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Kenya : les ONGDH et la revendication constitutionnelle

G ÉNÉALOGIE DES ONG DE DÉFENSE

2. Kenya : les ONGDH et la revendication constitutionnelle

La situation kenyane est à cette époque en tous points différente. Alors que les groupes agissent en concertation, ils bénéficient, de plus, de relations privilégiées avec de nombreux partenaires, nationaux et internationaux. Sous l’impulsion de la KHRC et de RPP, premiers initiateurs du débat public sur le besoin d’une réforme constitutionnelle, un ensemble d’acteurs va progressivement se mobiliser pour aboutir, à partir de mai 1997, à un mouvement de masse

1 Il est fait mention plusieurs fois d’actions menées en commun avec le CNDHL (séminaires…), même si le HRDG n’hésite pas à critiquer ouvertement les limites d’un tel organisme.

2 Le secrétaire général du CNDHL était alors le Dr. Gemuh E. Akuchu, anglophone proche du SDF, dont Albert Mukong est l’un des fondateurs.

exigeant des réformes avant les élections de décembre 19971. La défection, à partir d’août 1997, de certains acteurs religieux et des partis politiques qui négocient des réformes minimales avec le gouvernement est aussi le signe de la dépendance de ces ONGDH face à ces éléments extérieurs pour obtenir des changements fondamentaux des règles du jeu politique.

La diversification des partenaires mobilisés et des ressources disponibles est sûrement l’atout principal du mouvement de revendication constitutionnelle, dont les échos se font encore entendre aujourd’hui. Elle permet d’accéder à des ressources matérielles (expertise, agents de mobilisation) et symboliques (légitimation auprès de divers cercles sociaux). Dans le prolongement des revendications contre les abus du régime des années 1980 et pour le multipartisme, les catégories sociales, professionnelles et politiques actives sont les juristes, certaines Églises et, fait nouveau, des homme politiques de l’opposition et des groupes populaires (représentants d’habitants de bidonvilles par exemple). Cette continuité est le fait de réseaux préalablement constitués et facilement mobilisables en cas de besoin. La proximité des ONGDH avec les professionnels du droit est très étroite. Willy Mutunga et Maina Kiai, respectivement membre fondateur et directeur de la KHRC à cette époque, sont tous deux élus au comité de la Law Society of Kenya (LSK) en mars 1993. Mutunga en est le président, tandis que Kiai est responsable du comité des droits de l’Homme. Cette maîtrise de l’institution principale de représentation des juristes est un outil précieux pour les ONGDH. En effet, après l’échec de la mobilisation proposée par le CNC, la KHRC reprend l’initiative et rédige, à l’aide d’un consultant financé par le NED, une première proposition de modèle de constitution2. Elle demande ensuite à deux organisations de juristes, la LSK et l’International Commission of Jurists (Kenya) de participer à l’élaboration de ce premier modèle. La collaboration de ces trois organisations se renforce progressivement en 1993 et 1994, et aboutit à la tenue de séminaires de présentation et de discussion auquel sont conviés les organisations religieuses, qui avaient également évoqué le besoin d’une réforme constitutionnelle3, les partis politiques, des syndicats étudiants et des groupes de travailleurs informels. En juin 1994, un comité restreint et les

1 Voir le récit de ces initiatives (1992-1997) par l’un de ses initiateurs, membre fondateur de la KHRC : Mutunga, W., op.cit. ; voir également, par des acteurs du mouvement : Kibwana, K., art.cit. ; Katumanga, M., « Civil Society and the politics of Constitutional Reforms in Kenya : a Case Study of the National Convention Executive Council », SAREAT, disponible sur : http://www.ids.ac.uk/ids/civsoc/final/kenya/ken2.doc ; Kiai, M., « Commentary : a last chance for peaceful change in Kenya ? », Africa Today, vol. 45, N°2, April-June 1998, p. 185-192. Voir également : Holmquist, F., Ford M., « Kenyan Politics : Toward a Second Transition ? », Africa Today, vol. 45, N°2, April-June 1998, p. 227-258 ; Barkan, J.D., « Toward a New Constitutional Framework in Kenya », Africa Today, vol. 45, N°2, April-June 1998, p. 213-226 ; Peters, R-M., art.cit. Sur le rôle des Églises en particulier, voir Maupeu, H., « The Churches and the poll », in Rutten, M., Mazrui, Al., Grignon, F. (eds), op.cit., p 50-71.

