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Les répertoires de l’action clandestine « radicale »

G ÉNÉALOGIE DES MILITANTS DES DROITS DE L ’HOMME

2. Les répertoires de l’action clandestine « radicale »

La catégorie même de l’action clandestine ou en exil suppose une volonté tenace de militer dans un contexte par définition difficile. Pour la plupart, ces militants ont participé à la diffusion d’idées par la distribution d’écrits ou par des groupes de discussion. Ceci reflète très certainement la composition socio-professionnelle des militants qui, pour la plupart, exerçaient des fonctions intellectuelles (a). L’action prétendument violente ou ayant eu des objectifs de cette nature est restée marginale (b).

a. La dénonciation par l’écrit

Pour nombre de miltiants recrutés dans les universités, alors qu’ils étaient professeurs ou étudiants, il s’est agi d’utiliser leurs connaissances et leurs compétences d’écriture et de communication au service d’une cause. De plus, si les activités de ces organisations avaient pour objectif la mobilisation de la population, les activités effectives semblent avoir été confinées à un public restreint, étudiants et pairs.

1 Les groupes seraient les suivants : Ukenya (situé à Londres et dirigé par Ngugi wa Thiong’o et Yussuf Hassan), Organization for Democracy in Kenya (Suède), Kenya Patriotic Front (Norvège), Harakati ya demokrasia (Danemark). Cette information est donnée par Itikadi, p.69. Les critiques face à l’engagement politique de Ngugi wa Thiong’o à Londres sont rapportées complaisamment par la Weekly Review, qui dénonce la dérive politique de l’écrivain : voir « Best-known Writer Now ‘enfant terrible’ of the Literary World » dans le supplément « Life and Leisure » de la Weekly Review, September 1985.

2 Itikadi, p. 71 et Friedrich Erbert Stiftung/ Citizens for Justice, op.cit.

3 Cette expression signifie : union des combattants pour libérer le Kenya. Les informations concernant ce dernier groupe nous sont données par Njuguna Mutahi, exilé volontaire en Tanzanie après sa détention au Kenya : « Je suis resté trois ans en Tanzanie. Tu sais comment c’était : la Tanzanie n’encourageait pas les réfugiés à venir là-bas, surtout les Kenyans. Mais ils étaient protégés par l’UNHCR qui essayait de les faire sortir du pays, vers le Canada ou Bélize. Mais je n’ai jamais voulu partir. Il y avait beaucoup d’anciens prisonniers politiques. Mais il y avait des scissions. Il y avait Mwakenya et Umoja wa wazalendo wa kukomboa Kenya (Uwake). Et ils ont fait des erreurs : ils forçaient les gens à prêter serment, ils publiaient des déclarations annonçant le renversement du gouvernement sans y être préparés. Ils n’ont jamais défendu les autres qui étaient emprisonnés », entretien avec Njuguna Mutahi.

Selon l’un de ses membres, Maina wa Kinyatti, historien à l’université de Nairobi, DTM a été créé pour « sensibiliser les étudiants et les autres Kenyans à leurs droits », notamment à travers la publication de Pambana1 : « nous avons aussi introduit le marxisme à l’université et nous avons

utilisé les salles de classe pour diffuser cette idéologie. On donnait ainsi aux étudiants le choix entre le capitalisme qui régnait et le socialisme qui les éclairait » 2. Certains, parmi ce groupe d’universitaires, sont arrêtés, ce qui provoque une réaction en chaîne à l’université, avec des

leaders étudiants qui protestent et commencent leur meeting au cri de « Pambana »3. Parallèlement, les étudiants lancent un journal, Sauti ya Kamukunji4, qui doit être un outil de « prise de pouvoir »

au sein de la communauté estudiantine et dont Njuguna Mutahi est le rédacteur en chef5. Selon

Kangethe Mungai, l’une des activités principales des membres de Mwakenya était d’imprimer et de distribuer des tracts signés Pambana, reprenant ainsi le style de DTM6. Au-delà de ses écrits personnels, Ngugi wa Thiong’o fait connaître son organisation, Umoja, à travers deux textes :

Struggle for Democracy in Kenya. Special Report on the 1988 General Elections in Kenya et Moi’s Reign of Terror. A Decade of Nyayo Crimes Against the People of Kenya, publiés à Londres en 1988 et1989. Ces

divers écrits semblent avoir surtout touché les membres impliqués dans ces groupuscules. Kangethe Mungai rapporte en effet que Mwakenya constituait « un petit groupe de gens qui ont planté

les graines des idées révolutionnaires. C’était plus l’union d’individus, de gens progressistes. C’était un forum politique pour eux »7.

