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La sanction des pratiques commerciales déloyales

SECTION II – LE CHAMP D'APPLICATION DE L'OBLIGATION D'INFORMATION RELATIVE A L'INTEROPERABILITE EN DROIT PROSPECTIF

B. La sanction des pratiques commerciales déloyales

313. La définition de la pratique commerciale déloyale. Par application des dispositions de l'article L. 120- 1 du Code de la consommation, une pratique commerciale est dite déloyale quand « elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ». Deux conditions sont donc nécessaires à la caractérisation d'une pratique commerciale déloyale : une pratique du professionnel contraire « aux exigences de la diligence professionnelle », pratique ayant un effet significatif sur le comportement économique du consommateur moyen653.

651 Sur un renforcement des sanction en matière de droit de la consommation, cf. C. Zolynski, « Le droit de la consommation, témoin de la rencontre entre responsabilité pénale et responsabilité civile », Responsabilité civile et assurances, mai 2013, dossier 31 : « L'effectivité du droit de la consommation est une question récurrente. Elle est désormais au cœur des préoccupations du législateur, tant au niveau national que de l'Union européenne. (…) Or, en l'état actuel du droit positif français, l'effectivité du droit de la consommation demeure pour le moins limitée ».

652 cf. infra, p. 208.

653 C. Ambroise- Castérot, « Consommation », Rép. de droit pénal et de procédure pénale, p. 35, mars 2014 : « L'appréciation de la pratique commerciale trompeuse s'effectue-t-elle in concreto ou in abstracto ? Selon la jurisprudence, l'interprétation est objective

Une pratique commerciale déloyale peut être trompeuse ou agressive654. En l'espèce, pour le cas de

l'information relative à l'interopérabilité, nous écartons volontairement l'éventualité d'une pratique commerciale agressive, car il ne pourra vraisemblablement pas s'agir de sollicitations répétées ou de contraintes physiques, voire morales, altérant la liberté de choix du consommateur, viciant son consentement ou entravant ses droits contractuels655. Nous examinerons donc la seule application de la qualification de

pratique commerciale trompeuse.

314. La définition de la pratique commerciale trompeuse. L'article L. 121-1 du Code de la consommation, particulièrement long et détaillé, définit les pratiques commerciales trompeuses656. En résumé, cet article

(in abstracto, selon la référence au bon père de famille). Donc il faut que la publicité soit susceptible de tromper un consommateur moyen potentiel ».

654 Art. L. 120-1, II, Code de la consommation : « II.-Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-1 et L. 121-1-1 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 122-11 et L. 122-11-1 ».

Des pratiques commerciales déloyales pourraient également été sanctionnées de façon autonomes, dès lors qu'est caractérisé un défaut de diligence professionnelle et une altération du comportement du consommateur. Pour exemple, cf. la jurisprudence sur la vente subordonnée sous art. L. 120-1, Code de la consommation, cf. supra, p. 120.

655 Art. L. 122-11, Code de la consommation : « Une pratique commerciale est agressive lorsque du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l'usage d'une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l'entourent : 1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d'un consommateur ;2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d'un consommateur ; 3° Elle entrave l'exercice des droits contractuels d'un consommateur.

II. - Afin de déterminer si une pratique commerciale recourt au harcèlement, à la contrainte, y compris la force physique, ou à une influence injustifiée, les éléments suivants sont pris en considération : 1° Le moment et l'endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ; 2° Le recours à la menace physique ou verbale ; 3° L'exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d'une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d'influencer la décision du consommateur à l'égard du produit ; 4° Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ; 5° Toute menace d'action alors que cette action n'est pas légalement possible ».

656 Art. L. 121-1, Code de la consommation : « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu'elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d'un concurrent ;

2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;

d) Le service après-vente, la nécessité d'un service, d'une pièce détachée, d'un remplacement ou d'une réparation ; e) La portée des engagements de l'annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ; f) L'identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;

g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en oeuvre n'est pas clairement identifiable.

