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LE REGIME JURIDIQUE DU DROIT À L'INTEROPÉRABILITÉ

255. De la définition du droit à l'interopérabilité à sa mise en œuvre. La caractérisation du droit à l'interopérabilité n'est que la première étape de la reconnaissance de ce droit. En effet, il manque encore l'examen de son régime juridique qui va en déterminer l'effectivité. Or, la mise en œuvre du droit à l'interopérabilité comporte une difficulté majeure : celle de la conciliation avec la garantie du droit d'auteur et des droits voisins. Or, « la mise en œuvre de l'interopérabilité est placée sous le signe des droits et libertés fondamentaux : le respect du droit de propriété, le droit au procès équitable »575.

256. De la difficulté de la garantie de l'effectivité du droit à l'interopérabilité. D'ailleurs, pour cette raison, un constat s'impose : l'interopérabilité fait peur car « (…) favoriser ou imposer l’interopérabilité revient nécessairement à faire prédominer des intérêts privés sur d'autres, un intérêt public sur un intérêt privé ou inversement, une conception de la diffusion de la connaissance sur une autre »576. Il est en effet

indéniable que l'interopérabilité facilite le contournement des mesures techniques de protection visant au contrôle de la diffusion de contenus culturels numériques. De ce fait, l'interopérabilité représente « l'arme absolue » d'atteinte au droit d'auteur et droits voisins par les consommateurs ou par les professionnels du secteur des technologies de l'information et de la communication577.

Pour autant, si la crainte d'une atteinte au droit d'auteur et/ou aux droits voisins est fondée, elle ne peut justifier de faire obstacle à la mise en œuvre du droit à l'interopérabilité. Ces différents droits sont essentiels, chacun dans leur domaine, au développement numérique de la société. Dès lors, plutôt que de combattre

575 J.-M. Bruguière et M. Vivant, Droit d'auteur et droits voisins, 2e éd., Précis Dalloz, 2013, p. 799 ; J.-M. Bruguière,

« L'interopérabilité et les droits et libertés fondamentaux », in Que reste-t-il du droit d'auteur après la loi du 1er août 2006 ? ,

Colloque CUERPI, Transactive, 2008, p. 87.

576 F. Duflot, « L’interopérabilité dans tous ses états »,<www.interoperabilite.net>, p. 2.

577 Y. Gaubiac, « Doctrine et opinions- Mesures techniques et interopérabilité en droit d'auteur et droits voisins », UNESCO, e-bulletin du droit d'auteur, avril-juin 2007, p. 7 : « En effet, toute entreprise qui communique légalement des œuvres est titulaire d’un droit de propriété intellectuelle - droit d’auteur ou droit voisin - en vertu du contrat lui transférant les droits nécessaires à son activité. Le propriétaire d’une plateforme de téléchargement légal est titulaire d’un droit pour diffuser l’œuvre ou la prestation protégée. Souvent, une telle entreprise ne sera pas titulaire d’un droit exclusif et, dans ce cas, d’autres entreprises pourront exercer la même activité conduisant à augmenter les circuits de communication des œuvres et autres prestations protégées. Dans ces conditions, comment décider l’interopérabilité de systèmes et donc imposer à une entreprise de communiquer à un tiers les données essentielles à l’interopérabilité qu'elle détient sur une mesure technique, si cette entreprise détient des droits de propriété intellectuelle pour diffuser des œuvres à partir d’une plateforme qu’elle a mise en place ? L’interopérabilité aurait nécessairement pour conséquence de porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle de cette entreprise en affectant les mesures techniques ».

l'un de ces droits, c'est vers la recherche d'un équilibre de leurs protections respectives que l'on doit tendre578. C'est ce que le législateur français, avec plus ou moins de succès, a appréhendé lors de l'adoption

de la loi DADVSI.

Ainsi, la législation nationale s'avère être, semble-t-il579, la seule à s'atteler à la tâche de la conciliation du droit

d'auteur et du droit à l'interopérabilité, en fixant, en particulier, l'interopérabilité comme limite au recours aux mesures techniques de protection, en ces termes : « les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d'empêcher la mise en œuvre effective de l'interopérabilité, dans le respect du droit d'auteur »580.

Toutefois, ainsi que le souligne le Professeur « le Code de la propriété intellectuelle " relooké " par le processus de transposition n'apporte que des solutions partielles à la question de l'interface entre mesures techniques et exceptions au droit d'auteur, solutions dont la lisibilité et la cohérence ont souffert en outre des remous politiques et médiatiques ayant entouré l'adoption des nouvelles dispositions (…) »581. En effet,

« (…) si certains ont pu écrire, à propos des dispositions de la directive européenne sur les mesures techniques, qu'un peu de clarté était désespérément recherchée, il n'est pas sûr que leur vœu ait été exaucé par la transposition de la directive »582. Aussi, si les intentions de conciliation du législateur sont réelles, elles

s'avèrent être insuffisantes, car, actuellement, la garantie effective du droit à l'interopérabilité au bénéfice du consommateur n'est pas assurée. Une évolution du régime juridique apparaît donc nécessaire.

257. Le contrat de consommation comme cadre à l'évolution du régime juridique du droit à l'interopérabilité. Il convient alors d'axer l'analyse sur l'interaction entre le sujet actif et les sujets passifs du droit à l'interopérabilité par le biais du contrat de consommation583. En effet, c'est par le biais du contrat de

consommation que le consommateur est mis en possession des outils et technologies de l'information et de la communication. L'évolution du régime juridique du droit à l'interopérabilité doit donc s'inscrire dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires relatives au contrat de consommation.

578 Y. Gaubiac, art. préc., p. 8 : « Un nouveau droit est peut-être en gestation qui sera confronté à la dimension mondiale de la communication des œuvres, selon les marchés en émergence et les modèles économiques qui se mettront en place ».

579 Y. Gaubiac, art. préc., p. 5 : « A notre connaissance, seule la loi française contient des dispositions détaillées sur cette question ». 580 Art. L. 331-5, al. 4, CPI.

581 S. Dusollier, « L'introuvable interface entre exceptions au droit d'auteur et mesures techniques de protection », Comm. Com. Electr., nov. 2006, étude 29.

582 Ibid.

583 Pour une présentation de la notion de contrat de consommation, cf. N. Sauphanor-Brouillaud, E. Poillot, C. Aubert et G. Brunaux, Les contrats de consommation – Règles communes, LGDJ, coll. Traité de droit civil (dir. J. Ghestin), 2012.

258. Plan. D'ailleurs, c'est précisément par le contrat de consommation qu'émergent les deux obligations majeures des sujets passifs du droit à l'interopérabilité : l'obligation d'information relative à l'interopérabilité lors la formation du contrat de consommation584 (Titre I) et l'obligation de mise en œuvre de

l'interopérabilité lors de l’exécution du contrat de consommation585 (Titre II).

TITRE I – L'OBLIGATION D'INFORMATION RELATIVE A L'INTEROPERABILITE LORS DE LA

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