La dénonciation écrite et publique, souvent restreinte à un petit groupe d’initiés, se retrouve également au Cameroun. Dans les années 1970, des échanges médiatisés par la presse française ont lieu entre groupes en exil et pouvoir en place. Manifestant l’extraversion de la lutte, ces échanges attestent également de la position « privilégiée » des exilés qui peuvent, pour attirer

1 « Ku-pambana » signifie à la fois « se rassembler » et « se confronter ».

2 The People, January 21, 1999.

3 Itikadi, p.39 ; Friedrich Erbert Stiftung, Citizens for Justice, op.cit.

4 Sauti ya Kamukunji signifie le cri de Kamukunji. Ce dernier terme fait référence à une place située dans un quartier de Nairobi, sur laquelle Kenyatta avait prononcé des discours au moment de l’indépendance et qui est devenue depuis un lieu de rassemblement lors de mobilisations protestaires. Par extension les Kamukunji désignent les rassemblements étudiants.

5 Entretien avec Njuguna Mutahi.

6 « La police recherchait tout individu suspecté d’être contre Moi. J’ai déserté mon travail en avril et suis devenu un membre à plein temps de Mwakenya. J’ai rejoint les collègues, dans notre cellule de 5 personnes dans l’Ouest, pour faire avancer la cause, notamment en distribuant des tracts Pambana », Sunday Nation, March 12, 2000.

l’attention, multiplier les « allégations incendiaires » sans avoir à apporter des preuves1. Ainsi aux « outrances verbales de l’opposition camerounaise qui ont eu pour résultat de la décrédibiliser »2, répondent les démentis du pouvoir largement relayés par Le Monde, accusé de désinformation dans le traitement de la situation camerounaise de 1960 à 19823. L’ « affaire des tracts » de 1976, qui donne lieu à ce type d’interactions entre détracteurs et défenseurs du régime à propos de la répression qui suit cet acte de dissidence, est un épisode connu de l’action clandestine camerounaise4. Revenue au Cameroun après l’accession au pouvoir de Biya, l’UPC toujours illégale continue de produire des écrits destinés à diffuser ses revendications. Henriette Ekwe, qui participe à la rédaction de Kamerun Nouveau, rapporte que la ligne éditoriale de ces « quatre feuilles » photocopiées « était simple : on voulait l’ouverture démocratique, on était contre la

dictature, pour des procès équitables, par rapport à Ahidjo par exemple ». En France, Moukoko Priso,

militant UPCiste, édite La voix du Kamerun dans lequel il dénonce les arrestations des ses « camarades UPCistes », notamment dans les années 19805. Albert Mukong, militant de longue date, journaliste et écrivain, apporte sa contribution à ces revendications politiques en dénonçant par l’écriture les abus dont il est victime. Après avoir passé six ans dans les prisons camerounaises, il témoigne dans un ouvrage, Prisoners Without a Crime, publié en 1984 et interdit

1 Dans son étude d’un mouvement mauritanien en exil, le FLAM, Lance Kinne analyse cette stratégie comme l’un des atouts de l’opposition exilée. Voir Kinne, L., « The Benefits of Exile : the Case of FLAM », Journal of Modern African Studies, vol.39, N°4, 2001, p. 597-621.

2 Médard, J-F., art.cit., 1995, p. 359.

3 Une étude de Kerrouche et Nay démonte la vision partiale (institutionnelle) donnée par le quotidien de la situation camerounaise. Voir, Kerrouche, E., Nay, O., Un « Monde » au-dessus de tout soupçon ? Le Cameroun dans « le Monde » 1960-1982, une désinformation ?, multigr, IEP de Bordeaux, 1990. Voir également cette citation d’un article du Monde qui montre bien le point de vue adopté par le journaliste favorisant la vision du « milieu officiel » sur les actions de l’opposition : « Cette concentration des pouvoirs, la rigueur policière du régime, sa longévité aussi exaspèrent les contestataires. ‘Il y a des mécontents dans le pays comme partout à travers le monde, mais pas d’opposants. Quant à ceux qui résident à l’extérieur, ils sont dépourvus de tout moyen d’action’ entend-on fréquemment dire dans les milieux officiels », Le Monde, 6 février 1979.

