• Aucun résultat trouvé

Les politiques éducatives en faveur des TIC

1.2 L’action politique pour promouvoir l’usage des TIC à l’École

1.2.3 L’École numérique, le temps de la généralisation

Ce troisième temps se structure autour de deux verbes : généraliser et intensifier, le premier relevant explicitement d’une volonté politique et le second en étant la conséquence logique ou le moyen choisi pour atteindre le but fixé.

Ces deux tendances fortes - généralisation et intensification - des expériences, des équipements et des pratiques, sont communes aux deux nouvelles périodes identifiées :

- une période allant de 2000 à 2012 ; - une période allant de 2012 à 2017.

Le bornage temporel de ces périodes se justifie par les dates de textes législatifs fondamentaux qui vont engager durablement l’État français et conditionner largement la plupart des choix politiques de ces deux décennies. Certaines de ces lois concernent directement le champ éducation et formation, d’autres se situent à sa périphérie mais ont un impact significatif sur le domaine.

sans se substituer aux acteurs de la société –citoyens, associations, entreprises, collectivités territoriales : l’Etat épaule leurs efforts, en leur donnant les moyens d’agir par eux-mêmes. ».

42 Pour les dates importantes et le rappel des lois successives de décentralisation en France, voir les rapports publiés par la Documentation française et le dossier du ministère de l’intérieur publié en 2012. Disponible à l’adresse : https://www.interieur.gouv.fr/Archives/Archives-des-dossiers/2012-Dossiers/La-decentralisation-a-30-ans, [date de consultation février 2018].

Première partie Chapitre 1 : Les politiques éducatives en faveur des TIC

Au titre de ces lois essentielles, pour la décennie 2000-2012, nous relevons de manière chronologique :

- la stratégie européenne de Lisbonne en 2000 qui introduit la notion

désormais primordiale d’éducation et de formation tout au long de la vie, et vise à faire de l’Union Européenne à l’échéance 2010 « l’économie de la

connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale »43. Dans ce texte est noté le rôle des TIC dans le domaine de

l’éducation permanente. Malgré l’échec constaté de cette stratégie, le projet se poursuit et les politiques nationales des pays membres de l’Union demeurent liées aux orientations définies à l’échelle internationale44 ;

- en 2005, en France, une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour

l’École est promulguée45. Ce texte complète, sans l’abroger, la précédente loi de 1989 et introduit un socle commun de connaissances et de compétences, articulé en sept domaines46. Le domaine 4 est consacré à la maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication. L’expression « culture numérique » y trouve place aux côtés de la culture scientifique et technologique (domaine 3) et de la culture humaniste (domaine 5).

43 Gaillard, 2013, De la stratégie de Lisbonne à la stratégie Europe 2020, Vie-publique.fr. Disponible en

ligne :

http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/union-europeenne/approfondissements/strategie-lisbonne-strategie-europe-2020.html, [consultation janvier 2018].

44 Gaillard, op. cit. « Durant les années 1990, un écart important se creuse entre l’Europe et les États-Unis, alors que les puissances économiques émergentes progressent et que le Japon demeure très performant en recherche-développement proportionnellement à sa population.[…] Devant ce décrochage, les États européens ont élaboré, lors du Conseil européen de Lisbonne les 23 et 24 mars 2000, une stratégie, dite « stratégie de Lisbonne » […]’objectif était ambitieux et dépassait le simple cadre de la recherche pour s’étendre au taux d’emploi des femmes, des jeunes et des seniors, ainsi qu’au taux de croissance.[…] Cette stratégie a échoué. […] Malgré le bilan de mi-parcours réalisé en 2004 par Wim Kok, ancien Premier ministre des Pays-Bas, et la réorientation opérée en 2005, l’échec était patent en 2010. Face à cela, la Commission a mis au point en mars 2010 la stratégie Europe 2020. »

45 LOI n° 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, publiée au

JORF n°96 du 24 avril 2005. Disponible en ligne :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000259787&dateTexte=&categ orieLien=id, [consultation septembre 2017].

46 France. Ministère de l’éducation nationale, Direction générale de l’enseignement scolaire, 2006, Le socle commun des connaissances et des compétences. Disponible en ligne :

Première partie Chapitre 1 : Les politiques éducatives en faveur des TIC

Cette culture numérique, ainsi nommée, apparaît comme une culture existant à part entière qui « implique l'usage sûr et critique des techniques de la société de

l'information. Il s'agit de l'informatique, du multimédia et de l'internet, qui désormais irriguent tous les domaines économiques et sociaux ». Le terme de culture confère une

légitimité nouvelle aux connaissances et compétences liées aux TIC mais cette culture, reliée aux enjeux économiques, semble exister par nécessité et en conséquence d’évolutions sociétales constatées. Cette forme nouvelle de culture, plus récente que les cultures humaniste ou scientifique historiquement mieux définies, doit s’acquérir dans

« des activités relevant des différents champs disciplinaires ». Elle est validée par le

Brevet Informatique et Internet collège (B2i), certification qui valide l’acquisition du niveau de compétences techniques et numériques requis47.

