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La tablette tactile, un objet socio-technique à l’École

5.1 Tablettes grand public : présentation de l’objet technique

5.2.3 Avantages techno-pédagogiques des tablettes tactiles

Pour les enseignants utilisateurs de tablettes en classe, les caractéristiques techniques et logicielles de cet objet, transportable, maniable, rapide, intuitif et performant, permettent d’en faire un objet utile et avantageux d’un point de vue pédagogique. Les avantages techno-pédagogiques les plus régulièrement cités dans les comptes-rendus et témoignages d’enseignants documentalistes, sont nombreux et concordent avec les discours promotionnels, marchands ou institutionnels, qui présentent l’intérêt d’utiliser l’objet-tablette dans un contexte d’enseignement et d’apprentissage. Comme le précise Mathilde Miguet, « la tablette pourrait représenter,

et c’est la position actuelle du Ministère et des instances académiques, un moyen, parmi

19 L’équivalent français de cet acronyme anglo-saxon est le terme de mobiquité, contraction de mobilité et d’ubiquité, néologisme apparu vers 2008 et largement repris depuis.

20 Voir par exemple le Journal du net, 2018. Disponible en ligne :

https://www.zdnet.fr/actualites/chiffres-cles-le-marche-des-tablettes-39789571.htm, [consultation janvier 2019].

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d’autres bien entendu, de faire évoluer à la fois l’organisation scolaire et universitaire, les méthodes d’enseignement et les modes d’apprentissage dans le cadre de la société numérique. Indéniablement, les instances veulent favoriser l’utilisation de ce nouveau outil-média pour l’éducation. » (Miguet, 2015, p. 76). Nos relevés d’observation

permettent d’établir une typologie des avantages techno-pédagogiques les plus régulièrement cités.

En première place apparaît l’idée que les tablettes favoriseraient la production et la créativité : avec ces outils, les élèves deviennent « producteurs de

contenus complexes et enrichis » et leur « créativité » est « augmentée » ou « incitée ».

Les enseignants soulignent que les élèves font davantage d’activités variées grâce aux tablettes qui offrent une « pluralité des fonctionnalités » ; les tablettes permettraient également de faciliter certaines tâches telles que les recherches autonomes en ligne ou la lecture, tout en gagnant du temps, « les activités sont diversifiées, avec un gain de

temps ». Selon les témoignages des utilisateurs, les tablettes permettent un

enrichissement et une diversification des pratiques des élèves, « une mixité des

pratiques », de même qu’une valorisation de ces mêmes travaux grâce aux applis

existantes, préinstallées ou non. D’après les acteurs de terrain, les applis spécifiques, comme par exemple celles qui permettent de créer des e-book ou bien d’annoter, recadrer et monter ensembles des images fixes et animées, de créer de la réalité augmentée et d’y accéder, favorisent simultanément la création de productions nouvelles et la mise en valeur de ces nouvelles formes de production.

Les tablettes auraient pour effet de reconfigurer les espaces et les temps scolaires tout en permettant leur réappropriation par les élèves. Les sorties scolaires sont plusieurs fois citées, la portabilité des tablettes associée à leur équipement logiciel permettant de réaliser des activités hors de l’établissement puis retravaillées en classe. Un formateur dijonnais donne pour exemple la fabrication d’un herbier ou d’un livre de phrases, rendue possible par le prélèvement en extérieur de l’information, traitée ensuite en classe. Les lieux scolaires, au sein de l’établissement et de la classe sont également réinvestis de manière différente : les tablettes permettent une « grande souplesse dans la

répartition des groupes dans l’espace », les élèves peuvent choisir leur emplacement de

travail, sans que celui-ci soit nécessairement celui d’une chaise devant une table.

Cette nouvelle latitude entraîne un changement de la façon dont les élèves travaillent, seuls ou en groupe, et remodèle les manières de faire. Par exemple, un

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enseignant note « un changement des habitudes scolaires : les élèves se mettent sur les

chauffeuses, étalent leurs affaires autour d’eux en se réappropriant les espaces et les outils de travail différemment ». Dans un lieu tel que le CDI où coexistent déjà

différents espaces de travail, de lecture, de détente et diverses modalités de travail individuel ou collectif, libre ou encadré, l’exploitation entière, nouvelle et réinventée de ces possibilités variées serait rendue effective grâce à la mobilité de l’objet technique. Travail et confort seraient enfin réunis ; l’espace investi par les élèves s’agrandit et s’étale comme leurs affaires personnelles de travail ; les lieux scolaires s’hybrident et se transforment au contact de ces objets multi fonction et par l’action des usagers.