4 Des tracts exigeant le retour à la démocratie ainsi que des progrès dans les domaines de la santé et de l’éducation sont distribués à Yaoundé en 1976. Cet acte de défiance conduit à l’arrestation d’un nombre important de personnes, emmenés dans des camps, parfois torturés, selon les témoignages écrits ultérieurement (voir Bassomb, N., op.cit. ; Eteki-Otabela, M-L, Le totalitarisme des Etats africains : le cas du Cameroun, Paris, L’Harmattan, 2001). Cette répression est alors l’enjeu de dénonciations publiques de la part des groupes d’opposition, dont les informations paraissent manipulées et qui sont suivies de démentis tout aussi vindicatifs de la part des autorités camerounaises. L’ambassadeur du Cameroun affirme que « l’opposition ‘kamerunaise’, sous le nom d’UNEK, CIEO, MANIDEM est un ensemble de tapageurs, dont les infos sont erronées », dans « Une mise au point de l’ambassadeur du Cameroun sur l’opposition », Le Monde, 11 janvier 1977, répondant à un article : « L’opposition dénonce la répression policière », Le Monde, 1er janvier 1977, qui reprend une lettre publiée par l’UNEK. Ce type d’interaction dénonciation-démenti se retrouve déjà avant : « Torture au Cameroun », correspondance publiée par Le Monde, 27 mai 1972, d’Abel Eyinga auquel répond un démenti de l’ambassadeur du Cameroun, publié par Le Monde le 13 juin 1972.

5 L’UPC connaît une longue tradition d’écrits de propagande et pédagogiques, et a toujours publié des journaux pour diffuser ses positions politiques. Voir les textes d’Um Nyobé, particulièrement prolixe, rassemblés par Achille Mbembe dans Um Nyobé, Ecrits sous maquis, Paris, L’Harmattan, 1989, et Um Nyobé, R., Le problème national kamerunais, Paris, L’Harmattan, 1984 ; voir également Joseph, R., op.cit. et Le Vine, V., op.cit., p. 227-233.

au Cameroun en 19851. Ayant rejoint le RDPC, il multiplie les écrits critiques afin de faire entendre la cause anglophone pour laquelle il milite depuis l’indépendance : « The Problems of New

Deal », « Open Letter to the First New Deal Congress of the CNU », « What Is To Be Done ». Son

indépendance au sein du parti l’amène à en dénoncer les procédures électorales en 1987, dans un entretien accordé à la BBC. Témoignage oral cette fois-ci, dont il relate les conséquences fâcheuses dans My Stewardship in Cameroon, publié en 1992.

b. La perspective de la violence

La diffusion de documents de propagande et de dénonciation ne constitue cependant pas l’unique outil de résistance de ces groupes aux moyens réduits. Certains membres, plus jeunes au Kenya, ou s’insérant dans la perspective révolutionnaire UPCiste au Cameroun, ont tenté d’organiser des activités armées comme « moyen d’insurrection », et non plus uniquement de résistance. Telles sont en tout cas les conclusions que l’on peut tirer du témoignage de militants interrogés. Ces activités n’ont cependant jamais abouti et sont restées largement au stade du projet. La perspective de la violence a ainsi pu constituer un moyen d’affirmation identitaire au sein de groupes aux contours mal définis et aux activités restreintes2. Si l’efficacité de tels outils est donc nulle à l’aune des objectifs affichés, il est intéressant de constater qu’ils représentent une expérience d’engagement quasi-total de la part de ceux qui s’y sont préparés, et qu’ils pourront constituer une référence singulière du répertoire d’action dans la défense des droits de l’Homme.