- A partir de 2006 et de la première mise en application de la LOLF (Loi

organique relative aux lois de finances, votée le 1er aout 2001), les règles d’élaboration et d’exécution du budget de l’État sont rénovées, « dans le but

d’améliorer l’efficacité des politiques publiques [et de] faire passer l’État d’une logique de moyens à une logique de résultats », dans une nouvelle

démarche dite « de performance »48.

Ce cadre budgétaire rénové vise la transparence, une plus grande lisibilité des projets et des moyens, un renforcement du contrôle et de l’évaluation, l’élaboration pour chaque programme d’une stratégie, d’objectifs et d’indicateurs de performance quantifiés, en offrant conjointement des libertés plus larges aux gestionnaires publics.

47 La loi de 2005 souhaite précisément redonner force aux brevets et certificats informatiques et internet existant depuis 2000, en les rendant obligatoires à chaque fin d’étape importante de la scolarité. Pour le renforcement de la place des brevets dans la scolarité voir par exemple le rapport annexé au projet de loi, disponible en ligne : http://cache.media.education.gouv.fr/file/05/5/1055.pdf : « L’apprentissage des usages de l’ordinateur et des environnements numériques doit conduire chaque jeune, pendant sa scolarité obligatoire, à utiliser de manière autonome et raisonnée les TIC pour se documenter, pour produire et rechercher des informations, pour communiquer. Le B2i collège sera intégré au brevet. Au lycée, l’élève doit être capable de traiter l’information, de gérer des connaissances et de communiquer. Le B2i lycée sera intégré au baccalauréat. Dans toutes les disciplines, la rénovation des programmes doit comporter des recommandations pour l’utilisation des TIC dans l’enseignement, le coordinateur pour les technologies de l’information et de la communication de l’établissement participera au conseil pédagogique de son collège ou lycée. L’obtention du C2i niveau 1 (licence) sera exigée de tous les étudiants entrant à l’IUFM. Celui-ci amènera les professeurs stagiaires au niveau 2 du C2i, c’est-à-dire à la capacité d’utiliser des TIC dans leur pratique pédagogique. ». Pour un historique complet du Brevet Informatique et Internet, remplacé en 2016 par un référentiel de compétences numériques, voir sur Eduscol à l’adresse :

http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/b2ic2i/b2i, [consultation janvier 2018].

48 La LOLF : enjeux et fondamentaux. Disponible en ligne : https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/files/documents/ressources_documentaires/publ ications/guide_pratique_lolf/2012/guidelolf2012_1.pdf, [consultation janvier 2018].

Première partie Chapitre 1 : Les politiques éducatives en faveur des TIC

L’institution officielle d’une culture de la performance, de l’efficacité et de l’autonomie a des effets non négligeables sur la gestion quotidienne des établissements scolaires, dotés d’une responsabilité et d’une autonomie accrues, ce qui ne va pas sans poser de nouvelles difficultés49.

- La dernière période que nous identifions, commence en 2012, au moment de

l’arrivée au pouvoir du président François Hollande et s’achève en 2017, avec l’élection du Président Emmanuel Macron. Durant ces cinq années, se déroulent deux changements majeurs dus aux élections présidentielles et de multiples autres changements « internes » occasionnés par les nombreux remaniements de la présidence Hollande50. Dans le même temps que s’engage, dès le début du mandat de François Hollande, une réforme importante de l’École, trois ministres de l’éducation nationale se succèdent51, une nouvelle loi d’orientation et de programmation pour l’École est votée52 et un nouveau grand plan de « relance du numérique éducatif » débute officiellement en mai 201553. De 2012 à 2017, l’activité politique se

49 A ce propos, voir le rapport conjoint IGEN-IGAENR, L’EPLE et ses missions, établi en 2006 et disponible en ligne : http://www.education.gouv.fr/cid4526/l-e.p.l.e.-et-ses-missions.html : « Plus de vingt ans après la publication du décret du 30 août 1985 créant l' « établissement public local d'enseignement », l'E.P.L.E. a pris une place décisive au sein du système éducatif. De manière progressive et continue, de nouvelles tâches sont venues s'ajouter à sa mission fondamentale d'enseignement. Aussi les personnels de direction ont-ils exprimé leur inquiétude devant l'accumulation de sollicitations diverses. Un recadrage de l'action des E.P.L.E. paraît donc s'imposer […] Aujourd'hui, l'autonomie de l'E.P.L.E. est encore en construction ; mais si l'administration centrale et les responsables académiques doivent être respectueux de cette autonomie, ils doivent aussi avoir le souci d'éviter que la diversité des approches ne dérive en disparités non compatibles avec le principe d'unité du service public. […] ».