2 Voir les vingt points reproduits dans Mutunga, W., op.cit., p. 51-53.

3 Les évêques catholiques publient en mars 1994 une lettre pastorale dans laquelle ils appellent à une révision constitutionnelle afin de faire correspondre ce texte fondamental à la réalité multipartisane.

organisations fondatrices approuvent un « Proposal for a Model Constitution », rédigé et approuvé par les juristes proches des ONGDH (Gibson Kamau Kuria et Kivuta Kibwana1). Ce comité est secondé par un secrétariat dirigé par deux membres des ONGDH, Willy Mutunga et Njeri Kabeberi. A ce stade, les ONGDH, étroitement liées avec les juristes « progressistes », contrôlent ce projet et ont du mal à le faire partager au-delà de certains religieux déjà convaincus par cette nécessité. De leur côté les parlementaires, invités à une première grande réunion publique de présentation du projet, ne seront que quatre à s’y rendre. Si cette initiative n’a pas convaincu les hommes politiques, elle a cependant certainement eu une influence sur la déclaration du président en janvier 1995, appelant à une réforme constitutionnelle. En réponse, le comité restreint décide de rebaptiser le mouvement Citizens Coalition for Constitutionnal Change (4Cs), souhaitant ainsi élargir la base de la revendication. En 1995, ce mouvement s’engage à diffuser et à légitimer ce projet auprès de différentes catégories socioprofessionnelles. Ces tentatives diverses, relatées par W. Mutunga, soulignent les affinités et les méfiances suscitées par les ONGDH, reflétant aussi bien les proximité sociales que les intérêts et les positions de chacun de ces groupes2. Finalement, fin 1995, seules certaines églises, dont l’Église catholique et l’Église méthodiste, rejointes par la Church of the Province of Kenya (CPK- anglicane) et, ponctuellement, le NCCK, participent à l’initiative lancée par les ONGDH et les juristes. L’intention des membres du 4Cs est alors de s’engager dans des actions de diffusion et de promotion de l’idée de révision constitutionnelle, en s’alliant plus intimement avec les partis politiques et les Églises. Les deux plus grandes institutions religieuses, la conférence épiscopale et le NCCK refusent cependant de prendre part directement à la nouvelle initiative lancée par

4Cs. Celle-ci est reprise par des partis d’opposition (unis sous le nom de « National Alliance »)3 qui souhaitent organiser une Convention nationale, avec l’aide de 4Cs. Alors que les dirigeants

1 Kivuta Kibwana, enseignant en droit à l’université de Nairobi, est aussi directeur de CLARION, une organisation de recherches juridiques. Il est proche de Willy Mutunga, avec qui il animera le National Convention Executive Committee pendant la réforme constitutionnelle. Gibson Kamau Kuria, avocat, est un juriste renommé dans la défense des droits de l’Homme, proche de la KHRC qu’il a abrité dans son cabinet, à ses débuts.

2 W. Mutunga fait le récit des réunions tenues avec les groupes ciblés par 4Cs comme représentatifs de la société kenyane. Les partis politiques contactés ont peu répondu à l’appel de 4Cs, qui militait, en sus de la révision constitutionnelle, pour une unité de l’opposition lors des prochaines élections. La faible présence des membres du Parlement (14 députés sont présents) souligne le peu d’intérêt porté par les députés aux initiatives nouvelles et non partisanes. Les syndicats et le milieu des affaires ont également porté peu d‘intérêt à ce mouvement : les premiers parce qu’ils sont encore largement dominés par des hommes cooptés par le gouvernement KANU (4Cs reçoit cependant l’appui de dix-sept syndicats opposés à la Central Organisation of Trade Unions – COTU -, syndicat proche du gouvernement), le second par peur de représailles financières. Même les ONG, s’occupant majoritairement de développement, ne s’intéressent que très peu à cette initiative, accusant les ONGDH d’être « politiques ». voir Mutunga, W., op.cit., p. 82-102.