Le recours à la violence dans le mouvement clandestin kenyan est difficile à dater et à vérifier. Il est considéré comme une évidence par les dirigeants kenyans qui multiplient, à partir d’avril 1986, les déclarations à l’encontre de ce mystérieux groupe Mwakenya qui aurait pour objectif le renversement du gouvernement par des moyens illégaux3. Si la plupart des documents ne font pas mention de ce recours à la violence révolutionnaire, les hésitations d’Amnesty International quant à la qualification des prisonniers comme « prisonniers de conscience », c’est-à-dire ne prônant pas le recours à la violence, renforcent cette incertitude. Selon son rapport, la violence n’aurait été décidée qu’en 1986 et n’est pas avérée à l’époque de la publication4. Le Minimum

1 Il sera re-publié à Paris en 1990.

2 Isabelle Sommier fait de cette construction identitaire l’une des interprétations du recours à la violence des groupes d’extrême-gauche des 1970, voir Sommier, I., La violence politique et son deuil. L’après-68 en France et en Italie, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 1998, notamment, p. 61-64.

3 « Jail and Detentions on Security Matters », Weekly Review, April 11, 1986.

Programme de Mwakenya ne soutient pas non plus l’acte insurrectionnel1. Kangethe Mungai rapporte pourtant que sa cellule a été engagée dans des activités de sabotage. Dans un entretien au quotidien Daily Nation il rapporte en effet : « nous voulions commencer une guérilla et renverser le gouvernement. Mais le gouvernement Moi a étouffé le mouvement dans l’œuf avant qu’il ne soit allé loin» et ajoute qu’il est allé chercher des armes en Ouganda2

. Un autre défenseur souhaitant rester discret sur cette activité affirme qu’il a participé à un entraînement militaire en Ouganda, avec deux autres défenseurs contemporains des droits de l’Homme.

De son côté, Henriette Ekwe explicite les activités de l’UPC en exil, qui se voulait d’abord être une formation politique « en vue de la lutte clandestine, avec en perspective la lutte armée si il n’ y a pas

d’autre issue »3. Tacitement, du fait de l’essoufflement du régime à la fin des années 1970 puis de l’ouverture prônée par le régime Biya, les membres de l’UPC se disaient qu’ils pourraient abandonner la lutte armée. Mais la préparation des cadres n’a jamais été abandonnée4. Cette lutte armée est ainsi restée un mode d’action potentiel auquel les militants ont fait semblant de croire, sûrement parce qu’elle a longtemps constitué une activité centrale de l’UPC, qu’elle fixe un objectif déterminé et identifiable et qu’elle rassemble autour d’une activité précise.

En congruence avec les modes d’action choisis, les causes défendues par les militants de cette époque participent aussi à la formation du répertoire radical et minoritaire dont ils sont porteurs.

B . L e s i d é e s d é f e n d u e s

Le monopole de la parole politique légitime n’est pas une caractéristique discriminante des régimes autoritaires, qui sont marqués par « une limitation de la liberté mais jamais l’abolition de celle-ci »5. Comme d’autres régimes africains, les régimes étudiés ont néanmoins tenté d’affirmer

1 Le seul élément contraire se trouve dans la représentation iconographique de mouvement qui apparaît sur quelques pages du Minimum Programme : un fusil imprimé sur une faucille et un marteau sont au centre du Kenya, lui-même encadré par une étoile. Ce mélange des symboles de la lutte armée, du nationalisme et du communisne rassemble les aspirations du mouvement.

2 Sunday Nation, March 12, 2000 ; les trois « saboteurs » avaient déjà « avoué » au moment de leur détention : « Now it is sabotage », Weekly Review July 11, 1986 ; Kangethe Mungai confirmera ces propos lors de notre entretien. De même, selon les « aveux » fournis par Odenda Lumumba, celui-ci aurait dit avoir assisté à une réunion de sa cellule (celle de Kangethe Mungai) au sein de laquelle aurait été décidé un acte de sabotage. Voir « More Jailed », Weekly Review, May 2, 1986.

