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G ÉNÉALOGIE DES ONG DE DÉFENSE

2. Les débuts incertains des ONGDH kenyanes

Les ONGDH kenyanes ne prennent pas directement part aux activités des partis d’opposition, pourtant en pleine effervescence en cette année électorale. Créés en 1992, RPP et la KHRC tentent simplement de s’implanter en tant que groupes de défense des droits de l’Homme, tout en prenant part à certains débats locaux.

Après la libération des premiers prisonniers politiques en juin 1992, certains d’entre eux rejoignent RPP. C’est notamment le cas de Tirop arap Kitur, Karimi Nduthu et Kangethe Mungai, futurs dirigeants de l’ONG. En novembre 1992, le groupe rédige une « constitution » et procède à des élections, qui mènent à la désignation de Njeri Kabeberi comme présidente du groupe. L’objectif immédiat de l’organisation est la libération des prisonniers politiques restants. Pour cela, elle organise des manifestations, en coopération avec l’Islamic Party of Kenya (IPK)3 et

1 Selon les membres des ONGDH, celles-ci constituaient le cerveau de la Coordination : « On décidait à CAP de nos mots d’ordre et on les imposait. Nous sommes la seule organisation qui stratégisions [sic] la lutte démocratique dans son ensemble. En tant que parti politique, les autres se demandaient plutôt comment se mettre en avant. CAP n’avait pas de telles prétentions, c’était l’intérêt général qui était en vue. Cela nous donnait une force que les autres n’avaient pas. Après un débat au sein de la coordination, nos mots d’ordre étaient adoptés, à 75-80% », entretien Djeukam Tchaméni.

2 Voir Mehler, A. art.cit., p. 122-123.

3 L’IPK est crée en janvier 1992 mais son enregistrement lui est refusé sous le motif qu’il contrevient au principe séculier de l’État kenyan. Dirigé par un leader charismatique, le sheikh Balala, il s’attire le soutien des jeunes chômeurs de Mombasa et prône un discours de changement radical.

le Democratic Movement (DEMO)1. S’en suit une série d’arrestations des membres de ces groupes non enregistrés légalement. En effet, RPP ne souhaite pas se faire enregistrer auprès des services administratifs. Ses membres considèrent que les lois régissant les ONG sont utilisées par le gouvernement dans un but politique et RPP ne cautionne pas cette utilisation frauduleuse d’une règle de droit. Malicieusement, l’un d’eux ajoute que « si nous ne nous enregistrons pas, ils ne peuvent

pas nous dés-enregistrer »2.

De son côté, Maina Kiai, directeur de la KHRC, revient au Kenya dès 1992 afin d’y implanter l’ONGDH ; l’organisation est alors accueillie par le cabinet Kamau Kuria & Kiraitu Advocates, deux juristes renommés dans la défense des droits de l’Homme et promoteurs de la revendication multipartite3. La KHRC reçoit très tôt le soutien moral et logistique d’avocats engagés dans la défense des droits de l’Homme, qui en rendent public la naissance, comme le fait le Nairobi Law Monthly qui accueille également des articles écrits par deux de ses directeurs4. Groupe d’exilés, la KHRC s’ancre dès lors rapidement dans le tissu de la contestation politique locale5. Ils commencent ainsi leur travail de recherche et de collecte d’informations, et publient en 1992 deux premiers rapports dénonçant la situation des droits de l’Homme à l’université6 et celle des prisonniers politiques7. Surtout, de juin 1992 à décembre 1992, RPP et la KHRC s’associent à d’autres groupes syndicaux, partisans, associatifs, religieux, au sein de la Coalition for

a National Convention (CNC) afin de discuter des conditions des élections, et plus largement pour

demander la tenue d’une convention nationale8. Cette initiative est née de la tenue, en mai-juin 1992, de deux conférences organisées par le NCCK, pour discuter de la transition au

1 Le DEMO est formé à l’initiative de Ngonya wa Gakonya, fondateur d’une église traditionaliste Kikuyu interdite, la Tent of living God. Il rejoint rapidement les rangs de la KANU.

2 Entretien avec Gitau Wanguthi.

3 Sur la création de la KHRC, voir « A Human Rights Organisation for Kenya », Nairobi Law Monthly, N°42, April-May 1992, et Mutunga, W., Constitution-Making from the Middle. Civil Society and Transition Politics in Kenya 1992-1997, Nairobi, SAREAT ; Harare, MWENGO, 1999, p. 68-69.