3 Cette Alliance Nationale est dirigée par Mwai Kibaki (ancien ministre des finances, vice-président, puis président du principal parti d’opposition, le Democratic Party), Michael Wamalwa (ancien député de la KANU, président du FORD-Kenya à partir de 1994 après la scission), Martin Shikuku, et James Orengo.

de l’Alliance confisquent dans les médias le projet commun, 4Cs se retire du projet1. Une nouvelle initiative, lancée avec les mêmes partis et d’autres groupes politiques, vient suppléer ce premier essai. 4Cs considère en effet qu’il est crucial, pour la mobilisation du Parlement et des citoyens, de bénéficier du soutien des députés. C’est ainsi qu’est créée une seconde structure, le

National Convention Planning Committee (NCPC) que trois représentants religieux sont invités à

diriger, en coopération avec une représentante d’une association de femmes, un représentant de

4Cs et des partis ayant proposé la Convention Nationale. Le but est ici de proposer un modèle

de constitution et d’exiger des réformes minimales avant les élections générales. Le soutien des partis politiques et l’ultimatum2 posé au gouvernement dissuadent la conférence épiscopale et le NCCK de participer directement à ce projet qu’ils jugent partisans, mais dont ils approuvent les objectifs3. Après l’annonce du Président Moi, en octobre 1996, qu’une réforme constitutionnelle ne serait entreprise qu’après les élections, 4Cs et le NCPC sont persuadés de la nécessité d’approfondir les alliances avec les partis politiques et les religieux afin de faire pression sur le gouvernement. C’est à partir de la première assemblée plénière de la National Convention, organisée par le NCPC à Limuru en avril 1997, qu’est lancé un mouvement populaire de revendications constitutionnelles. Un nouveau cadre de coordination est mis en place, le

National Convention Executive Council (NCEC)4, qui deviendra le porte-parole et l’organisateur du mouvement de masse que certains souhaitent voir se dessiner. Cette nouvelle structure, représentant davantage de groupes socioprofessionnels, appelle à un premier rassemblement le 3 mai. Celui-ci prend de l’importance parce que les hommes d’Églises, déçus de leur tentative de médiation auprès du pouvoir, lancent un ultimatum au président, et endossent la stratégie du NCEC. Cette première manifestation est suivie par un rassemblement à Central Park, le 31 mai. Lors de ces deux rassemblements populaires, certains leaders religieux sont présents, ainsi que, pour le second, l’ensemble des leaders politiques de l’opposition ralliés progressivement aux mots

1 « The Great Divide », Weekly Review, May 24, 1996.

2 Le NCPC établit un calendrier de mise en place des réformes, ainsi que des actions de représailles (boycott, grèves, désobéissance civile) si ces exigences ne sont pas respectées.

3 M-P. Peters note que c’est le NCCK qui formule initialement l’idée de réformes minimales en août 1996, voir Peters, M-P., art.cit.,p. 35. L'agenda minimal peut-être résumé en six points majeurs : (1) l'installation d'une commission électorale impartiale et indépendante, (2) l'accès aux médias publics pour tous les partis, (3) l'enregistrement de tous les partis politiques, (4) la suppression des licences nécessaires à la tenue de meetings politiques, (5) le droit pour toute personne de se présenter aux élections, (6) la suppression des lois coloniales qui permettent au régime d'interdire toutes les activités qui s'opposent à lui. Ces exigences sont accompagnées d'un ensemble de propositions plus fondamentales touchant directement à la nature présidentielle du régime. Le NCEC demande ainsi que soit changé le mode d'élection du président qui, depuis une réforme d'août 1992, doit obtenir la majorité des voix ainsi que 25% des votes dans cinq des huit régions pour être élu, pour le remplacer par un système de majorité absolue. Est également demandé un nouveau découpage des circonscriptions électorales, ainsi qu'une réduction du pouvoir exécutif qui n'est pas responsable devant le Parlement. Voir Kiai, M., art.cit.

