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Les politiques éducatives en faveur des TIC

1.2 L’action politique pour promouvoir l’usage des TIC à l’École

1.2.2 Les TIC / NTIC, le temps de l’intégration

- De 1990 à 2000

Cette décennie se structure autour du développement d’Internet et de l’apparition des notions de « société de l’information » et de « fracture numérique », notions toujours associées et qui fonctionnent ensemble, la première étant censée permettre à la seconde de se réduire (Breton, 2002)35. Bien qu’apparue dès les années 1970, le concept de société de l’information connaît un réel regain à partir des années 1990, dans la lignée du programme américain de développement des « autoroutes de l’information » porté par Al Gore en 199236. L’expression est rapidement reprise par l’Union

35 Breton, 2002, La société de l’information : de l’utopie au désenchantement, Revue européenne des sciences sociales, (123) : « La décennie des années 90 a vu se lever une immense promesse autour d’Internet et des nouvelles technologies de communication. Cette promesse est apparue sous la forme d’un projet de société, la « société de l’information ». De très nombreux discours convergents, en provenance aussi bien des industriels, du monde politique que de certains milieux intellectuels, ont annoncé pas moins que l’imminence d’une véritable « révolution ».[…] Face à l’immensité des changements attendus, on a vu affirmer puis marteler le thème du « retard » en matière d’Internet. », p 35.

36 Miège, 2002, La société de l’information : toujours aussi inconcevable, Revue européenne des sciences sociales, (123) : « Le fait est que cette caractérisation ancienne a connu un étonnant renouveau à partir des années quatre-vingt-dix. C’est autour du programme de développement des autoroutes de l’information (National Information Infrastructure) dont l’initiative revient à Al Gore, alors Vice-Président des Etats-Unis que l’expression réapparaît; elle est relancée dans le cadre du G8 et surtout de l’Union Européenne pour soutenir le développement technologique et particulièrement les TIC, techniques de l’information et de la communication; les rapports Delors (Croissance, compétitivité et emploi – Les défis et les pistes pour entrer dans le XXI° siècle, Livre Blanc, Luxembourg, 1994) et Bangemann (L’Europe et le société de l’information planétaire, Recommandations au Conseil européen,

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européenne et donne lieu à la publication de rapports, livres blancs, plans d’action

« selon une chronologie qu’il est difficile de suivre dans le détail, car se succèdent régulièrement les initiatives […] » (Miège, op. cit.). Les nombreux promoteurs et

défenseurs de la société de l’information - intellectuels, politiques, journalistes, industriels, consultants - y voient la naissance d’une « nouvelle société post moderne

[qui] se substituerait à la « société industrielle » et serait à l’origine d’une société plus « égalitaire », plus « démocratique » et plus « prospère »,[…] promesse d’un monde

meilleur [qui] s’articule autour d’une exigence : accepter de basculer dans Internet l’essentiel de nos activités. » (Breton, op. cit.). Ce thème de la société de l’information,

synonyme d’un monde meilleur, plus juste, plus libre et plus connecté, se développe avec vigueur jusque vers l’an 2000 puis tombe en désuétude, remplacé par l’expression « société du savoir » ou « société de la connaissance » promue par l’Unesco37 et tout aussi révélatrice des utopies en lien avec la technique. La prégnance de la thématique de la valeur économique et stratégique de l’information, centrée sur la croyance en la force du progrès technique, sert de toile de fond à la politique éducative française de cette période.

La période est marquée par l’influence de Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale de 1997 à 2000 et auteur du plan triennal « Les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement », qui « jette

les bases d'une nouvelle démarche éducative s'appuyant sur les ressources du multimédia […] et prend en compte les atouts immenses offerts par les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour assurer l'entrée de la société française dans le XXIe siècle et gagner la bataille de l'intelligence »38. Ce nouveau plan ambitieux et les deux discours d’université d’été prononcés par le Premier ministre Lionel Jospin amorcent plusieurs changements dans la manière d’appréhender la politique de développement des technologies à l’école.

mai 1994) ont débouché rapidement sur la mise en œuvre du plan d’action Vers la société de l’information en Europe du 19 juillet 1994). », p. 42.