50 Les décodeurs, le Monde.fr, 06/12/2016, Présidence Hollande : 5 gouvernements, 15 remaniements, 74 ministres et secrétaires d’Etat. Disponible en ligne : http://www.lemonde.fr/les- decodeurs/article/2016/12/06/presidence-hollande-5-gouvernements-15-remaniements-74-ministres-et-secretaires-d-etat_5044393_4355770.html#FezhLjZxMhfPjBuG.99, [consultation décembre 2016].

51 Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault du 16 mai 2012 au 31 mars 2014, Benoit Hamon ministre de l’éducation nationale dans le gouvernement de Manuel Valls du 2 avril 2014 au 25 aout 2014 et Najat Vallaud-Belkacem ministre de l’éducation nationale dans le gouvernement de Bernard Cazeneuve du 26 aout 2014 au 12 mai 2017.

52 Loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République n°2013-595 du 8 juillet 2013, version initiale parue au JORF n°0157 du 9 juillet 2013. Disponible en ligne :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027677984&categorieLien=id et

et en version consolidée :

https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027677984&dateTexte=201802 02 , [consultation février 2018].

53 Lancé officiellement le 07 mai 2015 par le Président de la République, Plan numérique pour l’éducation, disponible en ligne : http://ecolenumerique.education.gouv.fr/plan-numerique-pour-l-education/. Une alternance politique rapide (mai 2017) viendra bousculer la mise en œuvre de ce plan.

Première partie Chapitre 1 : Les politiques éducatives en faveur des TIC

cristallise sur l’École, thème investi de manière constante par les dirigeants français arrivant au pouvoir.

Retracer cette histoire, dense et mouvementée, nous permet d’observer que malgré les alternances politiques régulières, l’École, qualifiée parfois de « passion

française », est dans notre pays une question éminemment politique54. Au-delà des controverses que chaque annonce ou projet de réforme ne manque de susciter, l’éducation semble être un marqueur politique, auquel chefs de l’État et gouvernements attachent une importance primordiale pour se positionner sous l’angle des valeurs ou pour laisser une empreinte au minimum textuelle : « depuis 1968 […] les

enseignements, les formes d’enseignement et les enseignants sont régulièrement remis en cause. La volonté de chaque nouveau ministre de l’Education nationale de laisser son empreinte textuelle […] accroît d’autant l’instabilité du système éducatif. » (Moatti,

2010).

Cette production continue de textes officiels permet à la politique éducative en faveur des TIC de se déployer et de s’inscrire dans une certaine durée, en dépit des revirements réguliers. La communication institutionnelle confère ainsi une forme de pérennité aux choix politiques et constitue l’un des invariants de cette politique nationale relative à l’apprentissage et aux technologies.

54 Voir à ce propos l’entretien que donne Aziz Jellab, le 18 janvier 2017, à l’équipe du Café pédagogique, en complément de la publication de son ouvrage Société française et passions scolaires. L'égalité des chances en question, Presses universitaires du Midi. L’entretien est disponible en ligne :

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/01/18012017Article636203211722924664.aspx, [consultation janvier 2018] : « C'est un travail commencé il y a 3 ans, juste après le débat sur la refondation. Le caractère passionnel du débat sur l'école m'avait frappé. Et puis il y a eu la publication des résultats de Pisa 2012. Et là je me suis dit : "c'est étrange c'est un débat passionnel mais il y a une difficulté à en parler de façon sereine". Il n'est pas étonnant que l'Ecole soit passionnelle. Mais il l'est davantage que la passion soit si forte […]. J 'ai vite compris que le caractère passionnel tient au fait que l'Ecole est profondément dans les mentalités françaises. » Voir également la présentation d’une conférence intitulée L’école : une passion française ? (Forestier, Y. 2018). Disponible en ligne :

https://www.echosciences-hauts-de-france.fr/evenements/conference-l-ecole-une-passion-francaise, [consultation janvier 2018] : « Au pays de Jules Ferry, l’éducation est considérée comme un sujet éminemment politique. Or en dehors de la controverse public/privé, qui est un marqueur bien identifié de l’opposition droite/gauche, les débats relatifs aux questions scolaires peinent à trouver une traduction politique claire. […] Cette conférence se propose de mettre en évidence le décalage entre les polémiques et les prises de position les plus médiatisées et les problèmes bien réels de l’école, et le besoin pour l’ensemble des acteurs du monde éducatif d’ouvrir enfin le débat sur l’éducation qui conviendrait à une société démocratique. Appuyée sur des analyses historiques de discours médiatiques sur l’école, elle interroge la relation que les professionnels de l’éducation doivent pouvoir établir entre valeurs et pratiques quotidiennes. ».

Première partie Chapitre 1 : Les politiques éducatives en faveur des TIC