4 Les membres de ce NCEC sont les trois organisateurs de l’assemblée plénière, les membres du NCPC, seize représentants des huit provinces du Kenya, six représentants de jeunes et d’étudiants.

d’ordre du NCEC. La politisation (au sens restreint) du débat apparaît clairement lors de la manifestation des députés de l’opposition, dans l’enceinte du Parlement, aux cris de « no reforms,

no budget ». La commémoration de Saba Saba, le 7 juillet 1997, est considérée comme le

rassemblement le plus important qu’ait connu Nairobi (et le pays) depuis 1990. Mais, après ces succès populaires, les actions de masses dérapent et mènent à des pillages qui discréditent le mouvement1. Justifiant leur défection par ces dérapages, ou pour d’autres raisons, de nombreux partis décident de se désolidariser du NCEC et d’engager des négociations avec la KANU, au sein d’un Inter-Parties Parliamentary Group (IPPG). La mise en place de celui-ci a été facilitée par des discussions menées sous l’égide de leaders religieux qui refusent la violence à laquelle ont mené ces actions de masse. Ces négociations politiques aboutissent, en novembre 1997, au vote de réformes constitutionnelles minimales concernant les élections à venir2.

La mobilisation des Églises a été cruciale pour le déroulement des actions de masse : elle a permis de créditer le mouvement d’une légitimité nécessaire à l’adhésion des citadins3, pauvres ou membres de la classe moyenne4, qui ont participé aux manifestions. Cette alliance a été possible du fait des liens idéologiquement « organiques » entre les ONG politisées et les religieux. Cependant, les divergences stratégiques (tentatives de médiation des leaders religieux auprès du Président, refus des actions de désobéissance civile) illustrent de véritables tensions politiques. Selon Maupeu, « les tensions portent sur la stratégie plus que sur le contenu des droits à défendre, mais de fait la crise oblige les deux acteurs à percevoir des différences de fond entre leurs conceptions respectives de la démocratie à proposer aux Kenyans »5. Il reste que ces

1 Lors d’un rassemblement en commémoration de Nane Nane (8 août), un policier est lynché par une foule particulièrement vindicative et violente. Les dirigeants du NCEC récusent avoir été à l’initiative de ce rassemblement improvisé. Voir Mutunga, W., op.cit., p. 184.

2 Joel Barkan résume les réformes passées au Parlement en novembre 1997 de la façon suivante: (1) nouveau statut de la commission électorale dont dix nouveaux membres seront nommés par les partis d'opposition ; (2) suppression ou amendement des quatre lois coloniales restreignant les libertés publiques ; (3) enregistrement immédiat de tous les partis d'opposition ; (4) instauration d'une cour habilitée à entendre les réclamations concernant des irrégularités durant l'élection ; (5) amendement du Broadcasting Corporation Act permettant un accès égal pour tous les partis aux médias électroniques ; (6) suppression ou amendement des lois de sédition ; (7) suppression de l'obligation de nommer des ministres du parti dominant ; (8) accord sur une répartition proportionnelle des douze députés nommés ; (9) accord pour l'établissement d'une commission de révision de la constitution après les élections (in Barkan, J.D. art. cit.)

3 Voir Peters, M-P., art.cit., p. 36.

4 W.Mutunga s’étonne et se félicite de la participation des classes moyennes à une action illégale (les rassemblements sont encore sous le régime de l’autorisation, selon le Public order Act) et au centre d’un quartier populaire de Nairobi (les Kamukunji grounds se trouvent en effet au milieu de quartiers de logements sociaux dégradés et de quelques logements informels). Voir Mutunga, W., op.ci.t, p.173. Il note cependant que la mobilisation et l’agitation protestataires sont notamment le fait de groupes de jeunes proches des ONGDH.