4 « Proposals for Improving Human Rights in Kenya », Nairobi Law Monthly, October/December 1992.

5 La composition du bureau des directeurs se modifie à ce moment : Peter Kareithi et Kiraitu Murungi ont quitté la Commission. Le premier n’est plus intéressé, tandis que le second démissionne pour se présenter aux élections de 1992. Ils sont remplacés par le Professeur Al Amin Mazrui, professeur de linguistique aux Etats-Unis, Njeri Kabeberi, businesswoman, membre fondatrice de Release Political Prisoners et Mumbi Mathangani, juriste formée à l’université de Harvard, membre fondatrice de la branche kenyane de la FIDA (International Federation of Women Lawyers). Elle remplace Rose Waruinge, passée rapidement au bureau de la KHRC.

6 Kenya Human Rights Commission, Haven of Repression : a Report on the University of Nairobi and Academic Freedom in Kenya, Nairobi, KHRC, 1992.

7 Kenya Human Rights Commission, Slow Torture : a Report on the Deprivation of Medical care to the Treason Four in Kenya, Nairobi, KHRC, 1992.

8 Pour le récit détaillé de l’émergence et des activités de la CNC, et du rôle de RPP et de la KHRC en son sein, voir Mutunga, W., op.cit., p. 28-47.

multipartisme et de la conduite d’élections libres en décembre de la même année. En marge de ces réunions, la KHRC et RPP décident de faire pression pour la révision de la constitution, tout en interpellant le gouvernement sur la question des prisonniers politiques. Lors de la seconde conférence, de nombreux groupes et partis s’associent à l’initiative et la coalition est formée officiellement le 17 juin. A partir de là, la CNC multiplie les prises de position radicales sur la tenue d’une convention, et le besoin d’un gouvernement de transition. A partir de l’automne 1992, les membres de la CNC demandent aux partis politiques de ne pas participer aux élections, car les conditions pour des élections libres ne leur paraissent pas réunies. Ils ne sont pas entendus.

Liés professionnellement ou socialement avec des membres des partis d’opposition, les ONGDH n’en gardent pas moins leur distance avec les partis qui prennent part aux élections. Si, pour beaucoup, les membres de ces groupes et de ces partis appartiennent à une même élite socioprofessionnelle, les parcours de chacun déterminent des prises de position différentes, qui s’ancrent peu à peu dans les organisations, et vont forger leur identité.

I I I LA V U L N É R A B I L I T É D E S O N G D E D É F E N S E D E S

D R O I T S D E L’ HO M M E F A C E À LE N V I R O N N E M E N T

P O L I T I Q U E

En ces débuts de « libéralisation politique », l’apparition de groupes tels que les ONGDH sur la scène publique est finalement mal acceptée, à la fois par l’État et par les groupes partisans. Leur forme atypique, leur engagement hybride en font des objets politiques nouveaux dont la présence gène un espace politique très récemment ouvert et en voie de reconfiguration. Si le débat sur les « structures d’opportunité politique » tend à nuancer la dépendance des actions collectives face, notamment, aux structures étatiques1, il faut reconnaître que, dans des contextes autoritaires, celles-ci demeurent des déterminants puissants de l’action collective. Le Cameroun, où les ONGDH vont être interdites, est un exemple frappant à la fois de la gêne occasionnée par ces groupes, et de la vulnérabilité extrême de ceux-ci face à un État qui conserve sa toute puissance autoritaire2 (A). L’exemple kenyan montre davantage la difficulté de ces nouveaux

1 Voir Mathieu, L., art.cit., 2002.

2 Gamson note que les « insurgés sont attaqués non pas seulement parce qu’ils représentent une menace – tous les groupes qui défient l’autorité sont menaçants pour n’importe quel intérêt acquis. Ils sont menaçants et vulnérables»,

types de groupes à s’insérer dans un espace particulièrement concurrentiel (B). Dans les deux pays, le message délivré par les ONGDH est inaudible et objectivement inefficace.

