles face aux chasses suivantes permet de saisir que le parc de Rambouillet n’est pas l’espace central des chasses du roi Louis XVI. Il y existe une faisanderie qui permet de peupler le parc d’un certain nombre d’oiseaux pour les très rares tirés du roi. Louis XVI vient à Rambouillet pour chasser à courre dans la forêt alentour.

Le Grand Parc se compose également de fermes : la ferme de la Pommeraie, de Mocquesouris et de Malâssis ou de Boulhart qui disparaît sous la Restauration sous le tracé des

155 Ibid.

tirés. Construites ou augmentées sous le comte de Toulouse la présence de terres cultivées n’est donc pas une nouveauté due à Louis XVI. En 1786, arrive à Rambouillet un troupeau de moutons d’Espagne, les futurs mérinos souffrent de l’humidité et du froid et sont placés dans la ferme de Mocquesouris157. Pour accueillir les bâtiments de la Ferme, Louis XVI fait défricher

selon Charles-Germain Bourgeois économe de la Ferme Royale « 300 arpents de mauvais bois, genêts et bruyères158 ». Christine Lang dit que ce sont les emplacements de la Laiterie de la

Reine et de la Ferme Royale (Cour Royale) qui sont défrichés. Ces travaux amorcent une reconfiguration de l’espace du Grand Parc et le début d’un nouveau règne physiocratique et agro-pastoral au domaine. Les quelques produits et cultures du Parc des fermes de la Pommeraie, de Malassis et Mocquesouris, « toujours entièrement détruits par le gibier159 »

connaissent une révolution ovine sous l’égide de la Ferme Royale, future Bergerie nationale. S’ajoute les bâtiments de l’Établissement rural et de la Bergerie impériale : les bergeries neuves. La création de ces bergeries neuves amène à un changement de nom, la Pommeraie, devient les Vieilles Bergeries au cours du XIXe siècle. Elles sont aujourd’hui à l’abandon malgré

l’existence d’un escalier et de caves médiévales de l’ancien manoir.

Pendant la Révolution, le parc est reconverti entièrement pour l’agriculture et l’Établissement rural. Les bâtiments des chasses sont transformés en bergeries et en hébergement pour les bergers. Malgré l’absence de sources sur le sujet, il est probable que le gibier a fortement diminué pendant la période pour garantir plus de nourriture pour les troupeaux de la Bergerie.

Le Grand Parc intègre également entre ses murs des mares, deux étangs, les canaux et deux pièces d’eau. L’étang de la Faisanderie et l’étang du Brochet sont en lien direct avec les chasses, tout comme les mares, telles que la mare aux Bécasseaux et la mare aux Demoiselles qui servent pour les chasses du gibier d’eau au XXe siècle.

Le XIXe siècle est un siècle de transformation pour le Grand Parc. Avec Napoléon Ier,

revient la préoccupation cynégétique impériale et royale, qui mène à une création du règne : les filets ou tirés de chasse. La pratique de chasse dans les tirés semble être née à Rambouillet comme le montre l’Atlas des Cartes dites des Chasses Impériales, où Rambouillet apparaît seul être doté de cet aménagement en 1805-1807. Nous revenons en détail sur l’évolution des tirés dans le chapitre trois. La pratique de la chasse à tir reste celle pratiquée dans les tirés et celle de la destruction des nuisibles jusqu’au XXe siècle. A partir de ce siècle, apparaissent à

157 LANG Christine La Bergerie nationale et le domaine de Rambouillet, op. cit., p. 322. 158 Ibid., p. 237, cite le mémoire de Bourgeois qu’elle dit être conservé aux AD de l’Essonne. 159 Ibid.

Rambouillet de nouvelles pratiques cynégétiques et de nouveaux aménagements liés à la pratique de la chasse à l’affût et de la chasse à l’approche : miradors et postes de tirs. Mais ces derniers ont peu d’impact sur le paysage puisqu’il s’agit d’installations fixes mais faites de bois qui disparaissent dans le paysage avec le temps.

En 1825, l’Atlas de Moléon en dresse la superficie à 924, 39 hectares ainsi répartis : 217, 81 ha bois et remises ; 443,34 Terrains de la Ferme ; 8, 79 Bâtiments ; 5, 73, Parties d’Eau ; 120,25 Bois et terrains employés par les nouveaux et les anciens tirés ; 118, 47 Terrains Employés à divers usages y compris les routes160. En 1880, la Convention entre la Bergerie et

le Service des Chasses indique que le Grand Parc comprend 920 hectares, 62 ares et 44 centiares. 4 ha 86 sont affectés au Ministères des Travaux Publics, 6 ha 74, 88 au Département de la Guerre, 310 ha12a97 à la Bergerie nationale et 598ha 88a 59 au Service des Chasses161.

En mai 1995, Jean-Paul Widmer rédige une « Présentation du Service des Chasses présidentielles Rambouillet Marly » et il dresse une description du parc de Rambouillet : « Le Grand Parc, clos de murs, a une superficie totale de 908 ha, dont 233 ha de cultures affectés au Centre d’Enseignement Zootechnique ; le domaine de chasse proprement dit comporte 675 ha : 217 ha de tirés, 163 ha de forêts et 295 ha de landes, vides et bâtiments d’exploitation162 » et ne

sont pas mentionnés les jardins du parc qui rajoutent 150 hectares.

Le parc sert également comme espace de récréation et de promenades pour les princes, les souverains, les présidents et leurs invités163. Tant dans les jardins comme le documentent les

fabriques des jardins anglais, ou les gondoles vénitiennes placées sur les canaux, que dans le Parc de chasse qui offre un espace vaste, calme et très esthétique. Les illustrations du livre de Leddet signé par le président Félix Faure et des photographies du président Soleil confirment la pratique de la promenade de certains présidents. Félix Faure apprécie notamment les promenades à cheval dans le parc.

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