II.-Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas

distingue deux grandes catégories : les pratiques commerciales trompeuses par action et celles par omission. La catégorie des pratiques commerciales trompeuses par action est, elle, subdivisée en trois sous-catégories, listées au I de cet article tandis que les pratiques commerciales trompeuses par omission sont énumérées au II : « (…) dans le paragraphe I, sont tout d'abord réprimées les pratiques conduisant à des confusions (...), ensuite, les allégations, indications, présentations fausses ou de nature à induire en erreur (...), et enfin les pratiques qui masquent le véritable contractant, opérateur ou professionnel (...). À ces trois pratiques du paragraphe I s'ajoute celle du paragraphe II, qui sanctionne les pratiques reposant sur des omissions ou des ambiguïtés (...) »657.

315. Plan. Aussi, pour le cas de l'interopérabilité, deux situations sont envisageables : un professionnel peut se prévaloir d'une interopérabilité qui n'existe pas ou ne pas transmettre l'information relative à un défaut d'interopérabilité. Plus précisément, aux termes de l'article L. 121-1 du Code de la consommation, il peut donc commettre soit une pratique commerciale trompeuse par action sur les caractéristiques essentielles d'un bien, relevant de la 2e catégorie exposée précédemment, (1) soit une pratique commerciale trompeuse par

omission d'une information substantielle (2). Ces deux pratiques peuvent être sanctionnées pénalement (3).

1. Une pratique commerciale trompeuse sur les caractéristiques essentielles d'un bien

316. La définition de la caractéristique essentielle d'un bien658. Aux termes de l'article L. 121-1, I, du Code

de de la consommation : « I.-Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (…) 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : (…) b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses

déjà du contexte.

Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d'espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d'autres moyens.

Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :

1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ; 2° L'adresse et l'identité du professionnel ;

3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance ;

4° Les modalités de paiement, de livraison, d'exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu'elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d'activité professionnelle concerné ;

5° L'existence d'un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi. III.-Le I est applicable aux pratiques qui visent les professionnels ». 657 C. Ambroise- Castérot, art. préc.

accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service (...) ».

Les allégations ou indications peuvent être définies « comme des données, des précisions, des informations, des caractéristiques prétendues, qui sont nécessaires au consommateur dans l'exercice de son choix »659.

317. L'application au cas de l'interopérabilité. L'interopérabilité d'un bien est, à l'évidence, un atout commercial que le professionnel peut mettre en avant auprès du consommateur. Or, l'interopérabilité est, à notre sens, une caractéristique essentielle d'un bien, car il s'agit d'une information déterminante quant à son fonctionnement. Dès lors, le fait de se prévaloir d'une interopérabilité qui n'est pas effective pourrait être une allégation fausse, de nature à induire en erreur le consommateur, sur l'interopérabilité d'un bien et, par voie de conséquence, être constitutive d'une pratique commerciale trompeuse.

Cependant, à la lecture de l'article L. 121- 1 du Code de la consommation, il est difficile de catégoriser la pratique commerciale trompeuse portant sur le défaut d'une interopérabilité alléguée. Il pourrait en effet s'agir potentiellement d'une tromperie sur les « qualités substantielles » du bien, sur les « conditions de son utilisation et son aptitude à l'usage », ou encore sur « ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation »660.

En premier lieu, s'agissant des « qualités substantielles », il s'agit de catégorie la plus large portant sur l'ensemble des éléments essentiels d'un bien, à tel point que « (…) l'observation de la jurisprudence montre que les magistrats visent les qualités substantielles lorsqu'aucun autre élément de la liste ne rend compte avec davantage de précision des faits litigieux ; la notion de qualité substantielle jouant ainsi le rôle d'une catégorie balai »661. Pour le cas de l'interopérabilité, cette catégorie large pourrait donc parfaitement trouver à

s'appliquer.

En deuxième lieu, s'agissant des conditions d'utilisation et l'aptitude à l'usage d'un bien, « on peine à trouver 659 C. Ambroise- Castérot, art. préc.

660 N. Eréséo, « Fasc. 3480 : pratiques commerciales trompeuses », JCI Communication, p. 33 et s. : « L'article L. 121-1, I, 2, b), du Code de la consommation qui sanctionne les allégations fausses ou trompeuses portant sur “Les caractéristiques essentielles du bien ou du service” est de loin le plus fréquemment soulevé par les plaideurs. Les caractéristiques essentielles visées par le texte sont en effet très largement entendues et embrassent la plupart des éléments susceptibles d'influencer le choix du consommateur pour un produit déterminé (...) ».

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