A . C a m e r o u n : l ’ é l i m i n a t i o n d e l a c o n t e s t a t i o n

Au Cameroun, alors que le gouvernement laisse le pays (et notamment certaines provinces) s’embraser, et que le président considère que la demande d’une conférence nationale est « sans objet », le MINAT interdit le 13 juillet 1991 les trois ONGDH, ainsi que trois autres associations parties prenantes de la Coordination1. Le gouvernement justifie sa décision par le fait que ces organisations ne respectent pas les objectifs mentionnés dans leurs statuts2. Pour le président de CAP-Liberté, les raisons de l’interdiction sont autres : son groupe et les autres ONGDH avaient pris le contre-pied des organisations politiques habituelles qui souhaitent prendre le pouvoir. C’est ainsi que « le militant politique non-partisan arrive comme un grain de sable » et gêne les stratégies ordinaires de l’échange politique3. Alors que la mobilisation populaire ne s’arrête pas avec cette interdiction4, le pouvoir use de la force et de la cooptation pour casser la dynamique collective engendrée par la Coordination5. L’incendie d’une grande surface est imputée aux militants de CAP-Liberté, et les locaux de l’organisation sont perquisitionnés et détruits6. Certains membres des ONGDH sont détenus temporairement7. Il semble également que son président ait fait l’objet d’une tentative d’assassinat. Il prend la fuite, et se réfugie en exil. Dans le même mouvement répressif, certains journaux sont interdits8. Parallèlement à cette stratégie d’intimidation, le pouvoir use de ses capacités de cooptation auprès de certains membres de ces ONGDH. Ainsi, Lapiro, membre de l’OCDH, semble avoir été « acheté » par

cité par McAdam, D., op.cit., p. 130. En effet, peu soutenus, fragiles face à un État maîtrisant les outils de la répression, les groupes sont encore facilement contrôlables.

1 Les trois autres associations sont : le Collectif des femmes pour le renouveau (CFR), l’Association des chauffeurs professionnels (ACAP), et l’Association nationale des sportifs camerounais (ACAP).

2 Le gouvernement note, en sus, que « [t]outes ces associations dissoutes par arrêté N°201-A-MINAT-DAP-SDLP du 13 juillet 1991 avaient milité pour les ‘villes mortes’ et la ‘désobéissance civile’ qui ont causé beaucoup de préjudice à l’économie nationale. Elles s’étaient directement impliquées dans le règne de la violence et du vandalisme », République du Cameroun, Les Droits de l’Homme au Cameroun, Yaoundé, novembre 1993, p. 80.

3 Entretien avec Djeukam Tchaméni.

4 Un nouveau plan d’action est lancé après l’interdiction, voir « Plan d’action de Bafoussam », Le Messager, N°239, 1er

août 1991.

5 Voir, par exemple, « Les opposants dans la nasse », Jeune Afrique, N°1600, 2 août-3 septembre 1991.

6 Voir La Messagère, N°2, 4 septembre 1991.

7 Voir « Sindjoun Pokam : chronique d’une ‘détention symbolique’ », Challenge Hebdo, N°2, 24 juillet 1991et Le Messager, N°239, 1er août 1991.

le gouvernement en mai 1991 lorsqu’il dénonce les « Villes mortes » et CAP-Liberté1. Selon Ebolo, son « retournement (…) fait partie des efforts de noyautage du mouvement contestataire », en direction, également, des partis politiques, des étudiants et de la presse privée2. Utilisant de façon concomitante l’instrument légal, la violence, et la cooptation, le pouvoir camerounais ne laisse que très peu de chances aux groupes de continuer à exister. De plus, le choix des dirigeants des ONGDH de ne pas contester véritablement leur interdiction, mais plutôt de continuer leur combat au sein des partis ou de partir en exil, est également significatif de la nature de ces premières ONGDH. Juste après l’interdiction et l’arrestation de certains militants de défense des droits de l’Homme, elles protestent dans les pages du Messager3, et sont soutenues par un communiqué de la Coordination4 ; mais, devant la répression et l’impossibilité d’exister légalement, les dirigeants et les membres préfèrent continuer leur lutte par d’autres moyens, montrant ainsi que la structure formelle « ONGDH » était davantage une opportunité de combat politique qu’une tentative d’enraciner ce discours et ces dénonciations relatives aux droits de l’Homme dans l’espace public camerounais. Son président reconnaît la nature « atypique » de CAP-Liberté et explique que l’engagement militant s’est orienté ensuite vers les partis politiques afin d’obtenir la conférence nationale. La clandestinité n’attirait pas les membres de CAP-Liberté alors que de nouveaux partis avaient vu le jour. Aujourd’hui, lors d’entretiens, un militant regrette cet engagement trop politique de l’ONGDH5. Un autre pense que cet engagement au sein des associations a plutôt servi les opportunistes politiques qui se sont ensuite dirigés vers les partis et n’ont pas continué leur engagement pour les droits de l’Homme6. La cause des droits de l’Homme n’a donc plus de