5 Maupeu, H., « Les organisations religieuses et les élections kenyanes de 2002 », in Katumanga, M., Maupeu, H., Mitullah, W. (eds.), The Moi Succession. The 2002 General Elections in Kenya, à par.

alliances tactiques, qui sont confortées par des actions conjointes plus régulières sur le terrain quotidien des violations des droits de l’Homme, et cet échec soulignent la diversité des engagements sur la scène publique, et la spécificité des ONGDH qui se forgent un rôle reconnaissable, celui de pôle radical. Cette position est renforcée par l’alliance des ONGDH avec les députés du groupe des « jeunes turcs ». Cette alliance sert les ONGDH qui y voient un relais de leur action à l’Assemblée, et ces députés conçoivent cette posture réformiste comme une stratégie de différenciation, au sein des partis d’opposition, dans lesquels ils sont minoritaires et dont ils ne partagent pas les logiques prégnantes du patronage1.

Cependant, le retrait des alliés cruciaux du NCEC (les Églises et la majeure partie des hommes politiques) mènent à une radicalisation du mouvement, et à sa perte de crédibilité2, dans la presse et auprès des bailleurs de fonds, qui s’accommodent des révisions formulées par le Parlement. Plus tard, la remémoration de cette période par ses acteurs est marquée par une amertume envers la « traîtrise » des alliés, une forte déception face à l’abandon d’un agenda radical, et l’impression que le changement de régime était proche3. Cette déception amène les ONGDH à se mettre en retrait de l’initiative constitutionnelle à partir de 1998, même si le NCEC continue de se positionner publiquement. Elle conduit notamment la KHRC à revoir ses méthodes d’action. Elle engage ainsi une réflexion organisationnelle et stratégique qui met en évidence la solidité de l’organisation. Loin d’être abandonnée par ses leaders, d’être délaissée par les donateurs, l’ONGDH conserve ses soutiens et cherche à consolider cette notoriété conférée par le mouvement de masse.

1 Voir sur ce point, Peters, M-P., art.cit., p.38.

2 Sur la violence des propos, voir les déclarations de Martin Shikuku, un des leaders de FORD-Asili : il affirme durant les négociations de l’IPPG que si les actions du NCEC provoquent le chaos, il organiserait un gang pour « chasser et tuer les fils et les filles des homme politiques tels que Raila Odinga et Paul Muite [qui récusaient l'IPPG], qui croient que l'on va rester à les regarder attirer nos enfants dans la rue en utilisant de l'argent, de la drogue et de l'alcool au nom de réformes au lieu d'agir au sein du Parlement », Daily Nation, October 17, 1997.

3 Relatant son parcours militant lors d’un entretien, W.Mutunga avoue avoir été découragé une seule fois : « J’ai été déprimé une fois, après l’IPPG ». Kivuta Kibwana, de son côté, insiste sur le fait que la « société civile » aurait été capable de renverser le régime, mais qu’elle s’est tenue tranquille, ce qui est sujet à caution. Il montre cependant combien les leaders de l’époque gardent un souvenir fort de cette mobilisation, devenue un événement traumatique : « En 1996-1997 on s’est mobilisé pour obtenir une réforme constitutionnelle complète. Nous avons investi beaucoup de pouvoir dans la société civile. Nous étions des leaders par défaut. Et nous avons été suivis. En 1997, Moi était presque dehors, nous aurions pu réussir en insistant encore, mais nous ne l’avons pas fait », Entretiens avec Willy Mutunga et avec Kivuta Kibwana.

B . R é p r e s s i o n e t v u l n é r a b i l i t é

Cette consolidation n’est pas favorisée par le contexte politique dans lequel les ONGDH se meuvent : au Kenya comme au Cameroun, la vulnérabilité des ONGDH se manifeste encore par l’acharnement gouvernemental à leur encontre. L’attitude policière des régimes demeure fondamentale pour comprendre les possibilités de structuration des groupes contestataires, dont les activités doivent s’adapter à la répression. Elle n’est toutefois pas la seule interaction constatée entre les groupes et l’État, ce dernier reprenant certains éléments du discours des ONGDH1. La combinaison de ces deux types d’attitudes (interactions discursives et répressives) révèle, en partie, la place prise par les ONGDH sur la scène publique, ou tout au moins la représentation que s’en font les dirigeants. L’intensité similaire de la répression (1) contraint néanmoins différemment les activités des groupes (2).