3 Entretien avec Henriette Ekwe.

4 Idem.

leur domination par un discours légitimateur aux velléités « intégratrices et unanimistes » 1. C’est ainsi que les deux présidents des indépendances et leurs successeurs respectifs ont formulé des discours mobilisateurs fondés sur une « éthique de l’unité »2. Le fameux Harambee de Jomo Kenyatta a connu un succès certain dans et hors du Kenya. Plus confidentiel, le slogan de son successeur, Nyayo, se pose en continuité avec la politique de Kenyatta dont il veut en même temps se démarquer3. Alors que Paul Biya se revendique d’une idéologie nouvelle, celle du « Renouveau » et du « libéralisme communautaire »4, son prédécesseur n’a pas résumé sa vision politique dans un slogan particulier : la construction de l’unité nationale est son objectif majeur. Ces slogans politiques sont loin d’être des projets totalisants, ni même le résultat d’une vision idéologique forte. Ils relèvent d’un pragmatisme avéré pour ce qui est des constructions discursives camerounaises5, et d’une « idéologie clientéliste »6 mettant à nu les pratiques redistributives dans le système kenyan. Malgré leurs caractéristiques fonctionnelles et pratiques évidentes, ces slogans sont tenus pour des discours usurpateurs, autoritaires, monopolistiques à combattre, soit en y opposant des visions du monde alternatives, soit en délégitimant totalement les régimes en place. Cette seconde option est celle de la rébellion camerounaise et des militants UPCistes particulièrement incisifs à l’encontre d’un régime qui s’est emparé de sa raison d’être, la lutte nationaliste (1). Un discours alternatif est également proposé par les intellectuels kenyans,

1 Benot, Y., Indépendances africaines : idéologies et réalités, Paris, Maspero, 1975.

2 Bayart, J-F., « L’hypothèse totalitaire dans le Tiers Monde : le cas de l’Afrique Noire », in Hermet, G. (dir.), Totalitarismes, Paris, Economica, 1984, p. 206-207. Il pose l’hypothèse totalitaire tout en suggérant que les « Etats de droit tels que le Cameroun et le Kenya ne peuvent être considérés comme totalitaires, bien qu’ils fonctionnent parfois sur un mode totalitaire », p. 212.

3 Nyayo se base sur le tryptique « Amour, paix et unité », et signifie « traces » en kiswahili, en référence au parcours effectué par le Mzee Kenyatta. Comme le souligne Grignon, les traces à suivre deviendront bientôt celles de Moi, « de gré ou de force ». Voir Grignon, « Les années Nyayo », in Grignon, F., Prunier, G. (dirs.), Le Kenya Contemporain, Paris, Karthala, Nairobi, IFRA, 1998, p.315. Sur l’idéologie Nyayo, voir également Haugerud, A., The Culture of Politics in Modern Kenya, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, p. 56-107, pour son étude de la diffusion du discours forgé par Moi à son arrivée au pouvoir par l’intermédiaire des baraza (assemblées locales en kiswahili).

4 Le président camerounais place son régime sous le signe du « Renouveau », grâce auquel il s’agit de « donner progressivement naissance à une démocratie plus authentique et à une société plus ouverte » et de « créer un judicieux équilibre entre l’ordre, la liberté et le progrès » (extraits du discours de Paul Biya après son accession à la présidence de l’UNC, tirés de : « L’effet Biya », Jeune Afrique, N°1186, 28 septembre 1983, p.36) ; il approfondit ces principes dans le Libéralisme communautaire, publié en 1987, et dont Delancey expose les nouveautés : l’accent mis sur la démocratie, la liberté de la presse, mais aussi les limites : le caractère élitiste et paternaliste de la rhétorique employée, l’accent mis sur l’ordre et le respect de la rule of law, par peur d’un potentiel chaos. Voir Delancey, M., op.cit., p.78. Voir également sur le discours libéral de Biya dans les années 1980 : Kamto, M., « Quelques réflexions sur la transition vers le pluralisme politique au Cameroun », in Conac, G. (dir.), L’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Paris, Economica, 1993, p. 211-214, et Takougang, J., « Cameroon : Biya and Incremental Reform », in Clark, J.F., Gardinier, D.E. (eds), Political Reform in Francophone Africa, Westview Press, 1997, p. 162-167.

5 Bayart, J-F., art.cit., 1970, p. 687. Par delà l’absence de justification ideologique du régime, la thématique de l’unité, déclinée comme suit : « Un seul pays, un seul parti, un seul président », est un signe de cette volonté monopolistique, Idem, p. 711.

l’ensemble de ces militants adaptant les cadres d’interprétation du monde alors disponibles, et dominant la critique des régimes africains dans les années 1970 et 1980 (2).