1 S’il confirme s’être opposé aux Villes mortes, Lapiro conteste avoir été acheté. Il est néanmoins au centre d’une controverse, et violemment pris à parti par certains contestataires (la boîte de nuit qu’il possède est incendiée à Yaoundé). Il n’est revenu sur la scène musicale qu’en 2001, avec un disque critique sur le régime et le président Biya. Voir Nyamnjoh, F.B., Fokwang, J., « Entertaining Repression : Music and Politics in Postcolonial Cameroon », African Affairs, vol.104, N°415, April 2005, p. 251-274

2 Ebolo, M-D., art.cit., p. 89.

3 Entretien avec Djeukam Tchaméni et Le Messager, N°237, 18 juillet 1991 et « Dissolution des associations des droits de l’Homme : un acte liberticide », Le Messager, N°238, 24 juillet 1991.

4 Le Messager, N°239, 1er août 1991.

5 « Néanmoins, je pense, avec le recul que [ce rapprochement avec les partis] n’a pas servi à l’organisation. Si elle s’était démarquée du combat politique, si elle avait pu résister, elle aurait participé à l’éveil des mentalités, à l’éducation de masse. Elle aurait pu peser plus sur l’évolution de la situation », entretien avec Anicet Ekane.

6 « (…) Dans la coordination, il y avait une pléiade d’associations qui permettait aux gens de se mettre en valeur. Parce que, dans un parti politique, ils auraient eu un rôle secondaire. Les gens voulaient échapper à ces catégorisations. Mais, dans la tourmente des années 90-91, peu de ces organisations jouaient le rôle d’ONGDH, elles étaient un appoint à la dynamique contestataire »,,idem.

« (…) L’OCDH, par exemple a été créée par des intellectuels, des professionnels, des avocats, un directeur de publication, Lapiro. C’était un moyen de se positionner. (…) Pour moi, c’était de l’opportunisme, les intellectuels voulaient avoir un moyen d’élever le débat. Il ne

militants ni de structures de mobilisation à partir de la dissolution de ces trois ONGDH. Elles ont pourtant été les fers de lance de l’expression contestataire, renouvelant ainsi des pratiques militantes passées, et faisant naître de nouvelles motivations militantes. Mais les rapports entre « opportunistes » et « maximalistes »1, entre groupes non-partisans et partis politiques relèvent d’une compétition acharnée dans une période de fluidité politique. Au Cameroun, comme au Kenya, les groupes se revendiquant d’un leadership moral et non-partisan ne sont pas entendus en cette année électorale. Soit, comme au Cameroun, ils se laissent saborder, soit, comme au Kenya, ils regardent, médusés, se dérouler une bataille électorale qu’ils estiment déjà flouée.

B . K e n y a : l ’ é c h e c d e l ’ i n s e r t i o n d a n s l ’ e s p a c e

p o l i t i q u e

Les partis d’opposition n’ont en effet pas accepté les revendications, ni les conseils des ONGDH concernant les élections. Ayant conservé une « ligne radicale », la CNC a même effrayé les partis politiques car, selon Mutunga, « une nouvelle constitution reflétant un nouvel ordre social, qui aurait empêché les partis politiques vainqueurs d’hériter de la machinerie violente du pouvoir incarné par le présidentialisme autoritaire, semblait inacceptable aux partis politiques d’opposition »2. Dans un désert idéologique, et face à la volonté de voir Moi être chassé du pouvoir, la position de la CNC était trop radicale. Pour Mutunga, les leçons à tirer de ce premier échec des ONGDH sont, d’une part, que seules les victimes du système sont prêtes à s’engager pour le changement, et que, d’autre part, il est nécessaire de créer des institutions capables de négocier avec les partis politiques, les institutions religieuses, et les acteurs internationaux, dont les intérêts sont changeants. Admis rétrospectivement, ces principes seront pris en compte dans la construction progressive des ONGDH.