37 Unesco, 2005, Vers les sociétés du savoir. Disponible en ligne :

http://unesdoc.unesco.org/images/0014/001419/141907f.pdf, [consultation septembre 2018].

38 Les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans l’enseignement [Plan Allègre], 1997. Disponible en ligne : https://www.epi.asso.fr/revue/88/b88p047.htm, [consultation octobre 2016].

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Il est ainsi dit ou écrit que l’effort d’équipement, bien qu’indispensable et devant être poursuivi, ne peut plus se suffire à lui-même ni ne peut se substituer à une réflexion sur les objectifs et les moyens39. Allusion est faite aux « grands plans d’équipements

passés qui ont provoqué des déceptions » et dont il faut éviter de reproduire les erreurs,

en gérant les coûts et les investissements de manière réaliste et efficace40.

La démarche pédagogique est placée au centre de la planification conçue par Claude Allègre, tant il est avéré que « contrairement aux idées reçues, aucun pays n'a, à

ce jour, réussi cette difficile harmonisation entre les exigences de la pédagogie et les possibilités offertes par l'industrie du multimédia. Menée dans tous les établissements de New York en 1996, la dernière tentative de mise à disposition, pour les élèves et les professeurs, de matériel performant en ce domaine n'a pas atteint les objectifs escomptés, faute d'une réflexion et d'une offre satisfaisantes en termes de contenu pédagogique ». L’importance de la formation des enseignants est également une fois de

plus soulignée mais doit maintenant s’inscrire dans « un vaste dispositif déconcentré et

fédérateur d'énergies, favorisant tous les usages pédagogiques innovants, le partage des expériences et la mise en réseau des initiatives enseignantes à tous les niveaux de la maternelle à l'Université ».

Si les décideurs politiques ou « grands acteurs » demeurent force de propositions, garants des choix effectués et actifs dans une démarche de « soutien

volontariste », ils ont également pris conscience que doter en matériel ne suffit pas et

que l’innovation ne se décide pas (Akrich, Callon & Latour, 1988). Bien que la logique politique reste intrinsèquement planificatrice, programmatique, hiérarchique et centralisée, les élus et décideurs prennent acte du fait qu’il faut aussi prendre appui sur les forces locales et aussi chercher à « engager par le bas »41. En 1999, pendant

39 Discours de Hourtin d’aout 1997 et de 1999 : « Il ne suffit pas de proclamer que toutes les écoles doivent être équipées et raccordées. C’est un objectif évident que je fais bien sûr entièrement mien. Ce qui importe, c’est de savoir comment, à quel rythme et à quel coût doit se faire cet équipement […]. ». Disponibles en ligne : http://discours.vie-publique.fr/notices/993002100.html, [consultation octobre 2016].

40 Discours de Hourtin, op. cit. : « Nombreux sont les établissements qui bénéficient déjà des moyens nécessaires […] mais nos efforts resteraient largement vains et les déceptions provoquées par les grands plans d’équipement passés nous le montrent, si un effort considérable de formation n’est pas engagée parallèlement. ».

41 A Hourtin, en 1997 le premier ministre Lionel Jospin se dit « convaincu que les solutions ne peuvent être imposées d’en haut à la société. Quelle que soit son importance, il serait illusoire de tout attendre de l’intervention publique et l’Etat n’a pas vocation à se substituer aux autres acteurs de la société de l’information […] » et réaffirme en 1999 qu’un « Etat moderne est un Etat qui sait donner des impulsions

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l’université d’été à Hourtin, Lionel Jospin réitère ce crédo d’un État fort, volontaire, ambitieux, impliqué, capable de donner l’impulsion, tout en donnant aux acteurs les moyens d’agir par eux-mêmes.

Comme le relève Serge Pouts-Lajus (2000), cette nouvelle orientation « remontante », du bas vers le haut plutôt qu’imposée par le sommet politique, est parallèlement renforcée par les lois de décentralisation qui permettent aux établissements de construire des projets éducatifs à une échelle locale et renforcent leur autonomie42.