Les temps scolaires sont également présentés comme décloisonnés et reconfigurés : « grâce aux applis, les élèves se sont fortement impliqués sur les réseaux

sociaux ce qui a eu pour effet une poursuite du travail sur le temps autonome » ; « l’élève peut continuer sur les tablettes mises à disposition un travail commencé en cours. ». Dans cette présentation (ou représentation), l’objet technologique réduirait la

discontinuité des temps de travail des élèves et deviendrait un objet-frontière qui permet de créer une transition et un lien entre différents temps et espaces de travail habituellement cloisonnés. Là encore, le temps s’ouvre parce qu’il peut se poursuivre en dehors des espace et temps contraints de la classe.

Dans les témoignages des professeurs documentalistes, la reconfiguration des espaces et des temps apparaît comme ayant un effet positif sur le travail de groupe. Du fait de l’occupation plus modulable de l’espace et de la mobilisation augmentée d’outils de travail multiples, « le travail de groupe [gagnerait] en ergonomie grâce aux tablettes

qui permettent le travail simultané sur support papier et numérique, par exemple tablettes, dictionnaires et prise de note au brouillon, ou bien tablettes et ordinateurs utilisés en même temps. ». Le partage du travail et le travail collaboratif entre élèves

seraient par ailleurs facilités grâce aux applis disponibles sur tablettes21. Comme déjà souligné, le travail partagé est l’une des pierres angulaires des discours et des représentations sur les effets positifs du numérique, tout comme la société deviendrait davantage participative sous l’effet du numérique.

21 De nombreux travaux académiques mutualisés (TRAAM) s’emparent du thème du travail collaboratif. Pour exemple, l’un des groupes de travail intitule sa production « le travail collaboratif et le partage du travail est facilité par les applis tablette ». Voir les bilans sur ce thème du travail partagé, disponibles en ligne : http://eduscol.education.fr/ecogest/reseaux/AAM-actions-mutualisees/TRAAM-2013-2014/2013-2014-traam-bilan/bilan-theme-2-2013-2014, [nouvelle consultation avril 2019].

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Apparaît enfin l’argument de la motivation et de « l’attrait incitatif et motivant » des tablettes, argument si fortement présent dans les discours qu’il en serait devenu un mythe selon Tricot et Amadieu qui recensent les mythes de l’apprentissage avec le numérique. Les deux auteurs écrivent ainsi que « l’ensemble des progrès fait souvent

croire que l’intégration des technologies dans les situations d’apprentissage améliore la motivation des apprenants […]. De plus en plus de travaux s’intéressent à la question des motivations en tant que facteur impactant l’usage des technologies et en tant que résultante de l’usage des TICE […]. » (Amadieu & Tricot, 2014, p. 8). Attendu

et énoncé par les enseignants comme étant effectif, l’effet de causalité entre utilisation des tablettes et motivation accrue des élèves s’avère pourtant difficile à vérifier selon les deux chercheurs.

D’après les utilisateurs, les avantages fonctionnels et logiciels des tablettes, de même que les avantages de type techno-pédagogiques sont donc nombreux. La variété des points positifs évoqués par les enseignants semble prouver la pertinence de l’insertion de tablettes en contexte scolaire. La valorisation des multiples projets tablettes en contexte scolaire est rendue visible sur les plateformes dédiées type Eduscol et concorde avec une médiatisation générale. Peu de place est faite dans les espaces publics en ligne pour les voix discordantes qui portent une vision moins optimiste et moins techno-centrée. Ces avis divergents existent, essentiellement du côté des évaluateurs des politiques publiques et des chercheurs, mais ils sont peu valorisés sur les espaces pédagogiques en ligne.

A lire ces comptes-rendus de pratiques, il semble certain que l’intégration des tablettes à l’École doive être généralisée tant les bénéfices avancés sont importants. S’il est logique que les avis positifs soient prioritairement et majoritairement exposés, puisque l’objectif des espaces ouverts sur Eduscol ou sur les sites académiques est de valoriser les bonnes pratiques, cette uniformité apparente des points de vue exprimés n’empêche pas le chercheur de repérer, au-delà du consensus général, les éléments moins positifs.

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5.3 Difficultés de mise en œuvre des tablettes tactiles grand

public dans le contexte scolaire

Le recensement et l’analyse des synthèses, rédigées par les acteurs et publiées par les décideurs, permettent d’observer que les enseignants utilisateurs des tablettes identifient plusieurs difficultés relatives à la mise en situation scolaire de tablettes grand public.