Après la première vague de constitution des ONGDH, et leur disparition au Cameroun, les situations politiques globales demeurent comparables dans les deux pays. A côté des groupes non-partisans et « moraux », dont les succès sont mitigés, les partis d’opposition rencontrent un succès populaire indéniable. Il n’est cependant pas suffisant pour créer une dynamique d’unité au sein de ces partis qui multiplient les candidatures et se présentent divisés aux élections législatives et présidentielles de 1992. Celles-ci sont gagnées par les partis au pouvoir au prix de

pouvait pas se mettre derrière l’UPC, ni derrière un chef de parti, ils se sont mobilisés au cas où il y aurait une conférence nationale. », entretien avec Henriette Ekwe.

1 Mehler fait cette distinction, au sein des groupes d’opposition camerounais : Mehler, A., art.cit., p. 125.

fraudes et de violences. En effet, les deux présidents et les structures administratives et policières qu’ils contrôlent organisent des représailles contre leurs adversaires politiques et contre les populations soutenant ouvertement l’opposition. Ainsi, loin de favoriser l’épanouissement des droits dans les pays étudiés, les périodes d’émergence des ONGDH voient s’accroître les abus perpétrés par des régimes qui souhaitent conserver leur pouvoir.1.

Sans que les ONGDH présentent des caractéristiques similaires, notamment parce que les groupes camerounais sont dissous en juillet 1991, il est possible de comparer la situation des militants et de la cause défendue à la fin de cette période particulièrement mouvementée. D’abord les appartenances militantes sont encore très libres, et les structures de mobilisation, parfois brisées, n’ont pas créé de loyauté spécifique. C’est ainsi qu’après l’interdiction des ONGDH camerounaises, les parcours de leurs leaders se diversifient considérablement, pour des raisons pratiques mais aussi par choix2. De même, au Kenya, les militants passent et changent, et la multiplicité des lieux d’engagement montre une certaine fluidité de l’espace politique durant cette période. Par-delà cette instabilité, les deux contextes nationaux se rejoignent du fait de la prégnance des pratiques autoritaires, et présentent des motifs encore forts d’engagement dans le domaine des droits de l’Homme.

1 Sur ces premières élections de la décennie 1990, voir, pour le Kenya, Throup, D., Hornsby, C., op.cit. Pour le Cameroun, voir Sindjoun, L., « Elections et politique au Cameroun : concurrence déloyale, coalitions de stabilité hégémonique et politique d’affection », African Journal of Political Science, vol.2, N°1, 1997, p. 89-121 et Takougang, J., « The 1992 Multiparty Elections in Cameroon. Prospects for Democracy and democratization », Journal of Asian and African Studies, vol.31, N°1/2, p. 52-56.

2 « Il y a ceux qui ont rejoint le gouvernement (Antar Gassagaï) ou qui ont abandonné, ils sont peu nombreux. Il y a ceux qui sont entrés dans un parti, un nouveau ou alors sont redevenus actifs dans leurs anciens partis, notamment à l’UPC, ou au SDF. D’autres sont restés disponibles, sans adhérer à une culture partisane, et toujours méfiants face aux partis », entretien avec Djeukam Tchameni.

S e c t i o n 2

1 9 9 3 - 1 9 9 7 : L A B I F U R C A T I O N D E S

T R A J E C T O I R E S D E S O N G D E D É F E N S E

D E S D R O I T S D E L ’ H O M M E

Cette seconde séquence marque une bifurcation nette des trajectoires des ONGDH dans les deux pays étudiés. La situation de départ est différente : alors que dans un cas, la répression a anéanti le mouvement des droits de l’Homme, dans le second, les ONGDH se frayent une place dans l’espace public, souvent en confrontation avec le pouvoir, mais épaulées par d’autres acteurs professionnels. Au Cameroun, si l’on assiste à une ré-émergence d’ONGDH, notamment du fait d’exactions et d’une tactique d’ouverture simultanée du pouvoir après qu’il eut gagné les élections, ces ONGDH sont dispersées, peu organisées, et peu visibles. Au Kenya, en revanche, leur montée en puissance est marquée par le mouvement de masse du second semestre de 1997 autour de la réforme constitutionnelle, dont elles sont l’un des éléments mobilisateurs.

Les années 1993-1997 représentent un contexte ambigu pour les groupes de pression. Certains d’entre eux, au Cameroun, ou certains de leurs membres, au Kenya, ont participé à la revendication multipartite, et ont vu leurs efforts « récompensés » par une certaine forme d’ouverture politique. Le cadre juridique s’est assoupli, les partenaires de revendication sont plus nombreux, notamment parmi les nouveaux partis politiques, la liberté d’expression est désormais considérée comme un acquis. Cependant, si le contexte semble plus favorable à la